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EAN : 9782363581204
220 pages
Editions Vendémiaire (31/10/2013)
4.25/5   10 notes
Résumé :
La photographie dite de la " Tondue de Chartres ", prise par Robert Capa le 16 août 1944, est sans doute le document le plus représentatif du phénomène de l'épuration sauvage qui a entaché la Libération de la France au cours de l'été 1944. Or, elle a beau être mondialement connue, avoir été publiée dans un nombre considérable de journaux, magazines, ouvrages historiques et scolaires, avoir suscité émotions et commentaires, rares sont ceux qui connaissent l'histoire ... >Voir plus
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1939-1945, c'est la Seconde Guerre mondiale. Très vite après la défaite française en juin 1940 et l'invasion des allemands, les sympathisants allemands se montrent. Simone Touseau née en 1921, germanophile, fait partie de ceux-là. Travaillant pour les allemands, ayant un compagnon allemand (qui sera le père de son fils), elle est aussi l'amie de la pro-nazi Ella Meyer.
Simone Touseau c'est cette "Tondue de Chartres", fixée pour l'éternité par l'objectif du photographe Capa. A cette tondue germanophile et proche des allemands, on reproche au moment de la libération - outre ses sympathies allemandes - d'avoir dénoncé quatre voisins pour avoir écouté la radio anglaise, dont deux ne reviendront pas... Qu'en est-il vraiment ?
Après une enquête rendue difficile par les variantes d'écriture et de date, les auteurs vont finalement nous donner peut-être la clef, du moins leur clef, de ce mystère. A-t-elle était accusée à tort ou non ?

Simone Touseau :

Après une description d'usage des protagonistes, les auteurs vont commencer par nous expliquer que les accusations de sympathie avec l'ennemi que l'on reproche à Simone Touseau, ne sont pas une erreur. En effet, selon les témoignages d'époque Simone Touseau n'a jamais caché sa germanophilie, par intérêt de tout ce qui « est mis à l'index ».
Selon les auteurs, ce comportement pro-allemand serait exacerbé par son côté prétentieux et son ambition ; elle n'accepterait pas le déclassement social qu'a vécu ses parents au lendemain de la Première Guerre mondiale, et refuserait de prendre pour exemple sa soeur Annette qui sacrifie son salaire afin d'aider ses parents.
Enfin, ce côté rebelle, pourrait peut-être aussi s'expliquer par le fait que sa famille n'est pas issue du schéma traditionnel qui voudrait que le père de famille soit le chef de cette dernière, puisqu'en effet c'est la mère qui commande à la maison.
Si je vous parle de cela, c'est que tout cela à son importance. En effet, ce tempérament orgueilleux et rebelle, donnera très vite à Simone une réputation d'effrontée, qui, on s'en doute, ne sera pas franchement appréciée par le voisinage et jouera contre elle à la libération, comme l'attesteront les reproches dressés contre le père de famille de ne pas avoir été le mâle alpha dans la maisonnée. Toutefois, vu sa collaboration avec l'ennemi allemand – et je ne parle pas de son histoire d'amour –, on peut aussi affirmer que le respect des moeurs ne sont pas les seuls éléments qui dictent les témoignages. Reste maintenant à voir si tous disent la vérité, et si les accusations peuvent être toutes acceptées sans discussion.

Quelle vérité ? :

Comme je le disais dans l'intro, Simone Touseau a travaillé volontairement pour les allemands et avait pour amie Ella Meyer, une suisse pro-allemande qui fuira lors de la libération de Chartres. Il n'en faut donc pas plus pour qu'on lui reproche la dénonciation de quatre voisins, qui sont aussi à peu de chose près les voisins d'Ella Meyer. On a vu également, que les moeurs de la jeune fille et de la famille ont joué énormément dans la suspicion. Mais pour un juge, au lendemain de la libération et dans un pays qui crie vengeance, reste à faire la part des choses ; car peut-on affirmer que les accusations de dénonciation ne sont que des mensonges et se basent sur les préjugés, quand à côté cette famille a eu de bons rapports avec les allemands ?
Difficile à dire. Toutefois, force est d'admettre avec les pièces d'archives que les auteurs ont ressortie, que les accusations de dénonciation ne reposent pas sur grand-chose de tangible. En effet, les charges pleuvent mais les preuves manquent, et finalement on va s'apercevoir qu'à part supputer, rien - excepté la sympathie allemande - ne peut être prouvé avec certitude contre Simone Touseau et sa mère. Les témoignages se basant seulement sur des impressions, des convictions et quelques scènes qui ne laissent pas de traces où transparaît en plus les histoires de voisinage et les opinions sur cette famille. Donc, autant dire que les pièces à charge sont biaisées pour ce dossier. (Et pour combien d'autre aussi ?)
Finalement, devant le manque de preuve concrète, le juge condamnera Simone Touseau pour ses sympathies pro-allemandes mais pas pour la rafle de février 1943. Néanmoins et nonobstant cet état de fait, pour les auteurs tout porte à croire que la dénonciatrice est Ella Meyer. Morte de son bel âge en 2016 et qui a bénéficié d'un non-lieu, car la dame aurait retourné sa veste et sauvé quelques têtes. Mais le hic avec cette théorie très plausible, c'est que les auteurs ne l'ont pas plus creusée que ça.

Règlement de compte :

Enfin un autre atout de ce livre que j'ai beaucoup apprécié, réside dans la description du jour de la libération de Chartres. Je ne parle pas des combats et de ses stratégies, mais de cette fureur qui a pris possession des esprits et qui profitent de cette justice expéditive pour régler leurs comptes ; qu'ils soient amoureux, comme le cas de Yvonne S. arrêtée par son ex-amant, ou plus personnels… Beaucoup de ces enthousiastes de l'épuration sont des résistants de la onzième heure, ils profitent donc de cet évènement pour faire oublier leur léthargie pendant l'occupation, et ça leur enlève forcément quelques neurones...
Bref ! Ce livre montre à voir un peu plus que l'affaire de la « Tondue de Chartres », et en ça c'est aussi excellent.

En résumé, c'est un livre à lire pour cette histoire de la "Tondue de Chartres" (que je n'ai fait que très vite résumer), mais aussi pour avoir une bonne vision de la mentalité de l'époque. Par ailleurs, c'est un excellent livre qui montre les difficultés des jugements après la libération. Un livre à lire donc, et en plus de ça un livre qui se lit comme un roman.
Lien : http://encreenpapier.canalbl..
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Frétigné Philippe et Leray Gérard, - "La tondue : 1944-1947" - éditions Vendémiaire, 2011 (ISBN 978-2-36358-011-5)

Les deux auteurs, enseignants d'histoire-géographie et amateurs d'histoire locale, ont collecté un maximum de renseignements permettant de rendre compte de la célèbre photo prise par Robert Capa le 16 août 1944 lors de l'entrée des troupes alliées dans la ville de Chartres, et de restituer ainsi le destin de cette femme connue sous le nom peu reluisant de "la tondue de Chartres", qui s'appelait dans la réalité Simone Touseau.
Historiens, les auteurs s'en tiennent aux faits avérés, et ne citent que des témoignages jugés à peu près fiables. Pour ma part, je reste tout de même étonné que l'on puisse aujourd'hui citer ainsi les noms de personnes encore en vie, ou disparues depuis peu, alors que la loi sur l'accès aux Archives Nationales tendrait à reculer de plus en plus le délai de consultation justement parce que les gens vivent de plus en plus longtemps.

Ceci dit, cette pratique des "femmes tondues" (qui affecta plusieurs milliers de femmes à travers la France) représente l'un des épisodes les moins glorieux de la Libération du territoire en 1944-1945. Dans le cas présent, si cette dame Touseau est réellement innocente de toute dénonciation de voisins plus ou moins Résistants, son seul crime aura consisté à tomber amoureuse d'un soldat allemand (qui sera tué sur le front russe), à vouloir l'épouser, et avoir enfanté une fille de cette liaison (le bébé que l'on voit sur la photo). Évidemment, cette liaison vécue au grand jour, sans se cacher, lui permettait de bénéficier de quelques largesses vestimentaires, alimentaires et distractives refusées au reste de la population, ce qui ne faisait qu'exciter les rancoeurs.

La foule qui la conspue copieusement, comme on le voit sur la photo, réunit probablement surtout de ces gens du peuple qui viennent se venger des humiliations (et compromissions) endurées chacun à son tour. Certaines de ces personnes se sont peut-être rendues coupables de crimes bien plus grands : qui peut le savoir ? Il y eut beaucoup de "résistants de la dernière heure" au moment où il s'avérait si opportun de revêtir un costume de FFI...
Dans leur écrasante majorité, les véritables Résistants ont fait preuve d'une grande réserve sur ce point.

Cette photo est épouvantable. Elle montre la colère des petites gens s'en prenant à l'une des leurs, ces petites gens éternellement floués quel que soit le parti qu'ils prennent. Pire encore, ils s'en prennent à une femme, ce qui est toujours tellement simple et facile ! Seule la présence d'un bébé semble inciter à quelque retenue.
Pour moi qui ai eu des enfants, en voyant cette photo, je me demande aussitôt ce qu'est justement devenue cette petite fille. Les auteurs répondent pudiquement à la toute fin de l'ouvrage.

Un livre qui atteste combien il est indispensable de relativiser, de recadrer, de recontextualiser avant d'émettre un jugement.
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Les deux auteurs réussissent un coup magistral en nous offrant une leçon d'Histoire et d'histoire. La photographie de la tondue de Chartres prise par Robert Capa le 16 août 1944 qui doit se trouver dans de nombreux manuels d'histoire-géographie fait quasiment office de point de départ, de centre de gravité de cette recherche historique sur un destin individuel, celui d'une tondue photographiée par un géant de la photographie. Leçon d'Histoire lorsque Philippe Frétigné et Gérard Leray nous plongent dans ce moment de la libération d'une ville où les comptes doivent être réglés entre concitoyen.nes, comptes épurés mais pas soldés ; 80 années après, à entendre certain.es, on devine que le-solde-de-tous-comptes n'est pas encore à l'imprimerie sur ce passé pétainiste et/ou collaborationniste de la France. Histoire de cette fin d'occupation avec ce mot terrible qui revient plusieurs fois sous les doigts des auteurs, « lâcheté » ; Albert Jacquard utilisa le mot « salaud » pour lui-même.
Philippe Frétigné et Gérard Leray, fouillent, précisent, datent, comparent, doutent, émettent des hypothèses, avancent prudemment et trébuchent parfois, n'influent pas sur leur recherche avec dès le commencement une idée déjà en tête sur la culpabilité ou non de Simone Touseau ; il s'agit quand même de gens dénoncés, déportés et parfois morts pour une histoire de radio anglaise écoutée. Philippe Frétigné et Gérard Leray avancent dans la petite histoire tragique de Simone Touseau et de son quartier, pour tenter d'approcher une réalité avec des fondements solides ; petits pas lucides « Comme souvent dans ce genre d'affaires, les souvenirs se recomposent au fil du temps, entraînant une déformation grandissante de la réalité. » (page 31). La fiction n'a pas sa place ici et c'est salutaire. L'Histoire ne s'écrit pas, elle se raconte avec plus ou moins de détails, d'accommodements, et rencontrer par l'intermédiaire d'un livre des historiens presque du dimanche, rigoureux, passionnés et respectueux, fut un bonheur. Je ne serais jamais allé vers ce livre si le Monde quelques temps après la parution du livre de Julie Héraclès n'avait pas évoquer le désarroi des auteurs à la lecture de Vous ne connaissez rien de moi. La quarantaine d'exemplaires du livre de Julie Héraclès présents dans le réseau des bibliothèques de mon lieu de vie étant bloquée pour cause de participation à un prix littéraire, il m'a fallu attendre ce matin 10 heures pour un obtenir un, il est sur le bureau, je finis le livre en cours – Perspective(s) de Laurent Binet - et je me lance.
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Très intéressant ouvrage retraçant l'histoire de la jeune femme mondialement connue sous l'appellation "la Tondue de Chartres", immortalisée par le photographe Robert CAPA.
Pour ceux que cette "tranche" de l'Histoire de France (la condamnation des femmes accusées de collaboration horizontale pendant l'Occupation à être tondues, avant d'être promenées à travers la ville, le crâne rasé, sous les injures et les regards haineux des "vertueux") intéresse, n'hésitez pas à vous lancer dans cette lecture, complète, argumentée, sans parti pris, agréable à lire (presque un récit plutôt qu'un essai). Pas de jugement, seulement des faits. Un éclairage utile et instructif.
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Combien d'interprétations ont pu exister à partir du cliché de Capa ? Avant de découvrir la complexité du personnage de la Tondue grâce à cet ouvrage, je pensais en voyant la photo : « une femme tondue à la libération comme tant d'autres, car elle a fréquenté un peu trop intimement un ou plusieurs Allemands pendant l'occupation ». Aujourd'hui, après avoir découvert le parcours de cette femme avant, mais aussi après cette immortalisation de l'instant, je me rends compte que si elle a été victime de son époque, de son amour interdit pour un Allemand, de règlements de compte personnels basés sur des rumeurs, et d'une humiliation dont les conséquences psychiques furent indéniables, elle n'était peut-être pas totalement innocente. Pour autant, son emprisonnement, la séparation d'avec son enfant pendant des mois et son jugement tardif étaient-ils justifiés ? Force est de constater que plusieurs vies ont été gâchées à cause de suppositions, de traumatismes persistant encore après tant d'années quand on pense à l'enfant sur la photo. La démarche des auteurs aurait été impossible il y a 50 ans tant les générations ayant vécu ces tristes événements ont été marquées et sont sant doute restées partiales toute leur vie. Bref, il était temps de porter un regard neutre, moins sujet aux émotions à vif de l'époque, et peut-être plus moderne sur les actes commis durant ces heures sombres de notre histoire pour pouvoir les expliquer sans tomber dans le parti pris aux jeunes générations.
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La Tondue de Gérard Leray et Philippe Frétigné - Editions Vendémiaire
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