« Pour peu même que ceux qui liront ces Contes soient disposés à profiter des exemples de vertus et de vices qu'ils y trouveront, ils en pourront tirer un avantage qu'on ne tire point de la lecture des autres Contes, qui sont plus propres à corrompre les moeurs qu'à les corriger. »
C'est ainsi qu'
Antoine Galland, le traducteur au XVIIe siècle de ces contes populaires, finissait sa préface des Mille et Une Nuits. Il s'agit ici du tome 1 de l'édition GF et il se finit par la cent soixante-sixième nuit. Il est clair que si l'on multiplie cent soixante six par trois, on n'obtient pas mille et un. Il faudrait peut-être préférer la version anglaise du titre qui les nomme : «
Arabian Nights », les « nuits arabes ». Ici, nul besoin de compter sur ses doigts.
Donc il s'agit de contes racontés par Shéhérazade, chaque nuit au sultan Schahriar et interrompus par l'aube et la voix - du moins au début – de la soeur de Shéhérazade, Dinarzade. On peut presque penser que ces contes interrompus sont un lointain ancêtre de nos séries actuelles. On sait qu'il existe un texte arabe datant de 879 de notre ère mais il s'agit probablement d'une tradition orale. le sultan Schahriar couche avec chacune des femmes de son harem une fois et les fait exécuter. Shéhérazade a trouvé l'astuce : tous les soirs, elle raconte une histoire mais en partie seulement pour que le sultan veuille en entendre la suite et épargner sa vie. Il faudra aller au bout des trois tomes pour savoir si Shéhérazade a réussi son pari et a « gagné » sa vie.
Contes édifiants ou contes souvent cruels, histoires d'amour plus ou moins déçues, le texte est une mine d'idées. Il y a un peu de tout, comme au souk mais un souk riche et étincelant. Des princes éprouvés, des marchands amoureux, des bossus conspués ou au contraire admirés pour leur esprit, des génies et bien sûr le très célèbre Sindbad dont les aventures rappellent l'Ulysse d'
Homère (j'allais écrire « l'Ulysse de mer » !) L'infatigable voyageur (tous les voyageurs sont infatigables, non ?) continue à risquer sa vie au mépris des périls et des monstres dont l'un préfigure le Cyclope.
Shéhérazade, la narratrice a aussi inventé la fameuse « mise en abyme » et certaines histoires font l'effet de poupées russes car elles en renferment plusieurs et changent de narrateur. On ne s'ennuie pas même si, évidemment, on rencontre des aprioris et des clichés dirait-on de nos jours : la difformité est souvent synonyme de malheur et de défiance. Les femmes sont belles à rendre malade, les hommes sont prêts à tout pour les séduire, même à se faire couper des membres. Non, pas celui-là ! Ce sont les mystères de Paris avant l'heure où les voleurs se font encore couper la main pour une peccadille mais aussi les frères Grimm pour la cruauté,
Edgar Poe pour le mélange « grotesque et comique ».
Lu en plusieurs étapes, interrompu, comme par Shéhérazade, ce tome, une fois recommencé, je ne l'ai plus lâché. En attendant le tome deux.