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EAN : 9782070285709
168 pages
Gallimard (24/11/1978)
3.76/5   76 notes
Résumé :
Publié en 1946, remanié lors d'une nouvelle édition en 1963, Le Bavard, pure contamination des mots les uns avec les autres, étend cette contagion avec une rage qui offre peu d'exemples à l'ensemble des protagonistes du drame, gagne à sa cause délétère les figures mêmes de l'auteur et du lecteur, provoquant de la sorte un rare et extraordinaire malaise. Il ramasse de la façon la plus éprouvante et la plus sarcastique la destruction, le saccage, le désir de silence a... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Le Bavard, c'est un imposteur - dont "[la] revanche consistera à laisser toujours ignorer si [il] mentai[t] encore quand [il] prétendai[t] mentir" (p. 160, dernière) - qui parle de son besoin de parler. Il s'agit aussi du narrateur d'un monologue à la première personne qui prend toujours le lecteur comme interlocuteur direct, jusque dans la célèbre phrase d'excipit : "Allons, Messieurs, puisque je vous dis que je ne retiens plus personne !", pour ne rien dire du tout, c'est-à-dire pour coudre autour d'une trame dérisoire et peut-être charlatanesque, la description de sa pulsion compulsive vers l'oralité. Sous le déguisement d'un remède à des "crises" de manque de loquacité, cet anti-héros que son asociabilité rend besogneux du lecteur nous fait part en fait du fondement de la psychanalyse (la valeur thérapeutique de la parole) dont de nombreux lecteurs sauront bien reconnaître la généralité:
"Je parlais et c'était une sensation magnifique. Il me semblait qu'en faisant ainsi étalage de ce que j'osais tout juste m'avouer à moi-même, je me déchargeais d'un fardeau très lourd, que j'avais découvert enfin une méthode pour m'affranchir de certaines contraintes généralement reconnues nécessaires au bien public, propre à me redonner une légèreté que j'avais recherchée, mais jusqu'ici sans succès ; je me sentais délivré des tumultes malsains qu'on entretient soigneusement à l'abri des regards dans un monde clos et défendu ; les luttes, les fièvres, le désordre avaient cessé ; j'obtenais enfin un jour de sabbat ; [...] c'était un plaisir aussi bouleversant que la plus réussie des voluptés érotiques." (p. 62-63).

Vous l'aurez deviné : la caractéristique stylistique la plus marquante de ce superbe monologue, ce sont des phrases d'une longueur extraordinaire, que je ne croyais plus usitée depuis Proust. Je ne peux résister à la tentation de citer intégralement la plus longue en absolu, car elle me paraît à elle seule pouvoir tenir place de nouvelle:
"Eh bien, c'est au moment où je me représentais sans la moindre arrière-pensée tout ce qui existait, par-dessus la cécité stupide des autres, d'affinités secrètes entre cette femme et moi, où je m'enchantais de la trouver silencieuse, grave, attentive, quoique apparemment peu apte à pénétrer le sens lointain de certains de mes aveux en raison de son incapacité évidente à comprendre tous les termes d'une langue qu'elle connaissait mal, ce qui d'ailleurs m'épargnait de surveiller mes expressions et de passer sous silence certains détails un peu trop tristement révélateurs et préjudiciables à l'idée avantageuse que j'espérais bien qu'elle se ferait de moi, mais qu'en dépit de leur caractère scandaleusement intime la peur de rompre le fil de mon discours me poussait à exposer, c'est au moment où, persuadé de bonne foi qu'il venait de survenir dans mon existence, sous la forme d'une belle étrangère, un élément réel d'émotion et que notre complicité allait prendre - elle le prenait déjà avec une extraordinaire intensité - l'allure d'une expérience cruciale, tout m'invitait à croire que j'avais enfin réussi à passer d'une solitude froide et triste (le plus souvent elle n'était en réalité ni froide ni triste, elle ne me paraissait telle à cet instant que par contraste avec mon désir) à la bienfaisante chaleur d'une entente réciproque, c'est à ce moment-là, il m'en coûte de le dire, c'est exactement à ce moment-là que cette femme qui n'était somme toute qu'une putain comme les autres partit sous mon nez d'un brusque éclat de rire." (p. 70-72)

A quoi bon ?... à quel but narratif correspond donc cet ultime aveu - formulé dans les dix dernières pages, tout en faisant un clin d'oeil à une auto-référence qui n'était pas encore à la mode, et à un rapport narrateur-auteur qui l'était depuis Pirandello et Unamuno, que le narrateur-personnage est un imposteur ? Une façon de pied-de nez au lecteur, une façon de justifier que le Bavard puisse se taire en révélant son truc, une ultime justification morale : ces options sont toutes exprimées. de toute façon, le méta-bavardage est encore un bavardage : là est peut-être la leçon cruciale (que les critiques devraient bien retenir...)
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Après les commentaires brillants des critiques, il reste au lecteur lambda à ajouter quelques banales remarques de son cru.
« j'avais envie de parler et je n'avais absolument rien à dire », confession liminaire d'un bavard obsessionnel ; il s'interroge sur ses « crises » de logorrhée, en remontant à des scènes fondamentales : une tentative désastreuse de séduction par le verbe d'une femme, dans un cabaret, puis l'agression dans un parc par un amant mécontent.
Derrière le personnage du bavard intarissable, séduisant et insupportable, on interroge la figure de l'écrivain, affligé du besoin incoercible d'écrire et de produire, son lien ambigu avec le lecteur, la mise en question de l'acte même d'écrire.
L'écriture serait-elle une logorrhée, un vice fondamental ?
Si vous l'avez « vous êtes condamné à monter sur les tréteaux, il faut vous y résoudre à faire le charlatan ».
D'abord soulignons la construction méticuleuse de cette nouvelle d'une centaine de pages qui se déroule en trois mouvements/chapitres : la scène du cabaret mal famé, l'agression dans un parc glacé, le silence final.
Autant d'indications qui donnent à cette « confession » une architecture musicale ;
- « l'ouverture » avec l'esquisse des thèmes tels la recherche de l'authenticité, de la sincérité en littérature, la présence d'un lecteur auditeur soumis aux caprices d'écriture du raconteur,
- Puis la musique discordante du cabaret, faite de «  rires bruyants, [de] crissements des souliers sur le parquet, [d'] interpellations de diverses natures et le plus souvent grossières que recouvrait avec peine un orchestre dont la musique aigre éclaboussait les murs… »
- et enfin un choeur céleste de voix enfantines, souvenir personnel de «  la chapelle du collège breton » avec la note discordante de l'oiseau grotesque, cauda burlesque - ou tragique, analogue au rire que la femme du cabaret oppose au séducteur bonimenteur.
La respiration entre ces mouvements, andante, scherzo, finale, force l'attention de l'auditeur, comme dans un symphonie de Berlioz, à ceci près que notre bavard impénitent séduit et accumule des commentaires sans laisser le loisir d'une distance critique.

Même sens de la caricature dans les nombreux éléments picturaux qui jalonnent le texte : confidence paillarde entre deux ivrognes hilares dans le cabaret, à la manière des peintres hollandais, croquis au fusain des rues désertes, de l' arbre obscur dans le parc enneigé , etc.

Si le discours du bavard, tout en incohérences et contradictions, témoigne d'une grande virtuosité [prétendument refusée et dénoncée] dans l'art d'écrire, les incursions sonores et plastiques séduisent en mettant mal à l'aise : l'agression dans le parc relève du cauchemar où, au lieu d'une arme, le guignol roux, l'amant mécontent, sort et consulte sa montre, renvoyant ainsi le bavard à une scène fondamentale de son enfance.
C'est dans ce décor et cette intrigue que le bavard, tel un prestidigitateur, cherche à « enchanter » puis à « désenchanter » son public, amenant son lecteur à examiner le lien qui le lie à l'auteur, le pacte établi avec celui-ci et la notion même de création littéraire conçue comme un vice dont le bavard, figure transparente et avouée de l'écri-vain « n'est pas à la hauteur ». « Seul le silence est grand » disait le poète.
Pour commenter « le bavard » de René-Louis des Forêts, rien de plus pertinent que les avis éclairés des critiques ( Maurice Blanchot et Pascal Quignard ) qui suivent le monologue dans l'éditions in quarto de Galllimard.
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Le narrateur, qui n'est pas nommé, est un bavard obsessionnel. Même s'il n'a rien à dire, il a sans cesse besoin de parler. C'est là son vice. Il n'y a que très peu d'action dans ce roman à part l'une des premières scènes où il tente désespérément de draguer une superbe femme dans un bar avant d'être poursuivi dans la rue par un rouquin éperdument amoureux de la femme à laquelle il a tenté en vain de faire la cour. En fait, ce livre est plutôt une réflexion sur le langage et sur la valeur des mots. le protagoniste se rend parfaitement compte qu'il est atteint d'un mal qui le ronge car bien qu'à force de trop parler, ses mots en viennent à être dépourvus de sens, il ne peut s'en empêcher et surtout, il a besoin qu'une oreille attentive soit à son écoute. Réflexion philosophique, pourrait-on dire, sur la valeur et le sens des mots ainsi que sur celle du silence. Livre qui peut paraître contradictoire puisque, bien que le lecteur soit atteint du mal de trop parler, le lecteur, lui, en déduit une morale sur le sens du silence. Livre un peu difficile d'accès puisque, comme je viens de le démonter, il mélange plusieurs styles d'écriture mais rempli de richesses !
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Avec « le bavard », René-Louis Des Forêts nous montre combien le 20ème siècle, avec le Surréalisme et le Nouveau roman, a proposé des textes d'une grande originalité.
Certes, ce récit est difficile au premier abord mais je l'ai trouvé très intéressant et je n'ai pas pu le lâcher.
René-Louis Des Forêts a écrit ce livre en 1944, pendant la résistance, dans l'euphorie d'un moment très particulier. Il a été publié en 1946 dans l'indifférence générale, comme s'il tombait mal ou était trop original. Il a été inspiré du surréalisme et d'André Breton en particulier.
Ecrit à la première personne il fait appel à une écriture discursive.

C'est l'histoire d'un homme silencieux pris soudain d'une envie de parler et en parlant, il va précipiter sa chute. A mesure que le temps passe, il va détruire son discours en récusant son propre témoignage. C'est un homme égocentrique mais attachant. Il est en pleine crise de bavardage et a le sentiment de parler pour ne rien dire. Alors il fait une sorte de confession sans que l'on réussisse à savoir si les faits raconter, la rencontre avec une femme dans un bal et les problèmes qui vont suivre, sont vrais ou pas.
C'est donc un exercice de style car les faits n'ont pas vraiment d'importance.
Et puis, il y a une autre singularité, c'est que le lecteur est partie intégrante du récit puisque le narrateur l'interpelle a plusieurs reprises.
Si l'histoire semble donc ne pas présenter un grand intérêt, c'est un livre qu'on ne lâche pas comme ça. Car les logorrhées du narrateur nous entraînent dans un tourbillon de mots assez fascinants.

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« Je présume qu'il est arrivé à la plupart d'entre vous de se trouver saisi au revers de la veste par un de ces bavards qui, avides de faire entendre le son de leur voix, recherchent un compagnon dont la seule fonction consistera à prêter l'oreille sans être pour autant contraint d'ouvrir la bouche », écrit Louis-René Des Forêts au début de cet excellent texte, comme pour définir le bavardage. Personnellement, ça m'est arrivé quelques fois, dans la vie et en tant que lecteur. Cette désagréable impression qu'on vous postillonne au visage sans le moindre égard. Ce n'est pas tout à fait le cas ici, car l'auteur de ce texte est en vérité très attentif à son lecteur et s'adresse très souvent à lui, même s'il n'est pas forcément amical.
De fait, l'auteur a écrit un livre qui ressemble à du bavardage, rempli de confidences, avec une certaine impatience à dégurgiter son discours et qui, parfois, pourrait paraître incohérent. Pourtant, tel que le narrateur commence par se décrire dans son rapport au monde et aux autres, il semble être le contraire d'un bavard. C'est un grand taciturne qui ne se confie jamais à ses proches.
Cependant, en son for intérieur, lui sait qu'il est un bavard et il le prouve. Un bavard spécial, un bavard de l'intériorité, un bavard en puissance, dont seul le désir pressant de s'épancher importe, qu'il devienne effectif ou non. Et ce désir - ces « crises », écrit-il, car ce n'est pas un désir constant et il le ressent comme un « mal » - s'abîme invariablement dans l'angoisse. Doucement, alors, à travers le récit d'une soirée trop arrosée qui a mal tournée, une nuit blanche, il analyse le sempiternel mécanisme chrétien : désir, assouvissement, honte, culpabilité, peur irraisonnée, expiation.
Mais où est la vérité, où commence le mensonge, le bavardage, dans cette entreprise de sape de la communication, mise-en-abyme infernale et ironique, aux contradictions assumées ?
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Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
Mais ce que je regrette de ne pas savoir exprimer, c'est le plaisir sensuel, à la fois très paisible et d'une acuité extrême, que j'éprouvais quand, assis sans bouger sur ce banc, d'où je pouvais jouir d'un paysage composé d'eau, d'édifices, de verdures à perte de vue et de nuages auquel la lumière printanière donnait un éclat magique, le corps chauffé par un soleil doux et protégé du vent encore assez frais en cette saison par un manteau suffisamment épais, je restais à regarder tour à tour les passants qui se croisaient devant moi, l'acier étincelant du pont rigide au-dessus du barrage ou encore, renversant la tête, la voûte vert clair du sapin qui me toisait de toute sa hauteur, toutes choses assez peu remarquables en elles-mêmes, et à prêter l'oreille aux propos décousus des gens qui avaient pris place à côté de moi, aux cris joyeux des enfants, au bruissement précipité de l'eau rebondissante au-dessus du pont métallique; la double action de regarder et d'écouter s'accompagnant depuis longtemps pour moi d'une émotion très spéciale qui pouvait surgir au moment le plus imprévu et m'être causé par quelque chose ou quelqu'un auquel je n'avais aucune raison particulière de m'intéresser. Au milieu du vaste flux des choses, ne rien faire, mais voir et écouter.
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Je courus en titubant vers la porte mais, avant de l'ouvrir, je me retournai. Elle était toujours assise, secouée par le fou rire, le visage inondé de larmes.

Autour d'elle se pressaient en cercle les clients qui riaient aussi aux éclats, une main sur la hanche, leur ventre chassé en avant et de côté, ravis sans doute de sortir enfin du silence où mon long discours les avait relégués et de donner libre cours à leur exaspération qui d'ailleurs ne s'exprimait en fin de compte que par une hilarité frénétique entrecoupée de glapissements aigus et de tape sur les cuisses. C'était un spectacle trop écœurant ! Dès que j'eus fermé la porte derrière moi, toute la salle s'emplit d'un staccato de voix semblable au tic-tac d'une mitrailleuse. Dans la rue, je me sentis d'abord heureux d'être sorti de cette salle surchauffée et bruyante. La neige avait durci et il faisait plus froid. Un froid qui pénétrait à travers les vêtements, à travers les pores dilatés par l'alcool et se glissait sournoisement jusqu'aux os. Les rues étaient désertes, les réverbères clairsemés et lointains. Les mains douillettement enfouies dans mes poches, le col de mon manteau relevé et boutonné sous le menton, je me glissai le long des murs en regardant avec prudence autour de moi et en prenant soin de me retourner de temps à autre pour m'assurer que je n'étais pas suivi. Au milieu de la chaussée vide, une ligne blanche allait s'amenuisant là-bas, en avant sur la surface blafarde et glacée de l'asphalte tigré de plaques neigeuses. Les rires et les éclats de voix parvenaient encore jusqu'à moi, lointains, assourdis par l'air ouaté, tissant une rumeur touffue que prolongeaient en sourdine les sons cuivrés de l'orchestre qui s'était remis à jouer. L'air froid me coupait le souffle, je fis halte un instant pour respirer, embrassant d'un coup d’œil satisfait la rue dans toute sa longueur bordée, à l'endroit où je m'étais arrêté, d'un côté par un long bâtiment bas dont la façade était constituée seulement par un mur blanc percé d'une immense porte aux lourd battants ouverts, tapi au fond d'un jardin grillé transformé en steppe neigeuse par la saison, de l'autre par une succession de petites maisons que rien ne distinguait sinon, si l'on veut, qu'elles étaient toutes de pierre et que leurs fenêtres étaient pourvues chacune d'un balcon de fer dont la neige qui s'étalait partout en couches minces faisait ressortir le dessin aux arabesques toutes rigoureusement identiques...

[...]Le souvenir de la salle enfumée et étouffante, l'éclairage brutal sous lequel se pressaient étroitement les danseurs, le rire vulgaire de cette femme..., enfin tout cet aspect de fête populaire dont je me délectais quelques instants auparavant ne rendaient que plus vif le plaisir que j'éprouvais maintenant à contempler ce paysage immobile, glacial et silencieux où j'étais seul...
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Éprouvant subitement une répugnance insurmontable pour la vie en société avec son cortège d'intrigues, de méprisables agitations et de paroles creuses, toute cette chaleur d'étuve qui émanait d'une promiscuité que les sinistres obligations de la vie m'imposaient, je n'aspirais qu'à m'en dégager pour goûter aux bienfaits de l'air pur et du silence...
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Et notez que je ne vous demande pas de me lire vraiment, mais de m'entretenir dans cette illusion que je suis lu : vous saisissez la nuance ? – Alors, vous parlez pour mentir ? – Non, monsieur, pour parler, rien de plus, et vous-même faites-vous autre chose du matin au soir et pas seulement à votre chat ? Et un écrivain écrit-il pour une autre raison que celle qu'il a envie d'écrire ? Mais suffit. Que mon lecteur me pardonne si je n'aime pas qu'on me bourdonne aux oreilles quand je parle.
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Bien qu'il me parût nécessaire pour entretenir l'état agréable où je me trouvais de conserver intacte toute ma lucidité, j'avais une connaissance assez éprouvée de ma faiblesse pour prévoir avec certitude qu'aucune considération de ce genre ne me retiendrait de céder à la tentation absurde et immédiate de vider ce verre qui brillait devant moi ; et je crois même que c'est la certitude absolue d'une chute prochaine qui m'entraînait à en avancer l'échéance. Je bus quatre verre consécutifs, c'était bien agréable aussi. La meilleure justification à ma faiblesse me semblait résider dans le fait que ma sensibilité, au lieu de se brouiller, devenait à la fois plus nette et plus réceptive, et je me sentais plein de sympathie, une sympathie formidable, pour tous ces gens agités. Qu'ils avaient raison de rire, de danser, de boire, de se préparer par des mots et des gestes à faire l'amour ! Quel passe-temps utile ! Dans le spectacle de ces gens emplis d'espoir ou de désespoir qui s'aiment ou cherchent l'amour, dans ce bruit de rafale, dans cette odeur chaude et confinée, consiste tout le secret de la vie, me disais-je en soulevant mon verre. Vivre c'est sentir, et boire, danser et rire c'est sentir, donc boire, danser et rire c'est cela vivre et sur ce plaisant syllogisme je vidais mon verre.
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