De Lydia à sa mère : « Et tu m’as apporté la musique. Toute ma vie j’ai écouté de la musique. Tu m’as fait des bisous. Tu m’as donné des foulards colorés. Tu m’as appris à ne pas garder ma langue dans ma poche, même si tu l’as regretté. Tu m’as appris à penser par moi-même et, par-dessus tout tu m’as laissé commettre mes propres erreurs. » p.446
Elle était vêtue d’une robe du soir décolletée en soie bleue qui dévoilait sa gorge élégante et la naissance de ses seins. Elle portait des gants blancs qui lui couvraient les coudes, mais aucun bijou. Elle n’en avait pas besoin. Theo la compara à Li Mei. Celle-ci avait une silhouette moins voluptueuse, un charme plus discret, mais il émanait d’elle une pureté, une espèce de sensualité retenue qu’aucune Occidentale ne pouvait égaler. Comme la porcelaine chinoise comparée à celle de Wedgwood. Seule la beauté de la première vous chavirait le cœur.
Cette crinière blanche. Cette moustache hirsute. Ce nez proéminent. Il ne pouvait s’agir que de sir Edward Carlisle, gouverneur de la concession internationale de Junchow. Évoquer le nom de ce vieux diable suffisait pour envoyer les enfants au lit.
«Vous nous avez exploités. Vous nous avez maltraités. Vous pensiez que jamais le jour ne viendrait où vous devriez répondre de vos actes auprès de nous, le peuple de Russie. Vous vous trompiez. Vous étiez aveugles. Où sont toutes vos richesses à présent? Où sont vos immenses demeures et vos magnifiques chevaux? C’en est fini du tsar et je jure que vous…»
À vingt-quatre ans, elle était petite et fragile, mais un seul de ces regards de braise pouvait, pendant un bref instant, faire oublier à son mari le froid et la faim qui le tenaillaient et le poids de l’enfant dans ses bras.
Tchang Kaï-chek et les nationalistes du Kuomintang avaient pris le contrôle de la situation et méritaient qu’on leur donne une chance, si seulement les puissances occidentales les soutenaient dans la lutte contre les fauteurs de troubles. Les communistes feraient à la Chine ce que Staline avait fait à la Russie: la transformer en dépotoir stérile. Il y avait trop de beauté en Chine, trop d’âme pour qu’on la dépouille. Que Dieu nous protège des communistes. Dieu et l’armée de Tchang Kaï-chek.
Un Chinois qui se respecte n’aurait jamais la grossièreté de toucher quelqu’un, surtout si ce n’est pas une connaissance. Qui voudrait serrer une main qui venait peut-être d’éviscérer un porc ou de caresser l’intimité de son partenaire? Les barbares étaient des créatures répugnantes.
Ça, c’était la vie. Pas la simple survie. C’était… être vivant, plutôt qu’à moitié mort. Et pour la première fois elle eut l’impression de comprendre un peu la peine que ressentait sa mère. Perdre tout ça. Ce devait être comme avancer à tâtons dans un égout pour s’y installer avec les rats.
La violence n’est pas une solution. Notre seul espoir pour l’avenir est d’apprendre aux enfants qu’une couleur de peau ou une langue différente de la leur ne font pas de l’autre un ennemi pour autant.
— Kung-fu, répéta Lydia.
— C’est ça. La traduction littérale est “maître du mérite”. Les Japonais l’appellent karaté. Cela signifie “main vide”. En d’autres termes, il s’agit d’un combat à mains nues.»