Lors des rencontres, dans les bibliothèques ou les librairies, il y a toujours des gens qui viennent me voir à la fin, et qui me disent : « Ce n'est pas très gai, quand même, votre travail. » Ce degré de noirceur, que je revendique, ça participe du travail de l'écrivain. Dire la vie dans son ensemble, pas seulement la célébrer, divertir, consoler, mais montrer l'horreur, le caractère tragique de notre condition, l'effroi du passage du temps . Il y a évidemment quelque chose de terrible dans le fait d'être au monde. Dire le monde, c'est tenter de dire ça comme le reste, même si ça ne fait pas marrer les lecteurs.
En France, l'archétype de l'auteur, c'est quelqu'un qui a fait une classe prépa, Normale sup, l'agrégation et qui va exceller toute sa vie. C'est un très bon élève. Je ne me sentais pas à la hauteur... Les écrivains américains peuvent être GI, pompiste, vous voyez ? Manchette me donnait un exemple d'autre profil, ainsi qu'une autre voie d'ascension pour cette ivresse de la littérature, celle du polar. Ça me semblait moins exposé ; mais pas inférieur en qualité.