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Critique de boudicca


Si vous n'avez pas encore eu l'occasion de vous pencher sur la bibliographie déjà bien fournie de Mathieu Gaborit, alors « D'une rive à l'autre » est fait pour vous ! le recueil constitue en effet une porte d'entrée idéale aux différents univers développés tout au long de sa carrière par l'auteur dont ont été réunis ici huit textes. Des textes certes non inédits (tous ont déjà fait l'objet de précédentes parutions dans diverses anthologies ou revues) mais sélectionnés avec soin dans le but de donner un aperçu le plus complet possible des nombreuses facettes de l'auteur. le recueil s'ouvre avec « Naissances », une nouvelle consacrée au jeu de rôle basé sur la trilogie « Chroniques des Féals ». de quoi donner une petite idée de la noirceur et de la complexité de cet univers dans lequel évolue ici une jeune femme bien décidée à empêcher le Néant de s'infiltrer dans le monde. La narration à la deuxième personne est originale et on est vite saisi par la poésie qui se dégage de la plume de l'auteur. On enchaîne avec « Aux frontières de Sienne », une nouvelle inspirée d'une légende birmane et consacrée à l'histoire d'amour contrariée d'un jeune homme et d'une ondine. Si le texte est un peu trop court pour que l'on puisse éprouver une véritable empathie pour les deux amants, l'idée sur laquelle se base le récit est en tout cas surprenante et la chute plutôt amusante. S'ensuit une nouvelle mettant en scène deux personnages plutôt discrets bien que cheminant depuis toujours dans le sillage des armées : une prostituée et un détrousseur de cadavres (« Étreinte de Babylone »). Cette fois la relation qu'entretiennent les protagonistes ne manque pas de susciter l'émotion du lecteur qui ne pourra qu'être sensible à l'ambiance à la fois inquiétante et envoûtante dans laquelle baigne le récit.

Le texte suivant nous plonge à nouveau dans l'univers des « Chroniques des Féals » mais l'atmosphère et les enjeux sont cette fois tout autre (« Le Vitrail de jouvence »). L'auteur y dévoile notamment une autre partie de son bestiaire ainsi qu'un aspect bien particulier de sa magie, envisagée ici selon une approche artisanale qui ne manque pas d'originalité. Là encore l'aperçu est bref mais les perspectives envisagées enflamment bien vite l'imagination du lecteur qui pourra difficilement rester de marbre face à l'évocation de la mystérieuse guilde des Phéniciers, des griffons gardant le royaume de Grif' ou de la fabuleuse bibliothèque d'Alandra. « Je t'en conjure, égare-toi au moins une fois dans ce labyrinthe. Loue les services des esprits-frappeurs dont on use pour tourner les pages, observe les centaures aux sabots recouverts de velours qui trottent dans les couloirs pour ranger les grimoires, admire les dryades qui utilisent leurs longs cheveux d'or pour relier les parchemins... » le recueil se poursuit avec l'une des nouvelles les plus longues mais aussi les plus réussies de l'ouvrage (« Songe ophidien ») . Elle est consacrée à l'un des personnages phares des « Crépusculaires » et nous fournit l'occasion de faire plus ample connaissance avec deux autres créatures : un danseur et une méduse. « Depuis toujours, les sifflements des serpents résonnaient avec ses pensées. Depuis peu, elle avait su discerner les modulations, les infimes variations qui différenciaient les reptiles. Comme toutes les petites méduses de son âge, elle avait alors baptisé chaque serpent, elle avait pu les reconnaître dans le miroir et les caresser en murmurant leur nom. » Là encore l'auteur se démarque par son originalité et la perspective de découvrir cette créature mythologique non pas en tant que monstre mais en tant que personnage à part entière m'a énormément plu.

Changement radical d'ambiance avec « Un passé trompeur », une nouvelle s'inscrivant clairement dans la mouvance steampunk qui semble avoir suffisamment intéressée l'auteur pour qu'il y consacre plusieurs romans (« Bohème », que je vous recommande, et « Confession d'un automate mangeur d'opium » écrit en collaboration avec Fabrice Colin). le récit est encore plus bref que les précédents et met en scène le monument le plus célèbre de notre capitale ici reconstruis des années après sa création et reconverti en vue d'une toute autre utilisation. Un petit texte agréable qui vaut essentiellement pour sa chute. La nouvelle suivante est sans aucune doute ma favorite (« Mime ») : Mathieu Gaborit y imagine une créature invisible des hommes mais capable d'aspirer chez eux toute envie, toute volonté créatrice. Ne reste plus de leur proie que des coquilles vides, des hommes ou des femmes se noyant dans un travail et une routine abrutissante, sans plus chercher à rêver ou à aimer. Un texte bouleversant qui s'interroge sur notre société et encourage le lecteur a prendre un peu de recul. Dernière du recueil, la nouvelle « Involution » relève quand à elle davantage de la science-fiction que de la fantasy et je dois avouer que cette histoire d'enfants ailés tout puissants ne m'a que peu passionnée. L'ouvrage offre en bonus une longue interview réalisée en 2012 par ActuSF dans laquelle l'auteur revient sur l'ensemble de sa carrière et présente chacune des nouvelles du recueil (je vous encourage d'ailleurs à lire cette interview avant votre lecture afin de bien saisir le contexte dans lequel ces différents textes ont été écris).

Avec « D'une rive à l'autre » Mathieu Gaborit signe un recueil épatant dont chaque nouvelle nous permet d'apprécier ce constitue la marque de fabrique et le charme de l'auteur : une ambiance sombre et souvent baroque, un bestiaire et une approche de la magie qui sortent de l'ordinaire, et surtout une plume dont se dégage une infinie poésie. Je ressors de ce recueil avec des envies de lecture plein la tête, aussi si vous avez des suggestions concernant la série par laquelle il vous semble préférable de débuter, je suis preneuse !
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