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EAN : 9782494466203
176 pages
DALVA (24/08/2023)
3.54/5   57 notes
Résumé :
Aléa la guérisseuse vit dans une cavité rocheuse et, initiée au monde sauvage, soulage les maux de ceux qui la consultent. Eléanore, adolescente de province, s’engage sur les routes d’Europe pour fuir une vie de soumission muette et la tyrannie qui condamne les filles à être sages. Mksheta la conteuse, depuis une caravane de marchands ou au cœur du harem du sultan, charme son public de ses histoires.
Entre elles circule un étrange objet : une dent scellée da... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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°°° Rentrée littéraire 2023 # 5°°°

Isabelle Garreau croise les lieux, les époques et destins de trois héroïnes. Aléa ouvre le bal avec ses deux chapitres, guérisseuse anachorète du VIIIème en Neustrie, confrontée à un raid de Vikings. Puis on fait la connaissance d'Eléonore, le coeur du roman, adolescente bouillonnante des années 1980 qui subit le corsetage mental de ses parents catholiques quasi intégristes alors qu'elle ne rêve que de vivre pleinement. Et enfin, c'est au tour de Mksheta s'entrer dans la danse, conteuse enfermée dans le harem d'un sultan perse.
Trois marginales évoluant à l'écart des injonctions à être femme de leur temps.

Le fil conducteur de l'intrigue est un objet, une relique convoitée par les hommes pour les pouvoirs magiques qui lui sont attribués ou pour sa valeur pécuniaire : une dent prise dans l'ambre dont on découvrira l'origine et l'incroyable voyage spatio-temporel. Cette dent dure symbolise les épreuves à surmonter pour survivre et accéder à ses droits, pour jouir de sa liberté et briser le cycle ancestral du patriarcat et de la religion. Comme « un message d'une femme à une autre glissé dans les failles du temps »

La Dent dure doit se lire comme un conte, cruel avec ses épisodes violents, d'autres excessifs ( notamment dans ses personnages masculins ) et avec son humour caustique. Un conte féministe surtout, très original car construit comme une réécriture malicieuse de la vie de saintes – fictives – soeurs d'infortune incarnant une féminité plurielle, devenues saintes par la force d'une histoire officielle écrite par les hommes pour mieux contrôler leurs paroles et leur corps, alors que leur vie respective semble très éloignée des canons habituels de la sainteté.

Isabelle Garreau est une vraie conteuse. Sa narration est percutante, très rythmée, portée par une remarquable qualité d'écriture, gourmande en mots rares, précise et imagée, qui se déploie pour montrer à quel point la force de la nature s'allie au féminin sacré dans cette quête éternelle de liberté, fond et forme en symbiose absolue.

« Elle ne tuait pas, ne cuisait pas, se refusait même à faire du feu non seulement pour préserver le secret de son refuge, mais encore pour abolir toute entreprise de domination sur le monde extérieur. Elle ne serait pas complice. Pas d'autre choix que sa solitude sauvage. Sur le seuil, le pied dans la rosée, elle composait des chants pour les arbres, les insectes et les écureuils, pour la berge où roucoulaient les poules d'eau, et pour le héron, seigneur cendré à l'oeil perçant. 
Sans le savoir, elle était revenue sur le lieu même de l'ermitage d'Aléa, posant son pas dans le sien. L'Histoire bégayait, les circonvolutions des destinées formaient un labyrinthe, toujours dans la même nuit. Entre le feuilleté des corps péris se tenait embusqué le sens de ces vies qu'on disait humaines.
Le soir elle contemplait le couchant à travers son oeil d'ambre. La dent, pensa-t-elle, avait pris la forme de son destin. Et elle-même s'était faite morsure pour arracher ce lambeau de fierté et de sérénité qu'était devenue sa vie au creux de la terre. »

Le poème final est très beau, très fort, tout comme la couverture mystico-pop conçue par Rémy Tricot ( qui travaille entre autres pour les éditions Dalva et La Manufacture de livres ). Un premier roman émancipateur plein d'énergie et de ferveur.

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Ce roman flirtant avec le conte emporte vite son lecteur dans différents univers, aussi bien temporels qu'historiques et presque contemporains puisque l'essentiel de l'histoire se déroule au cours des années 80 du vingtième siècle. Mais, il débute en l'an 752, en France, pour se terminer en Perse achéménide, sous le règne de Xerxès, au cinquième siècle avant Jésus-Christ.

Ce décalage temporel ne nuit pas au plaisir de la lecture, la principale héroïne, Eleonore, proposant de nombreuses péripéties de sa vie, depuis l'enfance gâchée par la pédophilie d'un ecclésiastique, l'adolescence en forme de road-trip, adolescence qu'elle ne quitte guère , même ayant atteint sa majorité.

Isabelle Garreau confère à son héroïne une belle dimension, celle d'une battante, luttant contre l'adversité, véritable pilote de sa vie, s'accrochant à des idéaux finalement assez simples. Connaît-elle le bonheur? A chacun de l'interpréter. En tout cas, elle connaît le rêve, le mouvement, l'action, le voyage à travers l'Europe.

L'écriture ne manque pas de style, ni d'humour pour évoquer des situations douloureuses assez souvent. Ce n'est pas un livre pour les bien-pensants, ni pour ceux qui ne jurent que par l'ordre établi, ce n'est pas non plus un livre pour les anarchistes, les sectaires de quelque bord qu'ils proviennent.

Est-ce vraiment un livre féministe, ainsi que l'affirme la quatrième de couverture? Je ne l'ai pas ressenti comme tel et, si ce sont effectivement plusieurs femmes qui en sont les vedettes, elles ne sont pas toujours victimes, quelquefois "brebis prenant le parti des loups". Toutes revendiquent une liberté et de ce point de vue Eléonore a la dent dure comme le titre de ce roman original.
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Un grand coup de coeur pour ce premier roman et j'espère que d'autres suivront.
La dent dure est tout à la fois un roman picaresque, contemporain et féministe. Une dent va donner du mordant à trois femmes qui ne se laisseront pas abattre.
L'auteur professeur d'histoire de Moyen-âge est dotée d'une plume forte, acérée, amusante. Isabelle Garreau est tout à la fois poète et conteur.
Elle nous balade à travers les âges. Au Moyen-âge avec une guérisseuse, au siècle de Xerxès en Perse avec son harem, histoire qui nous mènera en Scandinavie.
Plus près de nous dans les années quatre-vingt où j'ai été très surprise par cette mentalité bourgeoise provinciale digne des années cinquante où une jeune femme sera contrainte de fuir son village et devenir SDF. Très intelligente et révoltée, elle pillera des églises, se livrera à un traffic de reliques car elle a une dent contre le directeur du pensionnat.
On passe, on glisse sur certains événements. Quand une femme tombe, d'autres femmes prennent le relais. La force des femmes est inébranlable, leur courage intarissable. Un court récit qui fait du bien. Et une histoire fort originale.
Merci aux éditions Dalva pour ce service presse.
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Le roman s'ouvre sur un récit d'invasion, les barbares d'une époque lointaine font main basse sur les territoires qu'ils explorent. Sans surprise, les femmes font partie du butin. Aléa, malgré les dons de guérisseuse dont elle fait bénéficier sa communauté, n'échappe pas à l'appétit des conquérants. D'elle, ne subsistera d'un petit tas de cendres et une dent. Mksheta la conteuse connaît cette histoire . Mais comment de nos jours, Éléonore se retrouve t-elle en possession d'un bijou au centre duquel un dent apparaît figée dans l'ambre ?

Ce voyage temporel a séduit mon âme de lectrice, et éveillé la compassion pour toutes ces femmes victimes d'une oppression sans cesse renouvelée, au nom de la puissance et du droit auto proclamé de propriété sur les corps profanés. Chaque volet de ce conte illustre la révolte qui met en péril les vies de celles qui refusent de entrer dans le rang. Éléonore parviendra t-elle à briser l'anathème ?

De sombres figures masculines hantent les pages : les guerriers certes mais aussi un ecclésiastique libidineux et objet, bien aidé dans ses basses oeuvres par d'aussi perverses comparses.


Ce premier roman porte les couleurs du féminisme, et témoigne de la légitimité du combat pour que cessent les violences faites aux femmes.
Le style reprend les codes du conte et sait bien marquer les ruptures de narration entre les époques. Adopté.

174 pages Dalva 23 août 2023
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Trois jeunes filles, chacune séparée par mille ans d'histoire, connaissent un destin similaire en subissant le désir d'hommes qui cherchent à les soumettre.
Aléa, la jeune guérisseuse du Moyen-âge sera ainsi violée et engrossée par le châtelain puis violée, torturée et brûlée par les Vikings avant d'être " déclarée vierge, martyre et sainte par l'évêque de Tours, convaincue par la merveille recueillie dans les braises encore chaudes de la jeune fille." Heureusement pour elle, l'époque n'est pas encore aux sorcières parce qu'Alea possédait toutes les qualités requises. Mais une mystérieuse relique a été découverte, une dent de lait conservée dans de l'ambre, et ce talisman revêt un pouvoir sacré qui lui permet d'être sanctifiée.

Au coeur du roman, Eleonore la véritable héroïne, est une adolescente rebelle qui ne se soumet pas aux exigences étriquées d'une famille de la bourgeoisie provinciale. Enfermée dans une institution catholique, véritable camp de dressage pour jeunes filles de bonne famille, elle sera violée par le père Vignemale pour avoir lu un SAS.
Dans les années 1980, pour remettre les jeunes filles dans le droit chemin, il y avait encore le curé mais aussi le psychiatre puisque Eleonore sera ensuite internée en hôpital psychiatrique et mise sous camisole chimique.
En possession de la dent, par un tour de passe passe rocambolesque, elle s'enfuit et commence une vie de marginale avant de décider de monnayer la relique puis de la récupérer.
" Elle avait renoncé à se séparer de son porte-bonheur, sa dent du destin comme elle le disait souvent. Quand on la lui prenait, sa liberté de mouvement était contrariée, il ne lui arrivait que des galères. Certainement cette canine ouvrait toutes les portes et faisait choir tous les obstacles. "

La dernière partie du roman est consacrée à la légende de Mksheta, la raconteuse d'histoires qui fut vendue par son père pour devenir une des concubines du roi Xerxes. Objet de convoitise et objet sexuel pour les prédateurs masculins, l'adolescente n'est pas même considérée comme sujet par son propre père, ni même reconnue pour ses talents de conteuse.

La seule survie possible pour ces trois jeunes femmes serait ce lien qui les unit par-delà les siècles, symbolisé ici par cette dent qui signifie la force de la résistance.
Devenue objet de culte la canine de Mksheta deviendra cette force donnée par le titre, une dent solide, qui tient bon malgré les circonstances. Malgré le poids du patriarcat tout autant que celui de la religion !
Malgré l'originalité de l'histoire, j'ai regretté une écriture parfois sèche, surtout dans les transitions et des passages un peu expéditifs à mon goût.

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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
Cette respectabilité, à l'aune des cercles de pouvoir des grandes villes comme Rouen, aurait souffert de la comparaison, elle ne l'ignorait pas. Alors elle jouait la carte de la modestie et de l'humilité pour signifier qu'elle dédaignait ces milieux influents auxquels elle aurait pu appartenir, si elle l'avait voulu. En effet, elle avait fait Pigier, à Chartres, pour obtenir un diplôme d'Arts ménagers et partout on disait de Mme Bondouffle qu'elle avait fait des études, ce qui était un fait remarquable dans la commune, et plus encore dans la famille d'agriculteurs prospères dont elle était issue.
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Cependant de nombreuses questions subsistaient, des doutes qui la rongeaient depuis toujours. Malgré une foi qu'elle pensait sincère dans l'amour du Christ, ce mot d'ordre revenait toujours à ses oreilles : il ne fallait pas poser de questions. Et si elle devait douter ou chercher à comprendre, ce serait la preuve qu'elle n'avait pas la foi. Il fallait accepter de ne pas savoir, lui disait-on.
Sa propre pratique religieuse tenait davantage du marxisme, du mysticisme ou du péplum, et malgré les éblouissements des vitraux et la magie des encens, malgré tous ces mystères exotiques, s'abstenir de poser des questions, elle n'y parviendrait jamais.
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Fascinée par la richesse matérielle de ce trésor, mais plus encore par la beauté baroque et sans âge de la dent, elle se sentit revigorée. L'incongruité de sa trouvaille lui prouvait qu'il s'agissait d'un signe du destin.
Finalement, elle exultait, se sentait libre, reprenait contact avec elle-même. Elle était la louve qu'on avait voulu transformer en chatte. Chaque pas loin de cette prison avait été une renaissance.
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À lire dans le cadre " Festival terres de paroles, sélection 2024 celui-ci est mon 3ème sur les six sélectionnés.

Les frisons

Un matin de l'été 752 les frisons ,bestiale nation de marins ,rebroussèrent le cours de l'Ode: naviguant loin du chenal,le mât baissé,l'embarcation frôlait la berge sous les feuillages; ses rames horizontales sur l'onde brune l'effleuraient de leur rythme lent en succions menaçantes .(Page 7).
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L'inclusion était réalisée avec maestria dans un ambre ancien, peut-être oriental. Les autres pierres, brutes, comme jaillies avant-hier de leurs fleuves, de leurs alluvions, de leurs mines antiques, ne brillaient pas mais luisaient, à demi opaques, palpitaient telles des braises sous la cendre du temps.
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Videos de Isabelle Garreau (2) Voir plusAjouter une vidéo
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