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Critique de gouelan


Quel temps fait-il ?
La vie
Qui l'a dit ?
La plume de Klaoda
Où ça
En mer d'Iroise
Qu'écrit-elle ?
Des mots de glaz
Mais pour qui ?
Pour toi lecteur

Une plume qui s'enroule au temps pour dérouler les mots ‘glaz'. Ni début ni fin, tout est commencement à chaque instant. Comme des coquillages ramassés au fil du dessein, sablant le quotidien, grain à grain. Bribes qui racontent le Finistère Nord, Portsall, Ploudal, le rocher de Saint-Samson, le cachalot blanc de Melville, Achab et le Péquod. Lambeaux de mots qui soufflent, plaquent le corps au sable, ont un goût de granit et d'huître, de naufrage, de lanterne. Ils sont lunaires.

Deux héros pour moi dans ce récit autobiographique : le temps et Anna, la mémée de Klaoda.

* Anna donne de la force à ses phrases en les fabriquant à l'envers, à la mode bretonne. Un peu comme les maisons bretonnes qui tournent le dos à la mer. C'est le sémaphore, le parler du large qui voit au loin et au fond.

* le temps, libre de voguer sans aiguilles, pagaie la vie dans tous les sens, passé-présent-futur comme un éternel instant, un va-et-vient incessant, une tempête, une déferlante… le temps c'est la vie, la mer c'est la vie, le temps c'est l'amer, l'amour et la mer, le soleil et la lune, et Anna aussi.

L'écriture est un lien, parfois elle sombre. L'écriture devient blanche, sonde l'impossible, l'indicible. Ce sont les "jeûneurs fous", ceux de l'absolu, ils meurent d'écrire. Agnès Rouzier, Martine Vergne, Danielle Collobert… « L'écriture blanche est un suaire », « Écrire ne laisse plus vivre », « On entendit à peine se refermer sur ces anges la porte du tombeau ».

Mais pour Kaola, pour Claire Fourier a en elle la force de son aïeule. Elle veille au grain. Kaola « bascule du côté de mémée ».

Un roman d'artiste, Klaoda a le goût des peintres, des musiciens, des poètes. Armand Robin, Henri Pollès, Danielle Collobert, Maurice Blanchot, Debussy, Eugène Boudin…

Elle a le goût du jardinage, des mots ombrés, ceux qui soufflent dans leur silence toute leur présence. Elle marchande les mots, comme les habits à Keribin-Emmaüs, les meubles de guingois, pour trouver les plus salés, les plus beaux, patinés par l'histoire. Elle lance à la mer ses lignes d'encre, harponne les couleurs, les vagues, fait remonter le temps. Sa plume délie, démêle, sonde mais pas jusqu'aux abysses. Pas jusqu'à "l'abolition de toutes les frontières entre présence et absence". "J'écris pour dire ma stupeur devant ce qui est. J'écris gaiement, à l'extrême de mon chagrin".

Si vous voulez entrer dans cette bouteille à la mer où le temps s'enroule sans autre ponctuation que la libre inspiration, mettez trois pulls, plaquez-vous au sable. Quand le ciel de mots est immobile de bleu et dentelle la page, calez-vous alors au fond du rocher de Saint-Samson et respirez les images qui passent.

La couverture est magnifique. le petit personnage perché là-haut, sur le sémaphore, la maison, le rocher, la falaise, qui respire le ciel mêlé de d'océan. Nuages et vagues grignotent l'espace par petites touches de pinceaux. le personnage est minuscule, grisé, une femme. Elle respire le temps, la vie.

Une lecture qui se mérite, cent petits chapitres, cent petits bols d'air, parfois ardus, piquants, parfois plus fluides, toujours parlants. Une écriture "à bout portant".

Je remercie Babelio et les Éditions Locus Solus pour la découverte de l'auteure Claire Fourier et de son voyage époustouflant en mer d'Iroise, là où tout commence…
https://short-edition.com/fr/oeuvre/poetik/cest-la-ou-tout-commence




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