Citations sur Mort d'un homme heureux (16)
"A quoi on est en train de jouer, là? Et alors, que je t'arrange de nouvelles lois, encore plus répressives et plus policières - tu sais bien comment vont les choses dans ce pays. Et la rancune viendra s'ajouter à la rancune, et ainsi de suite..Aussi longtemps qu'on n'aura pas trouvé de solution à la haine, ça n'aura pas de fin.
-Giacomo, mais ce n'est pas notre affaire.
- Je peux laisser un ami dans le pétrin ou donner un coup de main à un autre, même si cela contrevient à certaines normes mineures - en vue d'un bien supérieur. Il faut bien sûr être très prudent et agir avec la plus grande circonspection, sinon on risque de justifier n'importe quoi. Mais le seul fait qu'existent des exceptions nous rappelle que nous sommes toujours susceptibles de nous tromper, que les règles ne sont jamais fixées une bonne fois pour toutes, jamais gravées dans le marbre.
- C'est bien un raisonnement de démocrate-chrétien, Colnaghi.
" Par sa nature, l'homme en soutane prend le parti du pouvoir, dit-il. On ne peut pas lui faire confiance. Il en a toujours été ainsi, depuis le commencement des siècles. Bien sûr, le père Michele doit vous sembler une exception : mais même s'il est un bon prêtre, il n'en reste pas moins prêtre. Et vous savez ce qu'un communiste fait avec les curetons ; il les envoie se faire foutre. "
Il était la preuve vivante que, même en Italie, il était possible d'y arriver : que même le fils d'un ouvrier assassiné par les fascistes, les vrais, pouvait faire des études et devenir quelqu'un. C'était cela qu'il comprenait des grandes vagues d'agitation, de ces foules de jeunes tellement différents de lui, qui, pendant les quinze dernières années, avaient levé le poing et brandi des pancartes dans les rues pour revendiquer un monde autre. Mais il ne comprenait pas pourquoi ils étaient si nombreux à ne pas pouvoir attendre , ni à avoir la patience de transformer les choses. Peut-être n'en avaient-ils pas eu la possibilité ? Ou, plus simplement, celle-ci leur avait-elle échappé (pp. 77-78)
-Je me rends bien compte que c'est un sujet délicat mais, la vie que tu mènes, ça ne va pas.
-Voyons, Mirella. On en a déjà parlé.
-Le fait est que tu aimes ça. Tu aimes ce travail, tu aimes être en danger, tu aimes vivre seul. Tu aimes tout cela.
Une autre Italie ? dit Meraviglia en souriant. Vous et moi, nous voudrions une autre Italie, et par-dessus le marché, ensemble ? Ah, bordel ! Jamais je n'aurais pensé...Bordel, c'est vraiment la connerie des conneries."
Parce que, au bout du compte , tout se résumait à la question convenue : comment expliques-tu à un enfant la mort de son père ? A côté d'une telle perte, quel est le poids des raisons et des causes ? Nous élevons des enfants rongés par le ressentiment, se dit-il. Nous élevons des orphelins qui auront besoin de nouveaux pères, et je n'y peux rien.
Tu es véritablement un drôle d'oiseau.
Si nous parvenons à identifier ce- cette espèce d'idéal, disons, perverti- et à l'anéantir, ou du moins à en montrer l'absurdité, le problème est résolu à la racine. Sinon, qu'est-ce qui reste comme solution? On les arrête tous, on les met en prison, et après?
"Je sais que tu n'aimeras pas ce que je vais te dire, je sais que tu es plutôt quelqu'un d'attaché aux procédures et aux détails. Mais plus je travaille sur la lutte armée, et plus je sens qu'il faudrait que je comprenne pourquoi ces gamins font ça. Que je sonde leurs mobiles."