ÉPILOGUE
La boutique de souvenirs offrait gratuitement aux visiteurs une carte postale sur laquelle était imprimé un chant d'Éleonore:
Pour les cent mille femmes aux charniers de la terre
formons les couvents de la révolte
les jardins de simples
aux multiples murailles
où panser les plaies
pour les cent mille femmes aux charniers de la terre
prenons le maquis
de sauges et de verdure
prêtresses gyrovagues
hantons les montagnes
pour les cent mille femmes aux charniers de la terre
voici des fleurs,voici des fruits
et l'hiver nous ferons des feux
devant les grottes confortables.( Pages 173/174).
Le soir ils preparèrent un mafé avec une boite de Dakatine ,du riz et du piment ,même si la recette originelle comprenait également du poulet ou du poisson,précisèrent les frères Karamazov qui étaient jumeaux . Personne ne la questionna sur son âge ni sur sa famille,ni sur sa géographie personnelle,pas plus que sur sa religion.On lui foutait la paix,et les gars rigolaient parce que la Russe et les Karamazov ça allait faire la paire,ah,ah!
Alors Éléonore déballa ses médicaments sur une espèce de tablier car la table était rongée de rouille .Hallucinés ,les squatteurs décidèrent qu'ils iraient à tour de rôle écouler ces drogues à la cafétéria de la fac la plus proche.
Dès le lendemain, les bonimenteurs sans vergogne firent abouler les thunes.Et quelques jours plus tard,ils eurent assez pour investir dans une savonnette de shit. C'était le lingot du pauvre ils disaient. (Pages 86/87).
À lire dans le cadre " Festival terres de paroles, sélection 2024 celui-ci est mon 3ème sur les six sélectionnés.
Les frisons
Un matin de l'été 752 les frisons ,bestiale nation de marins ,rebroussèrent le cours de l'Ode: naviguant loin du chenal,le mât baissé,l'embarcation frôlait la berge sous les feuillages; ses rames horizontales sur l'onde brune l'effleuraient de leur rythme lent en succions menaçantes .(Page 7).
Sur le seuil, le pied dans la rosée, elle composait des chants pour les arbres, les insectes et les écureuils, pour la berge où roucoulaient les poules d'eau et le héron, seigneur cendré à l'oeil perçant.
Pas d'autre choix que sa solitude sauvage.
Les immeubles bétonnés s'effritaient sur leurs arrières cours délabrées, dont les escaliers n'aboutissaient nulle part.
Sa vie était un long couloir criblé de passages, elle serait toujours sur le départ.
Elle était la louve qu'on avait voulu transformer en chatte.
Pour se détourner de l'ennui estival elle avait dérobé un livre à la bibliothèque municipale. Non qu'elle manquât d'ouvrages à l'Institut; mais celui-ci lui avait paru d'un genre nouveau : sur la couverture une femme nue arborait une mitraillette et une casquette militaire. Son air de défi, de supériorité, d'arrogance lascive lui avait tout de suite plu.
Elle était en effet pourvue d'une grande étroitesse d'imagination.