Geoffrey CHAUCER Entretien dintroduction aux Contes de Canterbury (CANAL ACADÉMIE, 2010)
Lémission « Au fil des pages », par Marianne Durand-Lacaze, mise en ligne le 19 septembre 2010 sur Canal Académie. Invité : André Crépin, pour sa traduction des Contes.
Le charpentier venait juste d'épouser
Une fille qu'il aimait plus que sa vie.
C'était une jeunesse de dix-huit printemps.
Jaloux, il la tenait sous clé, en cage,
Car elle était vive et jeune, et lui, vieux:
Il craignait donc de devenir cocu.
- Maintenant John, croyez-moi, dit Nicolas: j'ai découvert, grâce à ma science astrologique, en regardant la lune quand elle était pleine, que lundi prochain, au quart de la nuit, à peu près, la pluie va tomber à torrents, si violemment que ce sera deux fois pire qu'au temps du déluge de Noé. Ce monde, dit-il, en une heure, pas plus, sera horrible, et l'humanité périra, ainsi que toutes les créatures vivantes.
Toujours Fortune viendra frapper, détruire d'un coup imprévu les royaumes altiers. Quand on se fie à elle, elle se dérobe et cache son sourire sous un noir nuage.
Sénèque a raison, d'autres avec lui, de regretter le temps plus que l'or: perte de biens peut être réparée mais perte de temps cause notre ruine.
La pauvreté contente est une honnête chose,
Qui fait vivre de peu, de soi-même dispose ;
Qui s'estime content malgré sa pauvreté
Est riche, quand bien même il n'aurait de chemise ;
Mais celui dont la vie est une convoitise,
Et qui voudrait en vérité
Avoir tout ce qu'il voit, ce n'est qu'un pauvre hère
Dont la richesse même est abjecte misère.
Ne le crains pas, ne lui aie point de respect
car même si ton mari est armé de mailles,
les flèches de son éloquence acerbe
lui perceront la poitrine et même le ventail,*
tiens-le aussi, je te le conseille, par la jalousie,
et tu le feras se tapir comme caille.
*On ne semble pas avoir compris l'intention de ce vers ironique : le "ventail" se trouvant à la hauteur de la bouche. Chaucer veut dire que le traits de l'éloquence féminine non seulement frapperont le mari à la poitrine, mais, comme une flèche, lui cloueront la bouche.
Lorsque vous me parlez d'une noblesse qui descend d'une ancienne richesse et que vous dites que c'est comme cela qu'on est des gens de noblesse, je dois vous dire que votre arrogance ne mérite même pas une poule. Cherchez celui qui, en privé comme en public, est constamment le plus vertueux, celui aussi qui cherche constamment le mieux à accomplir les nobles actions en son pouvoir ; c'est celui-là qu'il faut considérer comme le plus noble de tous. Nos ancêtres nous donnent peut-être tout leur héritage, nous permettant par là de revendiquer un haut lignage, mais leur existence vertueuse qui leur a valu d'être dits nobles et qui nous a incités à les suivre dans leur rang, cela, ils ne sont toutefois absolument jamais arrivés à le léguer à aucun de nous.
Écoutez-moi donc tous, de parler me dépêche,
Voici comment un homme à chaque moment pèche.
Il pèche quand il mange un peu plus qu’il ne doit,
Il pèche quand aussi plus que de droit il boit ;
Il pèche quand il parle avec trop d’abondance,
Il pèche quand au pauvre il ne donne assistance,
Il pèche, sain de corps, quand il ne veut jeûner ;
Il pèche quand dormant sans en rien se gêner,
Il s’en vient pour cela bien plus tard à l’église ;
Il pèche quand son sol il ne le fertilise,
...
Le proverbe aussi dit : Celui-là seul est sage,
Qui de ne se hâter sait avoir le courage ;
Jamais il n’advient de profit
À qui laisse sans frein galoper son dépit.
Je peux vous absoudre, puissant ou manant,
Quand de votre corps l'âme s'en ira.
A l'hôtelier, je pense, de commencer,
C'est le plus enfoncé dans le péché.
Approche, Hôtelier ; mets d'abord ton offrande
Et tu embrasseras toutes les reliques,
Tout ça pour un liard. Vite, dégrafe ta bourse.
- Que non ! Plutôt mourir excommunié !
(Le Vendeur d'indulgences)