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Critique de aranzueque-arrieta


Le dernier testament de Ben Zion Avrohom
James Frey
Flammarion

Après une incursion littéraire réussie dans le milieu des AA -Alcooliques Anonymes- avec Mille Morceaux, roman culte traduit dans plus de 35 langues, et la publication d'un surprenant almanach romancé de Los Angeles, L.A Story, James Frey propose un nouveau roman-concept qui met en écriture la parousie du Christ (version chrétienne) ou la venue du Messie (version juive).
Né circoncis le jour de l'anniversaire de la destruction du temple de Salomon, Ben Zion Avrohom vient sur terre pour mettre les hommes en garde contre les religions et les gouver-nements qui les dirigent.
Le nouveau Messie made in America est un esprit libre, libertaire, revendiquant la philosophie de l'amour, mais pas comme l'entendent les religions, pas un amour avec des conditions, mais un amour libre, sans jugement, sans soucis de genre ou d'orientation, un amour qui libère les hommes sexuellement, humainement, intellectuellement.
Enfant, Ben est battu par son père puis par son frère ainé, Jacob ; il est chassé de chez lui et disparaît. Sa soeur Esther le retrouve seize ans plus tard à l'hôpital, dans le coma, après qu'un bloc de verre lui soit tombé dessus.
A son réveil, il communique avec Dieu, mais pas le dieu des juifs, des chrétiens ou des musulmans, pas « une voix stupide comme dans les films ou dans la Bible », dit-il, il s'agit plutôt d'une communion des sens, une compréhension sensorielle du monde. Il parle désormais plusieurs langues, y compris les langues mortes, et connait par coeur tous les livres sacrés qu'il rejette en bloc.
Le Dieu qu'il entend n'est pas ce vieil être barbue qui juge, blâme sans cesse les hommes -et surtout les femmes-, dirige la conscience de ses fidèles en leur demandant soumission et allégeance sans aucune concession, non, celui qu'il entend est un Dieu qui laisse l'homme libre, lui conseille de s'aimer et de s'accepter tout simplement, humainement, intellectuellement et sexuellement. Autant dire que nous sommes à mille lieues du Messie qu'attendent désespérément les religions monothéistes.
Ben souffre aussi de violentes crises d'épilepsie ; elles lui donnent une conscience plus aiguë de la vie et de l'univers.
Il apprend à ses fidèles à aimer sans juger, à se détacher de l'obscurantisme des religions haineuses, à oublier les livres écrits il y a des milliers d'années par des hommes soucieux de contrôler l'esprit d'autres hommes.
Contrairement à Jésus, Ben Zion ne ressuscite pas les morts, il aide les malades à mourir sereinement. Il fait l'amour aux femmes et aux hommes pour leur procurer du plaisir ; il leur demande renoncer à la prière en leur expliquant le non-sens de ces mots répétés dans le vide ; il défend les femmes qui veulent avorter car leur corps leur appartient ; il récuse le concept de paradis et d'enfer en proclamant que le vrai mystère ne réside pas dans la mort, dans l'au-delà, mais dans la vie, ici et maintenant.
Ben Zion va à la rencontre des marginaux, des drogués, des pauvres, des noirs, des hispanos, des gays, des femmes battues, des putes... Il accepte et aime l'humanité dans sa totalité, sans la juger, il la prend telle qu'elle est, c'est-à-dire humaine.
Le roman est construit à travers divers témoignages de personnages, hommes et femmes, qui ont croisé et aimé Ben Zion : sa mère, son chirurgien, le rabbin de son enfance, sa voisine puis amante, sa soeur, son avocat commis d'office etc.; il reprend l'architecture narrative des évangiles du nouveau testament.
James Frey crée sans cesse des parallèles avec l'histoire de Jésus. Cette fois-ci les assassins du nouveau Messie sont « le système libéral et capitaliste » qui régit le monde et le mène à sa perte.
Accusé de tentative d'assassinat sur son frère Jacob devenu un reborn fanatique et violent, et de terrorisme pour avoir brûlé son église, il est emprisonné. Les psychiatres le déclarent fous et l'enferment dans un hôpital psychiatrique où on lui ouvre le cerveau pour effectuer une résection du lobe temporel dans le but de calmer ses crises d'épilepsie qu'aucun traitement ne parvient à guérir. Au cours de l'intervention chirurgicale, il ouvre les yeux sous le regard effaré du chirurgien et proclame « Tout est achevé », tel Jésus sur sa croix.
Il devient dès lors un légume ayant perdu toutes ses facultés cérébrales, mais un jour, alors que son amie Mariangeles, qui attend un enfant de lui, vient lui rendre visite il disparaît de son fauteuil roulant, son corps s'évapore.
Le dernier testament de Ben Zion Avrohom est magistralement construit et écrit, il respecte le niveau de langue et la spécificité de chacun des narrateurs.
C'est une critique féroce faite aux différentes religions ainsi qu'au système libéral dont le dieu tout-puissant est le dollar.
Le roman est un plaidoyer très politique sur la tolérance, le respect de la différence, une oeuvre dont le contenu philosophique est à la fois humaniste, existentialiste et profondément libertaire.
L'auteur parvient chaque fois à se renouveler avec succès, à déranger le lecteur et à mettre le doigt là où ça fait mal dans notre société. le livre est aussi une radiographie sévère de cette Amérique bigote, inculte, raciste, vivant dans la peur et le mépris de l'autre, qui voit Satan à tous les coins de rue.
James Frey a voulu donner dans son livre toute sa place à l'homme et à la vie.
Un roman brillant et irrévérencieux qui ne vous quittera pas quand vous l'aurez refermé. Certainement un des meilleurs livres de l'année.

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