AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Seraphita


Deux coups de feu, un gamin qui traîne sur les lieux, le voilà embarqué dans le fourgon des policiers ; passages à l'acte violents en queue de comète d'une manifestation : quelques jeunes sont embarqués, un vieux également, violenté ; un patron menacé par l'une de ses intérimaires dans un entrepôt sans âme : les policiers s'en saisissent. Tous sont placés en garde à vue et le temps d'une nuit, leur vie se dessine sur les murs sales des cellules ; des vies, des destins et des espoirs, pulvérisés.

« G.A.V. » — acronyme de garde à vue — est un roman écrit par Marin Fouqué, auteur remarqué d'un premier roman « 77 ». Comme on le comprend au fil de cette oeuvre, comme le confirme pleinement la postface égrenant des hommages sur l'air de « si c'était mon dernier », l'auteur dénonce les violences policières et dédie « G.A.V. » « aux 747 citoyen.ne.s abattu.e.s froidement par la police française de 1977 à ce jour. A leurs amours, familles, proches — et à leur force pour tenir face à l'obscène brutal. » Plus largement, il s'insurge contre les cloisonnements, enfermements, questionne les barrières, celles du dedans, du dehors, l'emprisonnement — davantage manifestes paradoxalement en dehors des prisons.

C'est un roman d'insurrection, porté par un style puissant, travaillé au burin ; la violence y est rendue au centuple dans l'entrechoquement des mots, des phrases qui viennent à en perdre leurs verbes, leur ponctuation pour devenir vent de révolte. En creux des mots, les émotions éclosent, brutes, brutales, douloureuses. L'auteur rend à merveille les souffrances psychiques qui brisent âmes et corps, les perversions, petites et grandes. Et l'on vibre avec les protagonistes, on souffre et tremble à leurs côtés ou on les hait : en tout cas, on ne peut rester de marbre.

Toutefois, bien des longueurs se font jour et viennent alourdir un propos déjà bien sombre. D'autant qu'il reste par trop manichéen : on ne sort jamais de l'idée que les policiers sont violents et le portrait du flic dépressif, pantin travaillant de nuit et rédigeant des poèmes en secret, n'atténue guère le portrait peu reluisant donné de la profession.

Malgré ces longueurs, l'intrigue progresse au fil des pages et l'auteur nous livre des éléments de compréhension de ces vies disparates et brisées qui se retrouvent, pour une nuit, dans le sombre d'une attente. Et puis vient la clôture, en explosion douloureuse, brutale. « G.A.V. » est d'une lecture exigeante. Sombre, sa voix est puissante, la révolte portée par une écriture au scalpel qui exsude, en marge de ses plaies, une beauté poétique, douloureuse.
Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}