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Critique de Blok


.Dans la lignée de ses ouvrages précédents (L'Archipel Français, En immersion), Vincent Fourquet poursuit son inventaire de la société française en mutation, des changements intervenus entre le Monde d'Avant et le Monde d'Après.
Chez lui, ces notions ne se confondent pas avec celles invoquées par Emmanuel Macron dans sa période réformiste, ni avec l'attente du Monde d'Après Covid qui naquit durant le premier confinement et son ambiance surréelle. Il s'agit là de touts autres concepts.
Dans la pensée de Fourquet, le Monde d'Avant désigne l'époque dite des Trente Glorieuses, qui se prolonge en réalité, malgré la crise pétrolière, jusqu'au début des années 80.
Quant au Monde d'Après, c'est celui où nous vivons ; entre les deux, tout a changé ; c'est banal de le constater, mais souvent on ne réalise pas jusqu'à quel point il s'est agit d'une transformation en profondeur.
Pour ma part, né en 1951 (et en tant que tel ayant-droit à la stupide appellation péjorative de boomer), je peux dire que j'ai vécu sur trois siècles : je suis né en 1951, autant dire au XIXème siècle, dans le Monde d'avant le Monded'Avant, j'ai vécu ma jeunesse et ma maturité dans le Monde d'Avant, et je vieillis aujourd'hui dans le Monde d'Après.
Toutefois il me faut faire un effort conscient pour voir le passé d'après-guerre (qui est à peine celui dont parle Fourquet) et réaliser à quel point les choses ont changé
Car tout est différent, et je n'ai pas bien sûr la prétention de reprendre ici l'ensemble des développements à la fois exhaustifs et précis de l'auteur, mais voyons un peu :
Dans les années 60, nous vivions dans un état colbertien, où l'Etat intervenait, dirigeait et orientait l'économie, entre autres par le biais du Plan, en théorie incitatif, en réalité largement prescriptif.ILyé existait un important secteur public, appuyé sur un certain nombre de monopoles ; la Banque de France, et donc la monnaie, était entre les main de l'Etatt. Aucune entreprise privée, quelle que soit sa taille, n'aurait eu les moyens, ni même l'envie, de s'opposer à une demande de l'exécutif ; Il existait un secteur industriel considérable,réalisant un véritable maillage du territoire, et l'on était proche du plein emploi. Les travailleurs du privé étaient défendus par de puissants syndicats ; les salaires augmentaient régulièrement
La société civile était structurée par les deux piliers jumeaux, certes antagonistes mais remplissant des rôles comparables, de l'Eglise Catholique et du Parti Communiste, dotés chacun de sa morale propre, ces deux morales basées cependant très largement sur des fondamentaux communs
Dans son ensemble, la société était était régie par une morale commune, assez largement respectée.
Les solidarités familiales, de voisinage, de quartier, de village, étaient largement respectées ;
Elles s'appuyaient entre autres sur un maillage de petits commerces assurant l'essantiel des fournitures à la population et fournissant une possibilité de promotion sociale largement accessible aux classes populaires.
L'école de la République était à la fois égalitaire et élitaire et offrait des possibilités d'ascension sociale, parfois sur plusieurs générations. Elle produisait certes peu de diplômes, mais encore moins de chômeurs.
C'était cela, le monde d'avant.
Et tout cela a été démantelé à partir de 1980. Je ne vas pas me livrer à une comparaison terme à terme.
Disons seulement que deux forces principales ont été à l'oeuvre, communes à l'ensemble de l'occident, mais qui, en France, ont été curieusement mises en place par un Président dit de gauche.
La mondialisation, d'abord : ouverture des frontières et libéralisation des échanges ; destruction corrélative de la quasi-totalité du secteur industrialisé, et passage à l'agriculture productiviste, le tout énorme destructeur d'emplois directs et indirects, laissant des territoires saignés à blanc ; tentative de substituer aux emplois détruits un secteur tertiaire hypertrophié, basé en réalité très largement sur une économie de services à la personne, précaires, mal payés et peu gratifiants ; chômage de masse
La dérégulation ensuite, d'abord dans le domaine économique, bien sûr, et à la remorque du système anglo-saxon : démantèlement du service publics, privatisations (« vente des bijoux de famille ») souvent pour des raisons idéologiques, suppression des monopoles d'état, affaiblissement du droit du travail, mythe de l'entreprise, le tout entraînant la destruction des partis traditionnels de la classe ouvrière (avec celle de la classe ouvrière elle-même, affaiblissement des syndicats, bref de la plupart des structures d intermédiaires, mais aussi dans le domaine sociétal, l'anomie croissante de la société entraînant aussi une anomie morale, avec la quasi-destruction de l'ancienne morale commune
Il faut y ajouter la destruction du système éducatif que sa prétendue démocratisation a rendu plus inégalitaire, la disparition de la culture commune, éclaté en cultures d'origine étrangère, souvent antagonistes, et bien sûr les mutations ethniques de la société française.

Bref, un tableau fort peu encourageant. Il ne s'agit pas de dire que c'était mieux avant, car la France d'Avant n'était pas parfaite. Mais il est difficile d'aboutir à un bilan globalement positif.

Cette considération est personnelle et ne figure pas dans l'ouvrage, qui se limite à une description et à un constat d'une très grande qualité.
Il ne propose pas non plus de solutions. Ce n'est pas son rôle ; et peut-être n'y-en-a-t-il pas.

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