Citations sur Le chemin de la plage (14)
Pour citer Soren Kierkegaard : " Si quelqu'un me porte atteinte, ce n'est pas une affaire entre lui et moi, mais entre moi et moi-même. Est-ce que je me laisse offenser, ou non ?"
Elle n'a pas droit à l'erreur. Elle ne doit pas décevoir les autres.
- Qu’est-ce que c’est ?
- Un journal de gratitude.
Devant l’air perplexe de Johan, Jenny expliqua qu’elle suivait simplement les conseils qu’un coach en développement personnel avait prodigués lors d’une conférence devant la direction, la semaine précédente. Il avait recommandé à tous de noter chaque jour trois choses qui leur inspiraient de la gratitude.
- J’ai déjà écrit dedans, reconnut-elle.
- Je peux voir ?
Il ouvrit le carnet. La première page présentait un grand cœur rouge dans lequel elle avait inscrit le nom de son mari en lettres stylisées et romantiques. À côté figurait le chiffre 1.
Il sourit jusqu’aux oreilles et tourna la page. Numéro 2 et 3 : « J’ai décroché mon job de rêve » et « J’ai tenu une réunion devant tout le monde ».
- Ce n’est pas un peu la même chose ?
- Pas du tout, gros nigaud. Ce sont deux choses bien différentes. L’une est générale et l’autre spécifique.
- Si j’avais un journal de gratitude, j’écrirais ton nom à toutes les pages, déclara-t-il. Il n’y aurait de la place pour rien d’autre.
Elle ricana, lui prit le journal des mains et le posa sur sa table de nuit. Chaque soir, elle noterait quelque chose dedans, avait-elle décidé.
Puis elle posa une main sur la nuque de Johan, sentant la chaleur de sa peau et l’essence de son être qui se mêlait à la sienne.
La porte du train se referme avec fracas. De l’autre côté de la fenêtre, Jenny observe une femme en uniforme longer le quai, fermer toutes les portes et vérifier que tout est en ordre pour le départ. Avec son air peu commode, elle lui fait penser à une gardienne de prison. Jenny essaie de la suivre du regard, mais finit par à perdre au bout de la vitre.
Plus question de rebrousser chemin. Impossible de descendre en marche.
Apres tout, pourquoi voudrait-elle faire cela ? Quelle stupide idée. Elle est heureuse d’être enfin assise à cette place. Que le voyage démarre véritablement.
Elle regarde à nouveau par la fenêtre du train. Le paysage s’est rapidement fait plus rural et moins vallonné. De part et d’autre des rails, des champs se déroulent telles de gigantesques moquettes brunes, jaunes ou vertes. Çà et là, on discerne un corps de ferme, un bouquet d’arbres isolé, des voitures sur des routes de campagne, qui se dirigent vers des destins connus d’elles seules.
Dehors, la pluie tombe sans discontinuer. Les gouttes s’écrasent encore sur la vitre, avant de disparaître sans laisser de traces. Ainsi vont les choses. L’ancien laisse toujours place au nouveau.
Martina affiche une expression candide. Petra fronce tout son visage.
Et puis voilà que Martina se met à glousser, et qu’Anja éclate de rire, si fort qu’elle roule en zigzag au beau milieu de la route. Heureusement qu’il n’y a aucune voiture en vue.
Jenny rejoint l’hilarité générale de bon cœur. C’est si bête, mais si drôle. Maintenant qu’elle se détend, elle prend conscience qu’il y a bien longtemps qu’elle ne s’était plus amusée de la sorte, à rire de blagues potaches. Ses amies n’ont pas changé. C’est elle qui n’est plus la même. Mais elle le redeviendra.
Je sais que c’est difficile, mais essaie de voir le célibat comme quelque chose de positif. Comme une forme de liberté. Tu es en bonne santé, tu n’as que quarante ans et tu possèdes un petit nid douillet au centre-ville…
Faire du vélo est un véritable plaisir, dans un cadre aussi idyllique. On en oublie tout le reste.
Jenny hume l’odeur de fumier et scrute l’horizon. Prés et pâturages se succèdent, parsemés de hameaux isolés. D’un côté comme de l’autre, les champs s’allongent à perte de vue. Elle n’a jamais contemplé un paysage aussi plat. Derrière ses lunettes de soleil sportives, elle absorbe le panorama. Les effluves de terre chaude et les parfums végétaux viennent lui chatouiller les narines. L’air tiède de la fin de l’été caresse ses bras et son visage.
Elle pourrait dresser une liste de tout ce dont elle rêvait lorsqu’elle avait vingt ou trente ans. D’amour et d’une famille, d’une carrière et d’un statut. D’une belle maison. L’un après l’autre, ces éléments ont été cochés, et d’autres rayés. Or, tout cela est désormais derrière elle. Que lui reste-t-il pour aller de l’avant ?
Jenny est consciente du sang qui bat dans ses veines. Elle perçoit tout ce qui se passe autour d’elle. Le silence nocturne. Les champs gorgés de pluie au-dehors. Les arbres qui se préparent déjà à l’automne, à devenir noirs et dénudés. La mort qui attend, tapie quelque part. L’obscurité.