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Critique de rotko


Après les commentaires brillants des critiques, il reste au lecteur lambda à ajouter quelques banales remarques de son cru.
« j'avais envie de parler et je n'avais absolument rien à dire », confession liminaire d'un bavard obsessionnel ; il s'interroge sur ses « crises » de logorrhée, en remontant à des scènes fondamentales : une tentative désastreuse de séduction par le verbe d'une femme, dans un cabaret, puis l'agression dans un parc par un amant mécontent.
Derrière le personnage du bavard intarissable, séduisant et insupportable, on interroge la figure de l'écrivain, affligé du besoin incoercible d'écrire et de produire, son lien ambigu avec le lecteur, la mise en question de l'acte même d'écrire.
L'écriture serait-elle une logorrhée, un vice fondamental ?
Si vous l'avez « vous êtes condamné à monter sur les tréteaux, il faut vous y résoudre à faire le charlatan ».
D'abord soulignons la construction méticuleuse de cette nouvelle d'une centaine de pages qui se déroule en trois mouvements/chapitres : la scène du cabaret mal famé, l'agression dans un parc glacé, le silence final.
Autant d'indications qui donnent à cette « confession » une architecture musicale ;
- « l'ouverture » avec l'esquisse des thèmes tels la recherche de l'authenticité, de la sincérité en littérature, la présence d'un lecteur auditeur soumis aux caprices d'écriture du raconteur,
- Puis la musique discordante du cabaret, faite de «  rires bruyants, [de] crissements des souliers sur le parquet, [d'] interpellations de diverses natures et le plus souvent grossières que recouvrait avec peine un orchestre dont la musique aigre éclaboussait les murs… »
- et enfin un choeur céleste de voix enfantines, souvenir personnel de «  la chapelle du collège breton » avec la note discordante de l'oiseau grotesque, cauda burlesque - ou tragique, analogue au rire que la femme du cabaret oppose au séducteur bonimenteur.
La respiration entre ces mouvements, andante, scherzo, finale, force l'attention de l'auditeur, comme dans un symphonie de Berlioz, à ceci près que notre bavard impénitent séduit et accumule des commentaires sans laisser le loisir d'une distance critique.

Même sens de la caricature dans les nombreux éléments picturaux qui jalonnent le texte : confidence paillarde entre deux ivrognes hilares dans le cabaret, à la manière des peintres hollandais, croquis au fusain des rues désertes, de l' arbre obscur dans le parc enneigé , etc.

Si le discours du bavard, tout en incohérences et contradictions, témoigne d'une grande virtuosité [prétendument refusée et dénoncée] dans l'art d'écrire, les incursions sonores et plastiques séduisent en mettant mal à l'aise : l'agression dans le parc relève du cauchemar où, au lieu d'une arme, le guignol roux, l'amant mécontent, sort et consulte sa montre, renvoyant ainsi le bavard à une scène fondamentale de son enfance.
C'est dans ce décor et cette intrigue que le bavard, tel un prestidigitateur, cherche à « enchanter » puis à « désenchanter » son public, amenant son lecteur à examiner le lien qui le lie à l'auteur, le pacte établi avec celui-ci et la notion même de création littéraire conçue comme un vice dont le bavard, figure transparente et avouée de l'écri-vain « n'est pas à la hauteur ». « Seul le silence est grand » disait le poète.
Pour commenter « le bavard » de René-Louis des Forêts, rien de plus pertinent que les avis éclairés des critiques ( Maurice Blanchot et Pascal Quignard ) qui suivent le monologue dans l'éditions in quarto de Galllimard.
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