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EAN : 9782330153922
448 pages
Actes Sud (18/08/2021)
3.01/5   46 notes
Résumé :
Deux coups de feu ont retenti dans le quartier et les policiers rêvent de mettre la main sur le fauteur de troubles. En attendant, ils ont embarqué Angel, qui n’en est pas à sa première garde à vue. Mais Angel connaît la musique, il ne balancera personne.
Une nuit dans un commissariat, à chaque cellule sa voix : Angel à l’étrange sourire ; une jeune femme soumise au harcèlement quotidien d’un entrepôt ; des émeutiers ramassés à la fin d’une marche pour le cli... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Rentrée littéraire 2021 #29

G.A.V. Garde à vue. Un moment de quelques heures qui vous coupe du monde. C'est c'est espace-temps à l'orée de la société que Marin Fouqué choisit comme unité de lieu durant une nuit pour nous plonger dans la psyché de neuf personnages, là pour différentes raisons, y compris un flic « nuiteux ». de ce dispositif polyphonique naît une tragédie pleine de fils, tristement ancrée dans la réalité contemporaine, mêlant toutes ces voix avec toute la palette des pronoms personnels, du « je » au « il », du « tu » au « nous ».

Les intentions de l'auteur sont extrêmement claires. Marin Fouqué ne se cache pas et assume totalement le caractère politique de son deuxième roman. Il ne cherche pas à faire acte de sociologie mais ausculte avec une urgence presque rageuse tellement on sent la colère, l'indignation, le désenchantement et l'urgence à dénoncer le patriarcat, le harcèlement sexuel, le racisme ou les violences policières. Car en garde à vue, alors qu'en théorie, les droits ou leurs privations provisoires devraient être les mêmes pour tous, alors que les privilèges y persistent selon le sexe, la couleur de peau ou le statut social. le roman questionne sur comment la société crée des parias, d'une nuit ou d'une vie, et se perpétuent ainsi. La description du travail de la jeune femme intérimaire est saisissant, chaque nuit dans l'attente du SMS qui confirmera son embauche du matin, le corps vrillé et asservi par le picking dans les entrepôts d'une entreprise type Amazon.

Marin Fouqué est un auteur qui travaille la phrase à l'extrême, en tant que romancier mais aussi comme un slameur. Il écrit comme on rappe. Les phrases sont portées par une énergie électrisante, rythmé, saccadé puis le tempo ralentit, s'allonge avant de s'accélérer à nouveau jusqu'à s'épanouir dans une punchline percutante. En fait, le texte semble fait pour être lu à voix haute tant sa musicalité s'impose. Et ça cogne, et ça fait sens. de ce flot de mots qui au départ s'apparente à un maelstrom de voix, on parvient progressivement à reconnaître la voix de chaque personnage afin de vivre leurs sensations, au plus près de leur corps et de leur esprit.

Cette lecture s'apparente à une expérience très stimulante par sa radicalité assumée. Pas vraiment confortable d'ailleurs, elle ne conviendra clairement pas à tous les lecteurs. Si j'ai été impressionnée par la puissance du style conjugué à la rage de la dénonciation, cette lecture a souvent été irrespirable. Epuisante au sens littéral du terme. Moi qui lis extrêmement vite et souvent d'un trait, j'ai eu besoin de souffler, atteinte presque physiquement par les mots de l'auteur, étouffée par ce flow tumultueux qui parfois m'a fait décrocher du fond et de l'entrelacement des voix.


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Je sais que j'ai le droit de garder le silence, mais je voudrais témoigner du beau combat auquel je viens d'assister dans cette lecture. Il est à la fois intérieur et sociétal, rythmé de phrases choc, coups de poing, avec des mots qui volent en éclat, éparpillés, comme les pensées des gardés à vue qu'il nous est donné de côtoyer dans ce roman. Pourquoi sont-ils là ? Comment le vivent-ils ? Dans G.A.V., l'auteur nous fait vivre l'expérience de la garde à vue en nous plaçant dans la tête de ses personnages : On se retrouve seuls avec leurs pensées, enfermé physiquement mais aussi mentalement puisque, sans distraction, il n'y a plus moyen d'occuper les réflexions autrement qu'en les laissant se dérouler, révélant le plus profond des êtres. Elles prennent alors toute la place, une place démesurée, rebondissant contre les murs de la cellule et contre les parois de notre cerveau, vomissant rage, impuissance, idées politiques, histoires personnelles...


Une fois entré en G.A.V., le lecteur n'a donc plus d'autre choix que de subir les règles du commissariat, les bruits des cellules d'à côté, mais surtout les méditations de chacun sur ce qui les a amené ici. Tour à tour, nous sommes les gardés à vue de ce commissariat en pleine nuit : Angel, habitant de la cité qui ne cesse de penser à son sourire cicatriciel et à ce qu'il a vu - surtout ne pas leur dire qu'il prend un traitement, RIEN À DÉCLARER ; K-Vembre qui a pété un câble à l'usine où elle travaillait - est-ce que tout vient de la différence entre les sexes ? Et puis il y a ces black block arrêtés à la manifestation pacifique pour le climat - eux ne veulent pas s'entendre penser, ils préfèrent chanter LIBÉRÉÉÉÉÉ DÉLIVRÉÉÉÉÉ, c'est de circonstance.


"Ces mômes sont des enragés, ça paraît évident. Et comme tous les enragés, ils vivent mieux en cage."


Parmi eux et quelques autres, les flics régulent la vie en cellule. Blasé aux insultes, pratiquant l'humour de carapace et habitués à gérer le grabuge des cellules, ils sont ce soir particulièrement tendus : Ils recherchent le détenteur de l'arme qui a tiré deux coups de feu la nuit dernière. Est-il l'un d'entre eux ? Et si oui, pour quoi faire, et comment en être arrivé là ? Pour le savoir, il faudra subir les raisonnements intimes de chaque gardé à vue. Et subir est parfois le terme. Car tous ici trompent l'ennui en tentant de faire le tri dans ce flot de mots et d'images mentales que personne ne peut arrêter. Avez-vous déjà essayé d'arrêter de penser ? Leur vie défile sous nos yeux et nous fera entrevoir ce qui les a amenés entre ces murs inhospitaliers.


Concernant le style, l'auteur nous offre des scènes précises et percutantes lorsqu'il s'agit de décrire la vie réglée des flics, les procédures, les manipulations automatiques. Ensuite il souffle une véritable tempête de mots sur le vent de pensées libérées par les protagonistes, match de ping pong entre les phrases qui heurtent les souvenirs et rebondissent sur le présent. Enfermer quelqu'un c'est, paradoxalement, libérer ses pensées puisque plus rien ne les détourne. Subir ce flot est aussi éprouvant pour le lecteur que pour celui qui le vit, bousculé, noyé, vidé. Mais les gardés à vue continuent de cogiter car ils n'ont que ça à faire, et le lecteur continue de lire pour avoir le fin mot, et savourer cette prose travaillée, taillée pour le job. Et s'il tient bon, le lecteur est récompensé car Marin Fouqué offre une construction qui tient la route. Avouons-le, il est aussi content d'en sortir.


Un lecteur enfermé pendant 400 pages dans les idées des autres qui, pour s'en libérer, doit les écouter jusqu'au bout, les démêler. Les comprendre. C'est parfois long, de laisser la pensée s'écouler, mais c'est en cela que la forme rejoint le fond, et que ce livre fait sens. Car 24 heures au trou, ça s'écoule lentement. Mais ça se lit d'une traite, car une fois les pensées lancées, on ne peut plus les arrêter. A réserver cependant à ceux qui ne craignent pas les lectures exigeantes, car l'auteur rend parfois celle-ci aussi confortable qu'une cellule bétonnée sans toilettes où, seule, trône sur un banc-lit une couverture malodorante qui bouge toute seule.


Ici, finalement, c'est bien par la pensée qu'on s'évade.
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G.A.V. : Mesure privative de liberté prise à l'encontre d'une personne suspectée d'avoir commis une infraction, lors d'une enquête judiciaire.
Sans que nous ayons quoi que ce soit à nous reprocher, enfin, c'est ce que disent tous les coupables, Marin Fouqué nous place en Garde à vue.
Avec cette jeune femme qui vient de péter un câble contre son patron, ces manifestants aux airs de black box, ou Angel, qu'on connaît déjà bien dans ce commissariat du 93.
Gentiment on dépose nos effets personnels, papiers, téléphone, argent, cigarettes, ceinture et surtout, ne pas oublier les lacets, c'est dangereux de laisser les lacets à un gardé à vue.
Nous voici donc enfermé.
L'auteur nous invite à visiter, tour à tour, le cerveau de ces présumés délinquants.
Et il s'en passe des choses dans la tête de ces prisonniers d'un jour.
Ils refont l'historique du pourquoi ils sont là.
La journée d'avant.
Et puis le passé, parce que c'est peut-être le passé qui les a conduit là...
Ça cogite.
Rien à déclarer.
Une phrase qui tourne en boucle, pour dire qu'on ne dira rien. Pour dire qu'on ne craquera pas. Pour dire qu'on ne dénoncera personne. Pour se rassurer.
Les méthodes de la police, on les connaît ou on les devine.
Une épreuve à passer, avant l'espoir d'une liberté retrouvée.
Petit détour dans la tête du policier de service, il n'y a pas de raison de l'oublier, lui, même du bon côté des barreaux, il a un bout de vie en commun et lui aussi il a le temps de penser.
L'écriture de Marin Fouqué est perturbante, percutante aussi.
Il est capable de phrases de plusieurs pages, comme de mettre soixante points dans une seule.
C'est brut.
C'est direct.
Je me suis perdu parfois. Identifiant, avec difficulté, le narrateur. Il ne nous simplifie pas la tâche non plus, qui donne des drôles de noms à ses personnages (heureusement, il y a Angel) ou qui les en prive.
J'ai mis beaucoup de temps à rentrer dans son univers avant de trouver le bon rythme d'une lecture qui me laisse un goût étrange, entre plaisir et frustration.
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Belle matière à roman, la garde à vue de nuit dans un commissariat; routine pour les "nuiteux" qui récupèrent des désespérés, des révoltés, des blacks blocks et parfois des pauvres bougres qui se retrouvent , ce n'est pas leur première fois...
C'est dans cette atmosphère enfiévrée, malodorante souvent , que se passe ce roman choral, où, dans chaque cellule se revivent des histoires, , des désirs, des désillusions, des impressions de ne pas être sur la planète qui conviendrait le mieux à chacun.
Angel, au sourire énigmatique et K-Vembre une jeune femme écrivaine à ses heures mais brutalisée par les cadences exigées par son travail alimentaire. Et d'autres bien sur, qui , pour la majorité reverront le ciel au petit matin.
L'écriture de M. Fouqué , syncopée parfois ou faite de phrases interminables transmet bien cette fièvre de la nuit, et en écrivant je revois plus positivement mon avis, parce que quand même je n'ai pris de véritable intérêt à cette lecture que vers la centième page, soit à un quart du roman. Effet de génération certainement, un peu trop bousculée peut-être.
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Après le succès en 2019 de 77, un nouveau roman coup-de-poing (et l'on voudrait qu'on n'entende pas derrière l'expression un simple cliché) de Marin Fouqué, s'emparant avec rage de sujets d'une brutale actualité pour les glisser dans l'étouffant huis-clos d'un commissariat-prison. G.A.V., c'est l'abréviation - usuelle pour ceux, policiers ou leurs « clients », qui en ont une certaine habitude - de « garde à vue », et la plus grande partie du récit, se déroule, en effet, pendant le séjour contraint de quelques interpelés, tout au long d'une nuit, dans les différentes cellules d'un commissariat. Il y a là Angel, arrêté parce que des policiers, à la recherche des auteurs de coups de feu, l'ont coincé avec le sac de son copain S-Kro et la barre de shit qu'il contenait, Angel, habitué des contrôles au faciès et des séjours au commissariat, qui refuse de lâcher le morceau et de dénoncer qui que ce soit. Mais il y a aussi cette jeune femme, K-vembre, écrivaine en attente d'édition, travaillant comme intérimaire dans un entrepôt logistique, rendue dingue aussi bien par son environnement de travail que par le harcèlement dont elle souffre et qui a fini par craquer. Il y a aussi ce vieil homme maghrébin et ces trois Black Blocks – des gauchistes radicaux, pas nécessairement sympathiques, mais qui donnent, dans le texte, un vrai cours de stratégie de combat et d'agit-prop… - qui s'en sont pris à lui, lorsqu'il leur a reproché de perturber par leurs actes violents la manifestation pacifiste « pour le climat » à laquelle ils participaient conjointement. Et puis quelques autres encore, tous blessés par la vie… et un policier, nuiteux, philosophe et mélancolique, pas forcément à sa place là, pas forcément le meilleur des petits soldats ! Chacun, dans cette nuit, dit sa vérité, sa détresse et sa colère, le racisme, le patriarcat, l'inhumanité des cadences et de la robotisation du travail, la misère sociale, les violences policières. Et puis, il y a les fragments du décor (« Pinces », « cages », « lacets », qui donnent leurs titres aux parties du récit), le béton froid, le métal et le plexiglass des cellules, les bruits de la prison. Il y a, enfin, dans ce long texte, exigeant mais prenant d'un bout à l'autre, cette langue, un peu moins oralisée que dans «77 », mais rythmée, adaptée au discours de chacun. Un grand roman polyphonique, oui, ce G.A.V., comme un chant de résistance à toutes les oppressions… Et si on se le mettait en bande sonore, en boucle ?
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critiques presse (1)
Culturebox
08 janvier 2022
Intense comme un combat de boxe, cette polyphonie propose la radiographie d’une société française pulvérisée par le mépris. À travers des personnages aussi violents que tendres, Marin Fouqué transforme sa rage en chant de révolte collective. Un uppercut...
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
A chaque intervention, à chaque garde à vue, c'est un peu plus de la nature humaine que tu déterres, ses sentiments les plus forts, ses émotions les plus enfouies. Pour les mineurs de fond de l'humanité, à chaque jour son coup de grisou. Tu te demandes où s'arrêtera le forage. La noirceur est une palette infinie de teintes, ébène, jais, corbeau, encre, ardoise, charbon et d'autres couleurs même pas encore répertoriées. Rien de trop spectaculaire, rien de très grandiose. Salement humain. (...)
Le policier, c'est un fonctionnaire, c'est fait pour fonctionner. Mais comment fonctionner dans le sombre ? Tout pareil que dans une mine : se plier en deux, ne pas trop réfléchir et oublier la machine à broyer les corps. Et surtout, travailler son humour. L'humour, ça rend presque nyctalope. Le plus dingue dans tout ça, c'est lorsqu'il y a de la tendresse. T'es pas préparé. Une mère fondant en larme lorsqu'elle retrouve son enfant de six ans dans le commissariat, ses caresses, leur étreinte ; aucun humour ne pourrait faire parade. Alors tu pleures ou tu te planques, au choix, ou les deux, et puis tu passes à autre chose.
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Un calibre n'est pas phallique. Pas intrinsèquement (...). Un calibre n'est qu'un outil. (...) Cause-détente-conséquence. L'outil nommé calibre est composé d'une multitude de ressorts. C'est la pression.Les balles sont disposées les unes sur les autres dans le chargeur. C'est la rue. Une fois le cran de sûreté repoussé, la culasse est tirée vers l'arrière et le chien s'enclenche. C'est la police. Discrètement, par ce geste, la balle a été menée dans la chambre. C'est l'enfermement. Une simple pression de la détente et le chien s'abaisse, frappe le percuteur qui, par combustion, propulse la balle dans le canon. C'est la violence. Les rayures internes au canon, en vrille, garantiront la stabilisation gyroscopique du projectile. C'est la justice. La balle sortira par la bouche du calibre à une vitesse de propulsion telle que, selon sa trajectoire, elle pourra engendrer la mort. C'est la libération avec récidive.
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Moi je ne réponds pas à vos questions. Parce que tout ce que je dis, ça sera retenu contre moi. Comme dans les films, le verre de scotch en moins. Si seulement c'était pareil dans la vraie vie. Pouvoir retenir tout ce que l'on dit contre soi. Pouvoir serrer ses mots, avec tendresse ou avec rage, comme un oreiller le soir dans sa chambre. Ca ferait déjà quelque chose à soi, de vraiment à soi, pas vrai ?
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La policière ouvre une lourde porte qui se referme de tout son poids derrière elles. Alors qu’elles empruntent un autre couloir bordé de cellules, elle a seulement le temps d’apercevoir des corps sur des bancs de béton, certains allongés tels des gisants, d’autres prostrés, position penseur. La policière la conduit jusqu’à la quatrième cellule, en tout point semblable aux autres, composée de trois murs autrefois gris et d’un dernier en plexiglas, que des impressions comme des griffures rendent maintenant flou. Un sol en camaïeu de beige et de brun, palette complète de peaux d’humains. Dans l’un des recoins se trouvent des toilettes à la turque, séparées d’un banc en dur par un simple muret. Pour finir, un lavabo boulonné juste en face. Intégral néon-béton. Fracas porte. Cliquetis d’une serrure avec poignée ronde et sillon tracé type labyrinthe. Échos de pas. C’est donc à ça que ça ressemble, l’extrême rebord d’une société. Sans transition, elle pense aux premiers voyageurs qui ont été au bout de la Terre, quand on la croyait plate. Voilà certainement ce qu’ils ont dû ressentir en faisant le tour : pas étonnant, pas rassurant.
(p.58)
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La policière a passé une main dans son dos, sur ses clavicules et sur son ventre. Palpe, encore. Elle a notifié à voix basse que l'interpellée ne portait pas de soutien-gorge. Immense sourire du jeune. Elle a expressément demandé que soit secoué le bas du tee-shirt. Plus énergiquement, s'il vous plaît. Les trois hommes regardaient le tissu se coller et se décoller, se coller et se décoller, se coller et se décoller de sa poitrine, par à-coups. Le goût du sang. Les mors aux joues. Rien n'est tombé, exception faite de sa dignité.
(pp.30-31)
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Videos de Marin Fouqué (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marin Fouqué
**77**, le premier roman de Marin Fouqué, est également disponible en livre audio ! Plus d'informations : https://www.actes-sud.fr/actes-sud-audio
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« Il lisait ses textes debout. *C'est peut-être un détail pour vous.* Mais pour moi ça veut dire donner corps au texte, ça veut dire lui prêter mon corps, ça veut dire lui tendre la chair, ça veut dire l'accompagner comme si le texte était un môme s'appuyant de ses deux mains sur ses cuisses pour se lever tant bien que mal, il tire la langue et bientôt son bassin tangue, il se vautre, la langue fourche, mais plein d'espoir il se relève, le coeur battant, et se jette d'un coup dans le vide, sa langue pulse et zigzague maladroitement jusqu'à trouver son propre rythme – fuite vers l'avant. Sur scène, je lis debout. Faire comprendre le texte ? de ça, je m'en fous. Ce qui m'importe, ce sont les chuchots, les cris, le flow, le souffle. Je veux montrer un corps mu par le texte. Un corps habité du texte. Un texte vivant de corps. Mais une fois privé de public, seul dans la lumière tamisée de cette cabine, il m'est devenu impossible de lire debout. Impossible de rester autant d'heures dans pareille position. Impossible de donner à voir un corps avec seulement le son. Et, impossible de savoir dans quelles conditions vous alliez ensuite écouter ce livre audio. Alors j'ai dû m'asseoir. M'asseoir dans la cabine face au micro. M'asseoir dans ce silence, là, sur le banc. M'asseoir dans le studio comme dans le 77 et y retrouver son narrateur, enfoncé dans sa capuche. Tous les deux sous l'abribus, au bord de la route, entre bitume et boue, au milieu des Grand-Champs. Ça faisait longtemps. J'ai eu beaucoup de joie à le retrouver. J'espère que lui aussi. J'ai eu honte, j'avoue. Honte et rage de ce qu'il avait subi. Subi à cause de moi. Est-ce qu'il m'en voulait encore ? Il ne m'en a rien dit. Comme les deux boloss pétris de virilité que nous sommes, on s'est juste contentés de se regarder, timidement. Puis il m'a tendu son joint, et je lui ai prêté mes cordes vocales. Lui, il parle dans les crânes. Moi, je sonne aux oreilles. À nous deux, c'était parfait pour un livre audio. J'ai commencé l'écriture debout – pour qu'on l'entende sans vraiment la comprendre. J'ai continué l'écriture assis – pour la faire comprendre sans avoir à la dire. Aujourd'hui je vous dis mon écriture, pour qu'elle résonne et que le môme de 77 se tienne à son tour, enfin – debout. J'espère qu'il vous parlera. » Marin Fouqué
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#livreaudio
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