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Citations sur Alexia, notre fille (2)

Écrire un livre sur le meurtre de leur fille ou comment récupérer un maximum de fric sur son décès...qu'elle honte, cette famille me degoute...
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Et, mécaniquement, j'attrape la télécommande et allume la télévision qui s'ouvre sur BFM TV. Depuis le premier jour de notre drame, la chaîne d'information en continu raconte notre histoire en direct quasiment minute par minute. C'est très impressionnant, très violent aussi. Il y a quelque chose d'irréel à être la spectatrice de sa propre tragédie.

Happy est la chatte d'Alexia. C'est une jolie persane tigrée qu'elle adorait et qui est la seule avec qui Jonathann à savoir vraiment ce qui s'est passé dans la maison le soir du drame. Chaque fois qu'on la voit, on ne peut pas s'empêcher d'y penser. On lui dit souvent : « Ah, si tu pouvais parler, toi, tu nous dirais, hein ? Tu sais tout, toi. » On aimerait tellement que ce soit possible.

En regardant ma télévision, je comprends bien vite les raisons de ce mouvement. Un bandeau s'affiche en bas à gauche de l'écran avec ses lettres écrit en majuscules : JONATHANN DAVAL A AVOUÉ. Les gendarmes avaient donc raison : c'est bien lui le meurtrier d'Alexia. Tout l'édifice que je m'étais construit depuis son arrestation s'effondre sous mes yeux. J'ai l'impression que l'on m'annonce une seconde fois la mort de ma fille. Seule devant ma télévision, je sens mes larmes couler sur mon visage sans pouvoir les retenir. Je reste immobile. Pétrifiée. Les images projetées par l'écran se diluent dans mes pleurs, et se superposent à celle qui surgissent de ma mémoire. Celles du bonheur d'abord, mais aussi celles de Jonathann pendant ces trois derniers mois. Ses larmes, ses plaintes, ses mensonges – comment a-t-il pu nous faire ça ? Je n'arrive pas encore à remonter le fil des événements. Je ne suis pas encore capable d'être en colère. Je suis simplement malheureuse à en mourir, et ressens physiquement la douleur de mon cœur se presser à l'intérieur de ma poitrine, comme s'il allait exploser.

Je regarde Jean-Pierre comme pour lui dire que nous ne sommes plus seuls. Cest mots sont d'une force extraordinaire et représentent pour moi un réconfort que je n'attendais plus. Par ses propos, Marlène Shiappa rappelle l'évidence et rétablît la vérité d'Alexia. Non, Alexia n'était pas une jeune femme violente. Non, Alexia ne « méritait » pas d'être tuée. Comme tant d'autres femmes, elle est morte sous les coups de son conjoint - douze coups de poings au visage avant d'être étranglée pendant plus de cinq minutes. Voilà la stricte vérité.

Ensuite, je me tourne vers Jonathann pour lui dire que je lui confie ma fille et qu'il devra en prendre soin, avant de lire comme l'exige la loi les articles du Code civil régissant les droits et devoirs des époux, et d'abord l'article 212 qui dispose : « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance. » Ces mots résonnent encore dans ma tête. Comment imaginer, lorsque je les ai prononcés, que Jonathann les piétinerait un a un de la pire des manières ?

Nous savons que Jonathann a tué notre fille, mais nous ne savons toujours pas pourquoi et nous ne le saurons certainement jamais. Nous devons vivre sans vérité. C'est insupportable. Car l'une chasse l'autre. Elles se superposent, s'accumulent, s'additionnent et s'annulent. Souvent, j'ai l'impression d'être perdue. De ne plus rien savoir, de ne plus rien comprendre. Alors, je me rattache à mes souvenirs qui parfois s'embrouillent et se mélangent, pour tenter une nouvelle fois de tirer le fil de la vérité. Nous en avons tellement besoin.

On commençait à trinquer quand Jonathann est entré dans le salon en trombe, presque en courant, la démarche et les mouvements saccadés de l'homme affairé. Il a joué sa partition à merveille. Il a salué tout le monde et s'est précipité vers Alexia pour l'embrasser et lui demander si tout allait bien. Elle l'a rassuré, et lui l'a embrassé à nouveau. Et très vite, il a pris le relais du service comme à son habitude. La bouteille de champagne à la main, il a doucement rempli chacun des verres sans que personne ne lui demande quoi que ce soit. Même en retard, même débordé, même à quelques heures de tuer sa femme, Jonathann a été Jonathann, prévenant, serviable et attentionné avec Alexia qu'il n'a pas cessé ce soir-là d'appeler « ma chérie ».

Alexia et Jonathann ont enfilé leurs manteaux et se sont dirigés vers la porte. Nous nous sommes embrassés. En partant, ma fille s'est retournée et m'a envoyé un baiser de la main. C'est la dernière fois que je lui ai souhaité bonne nuit.

« Je suis partie courir, je passerai peut-être vous voir si j'en ai la force. À tout à l'heure. » Il a été envoyé juste avant 9h30. C'est impressionnant de savoir aujourd'hui que Jonathann a été témoin de la lecture par Stéphanie de ce faux message qui lui a lui-même envoyé pour nous laisser croire que sa femme était encore en vie, alors qu'il avait trois heures plus tôt déposé son corps dans la forêt d'Esmoulins. Comment a-t-il pu faire cela ? Comment a-t-il pu en avoir le cran ? Où a-t-il trouvé la force pour inventer cette histoire et nous la raconter, comme s'il y était étranger ? C'est fou ! Je suis certaine qu'il n'a pas pu l'improviser. Tout a été pensé, réfléchi, anticiper. Il avait un plan et il était en train de nous embarquer dedans.

On ne pardonne pas en cinq minutes. Il faut du temps, et nous savons aujourd'hui que nous ne le pourrons jamais. Car en revivant notre drame comme nous venons de le faire, en repensant à la souffrance d'Alexia et aux manipulations de son meurtrier, comment pourrions-nous pardonner cela ? Nous aurions l'impression de banaliser l'horreur et d'oublier notre fille. Or, Alexia vit toujours avec nous. Elle est là, à nos côtés, à chaque instant comme si elle n'était pas partie. Comme si Jonathann ne nous l'avait pas arrachée. Elle est dans le regard de sa sœur Stéphanie, dans les rires de James, son filleul, qui parle d'elle tout le temps. Elle est dans nos larmes aussi. Car depuis quatre ans, les larmes sont notre vie.
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