C'est un drôle de livre qu' «
Inge en guerre », un livre impossible à cataloguer : ce serait un roman qui pencherait sérieusement vers le documentaire, ou un documentaire qui se lirait comme un roman. Ce serait l'hommage de Svenja à l'histoire personnelle de sa grand-mère Inge qui serait elle-même tellement imbriquée dans l'Histoire tout court que cela pourrait être un travail admirable sur les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Allez, c'est tout cela à la fois et je remercie la personne qui a fait don de ce livre à la Bibliothèque dont je m'occupe et qui m'a permis de croiser la route d'Inge.
Inge est née à Königsberg, ne cherchez pas, cette ville n'existe plus sous ce nom : l'ancienne capitale de la Prusse Orientale est russe maintenant et les vestiges de son riche passé allemand ont été effacés. Inge est une jeune allemande, ce n'est une méchante nazie, ce n'est pas une héroïne résistante : c'est une survivante tout simplement. Quand la guerre éclate, elle n'a pas le choix : ce sont ses décisions qui lui permettront de sauver ou non ses parents et sa fille. C'est un récit d'errance et de survie et un essai sur la mémoire.
Il est dur pour moi de faire comprendre à quel point j'ai été émue par ce livre. Certes le style n'est pas fantastique, certes les recherches poussées de l'auteur peuvent paraître quelquefois rédhibitoires à la lecture… Mais cette histoire que Svenja offre à la mémoire de la vie de sa grand-mère et plus largement à sa famille et au peuple – aux femmes ! – allemand(es), c'est le récit que j'aurais rêvé d'écrire si j'avais eu vingt ans de plus quand mes grand-mères alsaciennes racontaient leurs souvenirs. A l'époque, le sujet ne m'intéressait pas, il est trop tard maintenant et les récits de ses femmes qui ont changé plusieurs fois de nationalités pendant leur vie (jusqu'à quatre fois pour mes arrière-grand-mères nées allemandes, puis devenues françaises, allemandes à nouveau et françaises pour toujours) ont disparu avec elles. Il me reste cette folle histoire de munster caché sous les jupes au nez (!) des allemands sur les routes d'Ammerschwihr, drôle mais un peu mince pour en écrire un livre…
Je conseille ce livre pour ceux que l'Histoire intéresse, pour ceux qui ont des regrets, pour ceux qui rêvent de percer des secrets familiaux et pour ceux qui ont encore l'opportunité de le faire.