Édouard Fournier3/5
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L'art de la reliure, en France aux derniers siècles
Résumé :
Nous ne prétendons pas écrire ici l'histoire si attendue de la Reliure. Plus elle est à faire, moins nous voulons l'entreprendre. Notre but, plus modeste, est simplement d'indiquer comment, depuis le moyen âge, le livre, profane ou sacré, fut toujours trouvé digne de devenir un joyau , et le devint en effet sous la main soigneuse d'ouvriers, la plupart inconnus, dont cet art de la parure des livres fut la brillante industrie.
Quand même le relieur, qui n'était au moyen âge qu'un humble servant de l'Université, un pauvre clerc en librairie, eût alors connu les secrets de cet art de la dorure, les privilèges du métier dont c'était l'industrie, nous dirions aujourd'hui la spécialité , lui eussent interdit de s'en servir. Il lui fallait même se dispenser du maniement de tous les accessoires précieux qui entraient dans l'habillement des livres de prix. Ils étaient du ressort des orfèvres , qui n'avaient garde de s'en dessaisir. Leur droit s'étendait même alors sur les tissus rares , tels que le veluyau (velours), le camocas et autres riches étoffes de soie.
Les livres magnifiques qui peuvent être encore admirés dans quelques spécimens , ces riches manuscrits des saintes Écritures dont, aux premiers siècles, Cassiodore dessinait de sa main la splendide parure, et que l'abbé de Saint-Riquier, Angelramne, historiait lui-même en orfèvrerie; ces merveilleux Évangéliaires carolingiens qui se survivent dans l'un des plus beaux qui aient jamais existé, celui dont Charles le Chauve enrichit le trésor de Saint-Denis, et qui se trouve aujourd'hui à Munich, n'ont pas été façonnés et ornés autrement. La reliure proprement dite en est des plus grossières, mais le reste est d'un prix inestimable.
Le moment est bien choisi, je crois, pour lui rendre publiquement cette justice qui lui est depuis longtemps faite dans le monde des amateurs. Jamais le livre , en effet, n'a, je pense, été plus estimé à cause de son enveloppe, et n'a dû mieux à la belle toilette de sa reliure le bon accueil qu'on lui fait dans les ventes. Quel qu'il soit maintenant, quelque trésor de savoir ou d'esprit qu'il renferme , il ne lui est plus permis de se présenter sans ce mérite extérieur.