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Critique de raton-liseur


J'ai entendu parler d'Elizabeth Gaskell en fréquentant trop assidument les avis de lecture sur ce site et sur d'autres, et je ne connais son oeuvre que par des lectures audio. L'écriture d'Elizabeth Gaskell est agréable à entendre, et, ne pouvant m'empêcher de m'attendre à du Jane Austen, je suis toujours un peu surprise par les thèmes et la composition de ses livres.
Lady Ludlow, une longue nouvelle ou plutôt un court roman qui est souvent inclus dans un ouvrage plus conséquent appelé Autour du sofa, a cette construction classique pour l'époque (je me souviens du Coup de pistolet de Pouchkine ou du Maître de Ballantrae de Stevenson, deux livres lus dans les derniers mois) d'un personnage, ici Margaret Dawson, racontant une histoire dont il a été le témoin. Cette maintenant vieille femme a en effet été hébergée pendant quelques années de sa jeunesse chez la grande Lady Ludlow, d'un haut lignage anglais, fière de son rang et consciente des devoirs que cela implique. En cette période consécutive à la Révolution Française, Lady Ludlow est plus que jamais convaincue de l'importance de l'ordre social et s'oppose fermement (mais avec toutes les convenances d'usage) aux idées progressives du pasteur de son domaine qui voudrait apprendre à lire et à compter à ses jeunes ouailles, ce que la vieille dame voit comme une décadence impardonnable.
Le récit est assez décousu, suivant les réminiscences du personnage narrateur, avec un jeu d'histoires qui s'emboîtent un peu comme des poupées gigognes, et le récit s'interrompt avec le départ de la narratrice, sans que les intrigues soient tout à fait menées à leur terme. Cela n'empêche pas le récit d'être intéressant et d'amener le lecteur dans ces sphères et dans ce temps qui me sont bien étrangers.
Bien sûr, il est facile de sourire des positions de cette chère Lady engoncée dans sa supériorité de classe et ses préjugés de classe. Lire est un danger pour les gens du commun, qui n'ont pas la force morale et la dignité suffisante pour savoir faire bon usage de ce savoir et pouvoir éviter les tentations et les pièges auxquels une telle connaissance expose. Haha… Mais au fond, Elizabeth Gaskell, avec son style assez impersonnel, sa façon d'exposer les faits par la voix d'une narratrice nostalgique et attachée au personnage principal, nous rend sympathique cette femme un peu trop rigide, qui préfère attraper une angine plutôt que de déroger aux convenances en acceptant de partager son fauteuil dans sa calèche, cette femme qui se coupe des autres parce qu'elle croit fermement que sa position sociale l'exige. Et puis, aussi, Lady Ludlow finit bien par voir que le monde évolue, qu'elle le veuille ou non et, sur la fin de sa vie, alors que son nom pourrait bien s'éteindre, elle se doit de faire évoluer ses positions, et aussi peu cela soit-il, c'est un très grand courage de la part de cette femme qui ne vit et ne respire que par les conventions sociales que son éducation lui a inculquées.
Voilà donc en définitive un joli portrait, un peu agaçant mais surtout très émouvant, d'une aristocrate anglaise du début du XIXème siècle. Un portrait servi par une jolie plume, que je découvre seulement maintenant et dont je commence à apprécier la richesse de l'écriture et la profondeur de ses personnages.
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