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Critique de Shaynning


Réécriture de contes, entre Blanche-Neige et La Belle au bois dormant, cet album jeunesse nous livre un récit croisé entre deux princesses célèbres dans un cadre beaucoup plus sombre et plus moderne.


Nous sommes dans le royaume qui jouxte celui de Blanche-Neige, devenue reine et qui approche de ses noces sans réel enthousiasme. Trois nains, qui avait décidé d'aller lui acheter de la soie comme présent de mariage, trouvent un pays troublé. C'est que depuis quelques temps, une malédiction se propage dans le royaume, endormant tous les êtres vivants sur son passage. Alors que les habitants préparent leur évacuation, les trois petits hommes rapportent les sombres nouvelles à la Reine. Loin de se laisser impressionner, Blanche-Neige fait alors évacuer ses propres citoyens, confit les reines du pouvoir à son premier ministre et, parée de sa cote de mailles, prend son destrier et son épée pour aller dans le royaume maudit en question. Si elle a survécu à un an de sommeil magique, sans doute pourra-t elle survivre au fléau de sommeil qui ronge le pays voisin? Accompagnée des trois mineurs , la jeune femme se met en route.


Tout d'abord, je suis impressionnée par la qualité du texte, vraiment magnifique et doté d'un vocabulaire soutenu. Néanmoins, compte tenu de cela, ce conte sera sans doute un peu difficile à lire pour les moins de 10 ans. de toute manière, vu la complexité de l'histoire, surtout la fin, je pense que ce conte servira mieux le premier cycle secondaire, nos 13 à 15 ans et plus.


Ce conte réinventé et croisé est hautement féministe, en ce sens où les hommes et les femmes sont égaux. Ici, Blanche-Neige règne sur son pays et le fait bien. Ce n'est pas juste la parure en robe traditionnelle, mais une femme qui donne des ordres cohérents et prend les armes pour défendre sa nation. Et la nouveauté? Cette Reine doute. Elle ne sait pas si ce mariage avec le prince - prince qui ne fait pas grand chose d'ailleurs- est vraiment la voie à suivre. Et vous noterez que ce n'est pas parce qu'elle craint que le prince prennent toute la place, non, elle le formule bien au début: elle se voit devenir mère, souveraine ET guerrière ( sur le champ de bataille). Pour une rare fois, nous avons une VRAIE reine, l'égale d'un Roi.


Et cette même Reine est appelée à briser la malédiction de la princesse endormie ( l'alter égo de la Belle au bois dormant), mais oh, surprise, nous ne sommes pas en présence de celle que nous croyions avoir affaire. Gaiman réinterprète les évènements entourant sa longue séance de dodo et donne aux habitants du royaume endormis un rôle beaucoup plus actif, presque "zombiesque".
Ce n'est donc pas un conte tout beau tout rose, mais presque horrifiant. Certains détails dans le dessin - vraiment beau - viennent accentuer cette impression, comme la présence des crânes un pue partout, dont le couvre-lit de Blanche , les coquelicots noirs - dont ceux sur la couverture - le fuseau tranchant, les toiles d'araignée, les habitants en pleine crise de somnambulisme, etc. On flirte avec le genre ténébreux de Tim Burton, mais venant de Gaiman, ce n'est pas non plus surprenant - pensons à Coraline.


Attention, divulgâche.


L'antagoniste, à savoir la Belle aux bois dormant, se sert en réalité de son peuple pour se rajeunir au moyen d'un fuseau, qui tisse le lien vitale autours de celui-ci. C'est pourquoi ces gens sont plongés dans le sommeil. Ainsi, nous avons une "méchante" qui se voue un tel amour pour elle-même qu'elle prête à sacrifier la vie d'autrui à cette fin. En même temps, n'est-ce pas ainsi qu'on calcule la beauté et donc la valeur d'une femme? À sa jeunesse? Elle offre même à Blanche-Neige le rôle de Reine consort, mais attention, un rôle inférieur, qui n'implique aucune égalité, mais bien une soumission. Un petit axe LGBT ici?


C'est donc une histoire assez intéressante que celle-ci, mettant en vedette des personnages féminins définitivement modernes et assumées. Il y a tout de même une certaine lenteur dans le récit , peut être à cause des descriptions, mais c'est vraiment pardonnable. le texte est soignée, les illustrations sont belles, le récit troublant mais captivant, et le final s'ouvre sur quelque chose d'inédit - enfin, pour une version de Blanche-Neige. Et j'aime beaucoup cette couverture transparente, qui évoque les toiles d'araignées du récit.


On doit les superbes images à l'auteur et illustrateur Chris Riddell, auteur d"Apolline", de "Lili Goth et , plus récemment, des "Chroniques perchées". On doit à Neil Gaiman, qu'on ne présente plus,"Coraline" et plusieurs excellents romans fantastiques chez les adultes.


Un excellent album pour les presque-ado amateurs de récit un peu horrifiant et les contes réinventés, ou les plus vieux qui apprécie ce style.


Catégorisation: Album Contes et Légendes Réinventés anglais, littérature jeunesse adolescente, premier cycle secondaire, 13-15 ans+
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