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Critique de Victorg34


CRITIQUE - Ce roman nous plonge dans la vie nomade d'une mélancolique fratrie, soudée.

«Nous déménagions toujours pendant la saison froide, comme les baleines.» On entre dans Villa Royale par cette phrase frappante d'ingénuité ; la curieuse pensée d'un enfant qui, pour expliquer la tragédie, convoque une image, celle de ces géants marins qui migrent chaque année pour survivre. Survivre? Pas seulement pour la famille Gauthier. Il y a aussi, depuis la mort de l'époux et du père, un besoin de fuir. Voilà le lecteur embarqué dans la vie nomade de trois enfants et de leur mère, une grande dame au regard souverain, qui les aime follement.

Tous les quatre sillonnent la France, s'arrêtent un temps, s'installent dans une ville à laquelle ils ne s'attacheront pas et dorment dans une maison qui ne sera jamais vraiment la leur. Leur enfance est une série de départs. Palma, une petite fille espiègle, la résume au souvenir de la voiture et l'«odeur bizarre de chauffage», le ronronnement du moteur, l'autoroute qui défile dans le calme de la nuit. C'est à travers son triste regard que nous découvrons ses deux frères, Charles, le grand, le beau garçon qui mène une bien mystérieuse existence, et Victor, gamin taciturne, parfois colérique et d'une sincérité désarmante. La mélancolique fratrie, soudée, lutte contre la tentation de «glisser vers la zone marécageuse» où repose leur père. «Je répugnais à ce que nous nous y vautrions tous les trois.» Ils ne parlent pas du fantôme, le seul, qui les hante. Palma fait des cauchemars, Victor tombe malade, Charles «fume cigarette sur cigarette devant le Château d'If en insultant les mouettes pour ne pas pleurer». Ensemble, ils marchent vers une «résignation douce».
Il ne s'agit pas seulement de fuir un mort. Partir est aussi une manière d'éviter toute nouvelle tragédie, de déjouer la fatalité. «Comme les chats, en état d'alerte constante, nous craignions toute proximité avec la réalité.» Et voici qu'Emmanuelle Fournier-Lorentz a cette mystérieuse phrase, sans doute la plus belle de son délicat roman : «Parce que c'est dans cet engourdissement, dans cette brèche particulière de la vie que se glissent sans que l'on s'en aperçoive des voiles qui se déchirent, des drames dont on garde à jamais l'empreinte et qui nous laissent à vif. C'est là que les morts meurent pour toujours.»

Claire Conruyt, Le Figaro


Lien : https://www.lefigaro.fr/livr..
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