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Critique de adtraviata


Cet été 2016 (je rédige ce billet au tout début août), on n'entend guère parler dans l'actualité de bateaux chargés d'immigrants clandestins comme ce fut le cas en 2015, on ne parle plus de la charge subie par la Grèce avec tous ces candidats à l'exil. Normal, me direz-vous, les accords avec la Turquie ont découragé les gens de prendre cette route maritime ; et les attentats multiples commis cet été ont plutôt mis l'accent sur des faits de violence (isolés) mettant en cause des candidats réfugiés ou sur des terroristes en puissance qui ont passé les mailles du filet.

On dit que le passage méditerranéen entre le Nord de l'Afrique et l'Italie va « reprendre du service » : bien avant 2015, Laurent Gaudé a écrit et publié ce roman en 2006. Il y mettait en scène un capitaine de frégate italien chargé de repérer, d'arraisonner et éventuellement de porter secours aux barques, aux bateaux chargés de migrants, qui seront conduits dans un centre de rétention de Lampedusa et reconduits dans leur pays d'origine. Suite à la rencontre fortuite avec une femme « sauvée » des eaux, Salvatore Piracci sent ses lignes bouger. Tout ce qui faisait sens dans son métier de marin vacille devant ces dizaines de visages que l'espoir a désertés et qui le hantent désormais… le capitaine va alors entamer une sorte de migration à l'envers, de l'autre côté de la mer.

En parallèle à ce voyage, Jamal nous conte le récit de sa migration vers l'Europe. Les passeurs, le prix à payer encore et encore, la séparation, l'errance, la trahison, le désespoir, une sorte de solidarité, un camp pas loin du mur de Ceuta (dont la description et l'organisation font penser à la jungle de Calais, un déplacement ou plutôt une multiplication, des années plus tard, de la misère et de l'attente) : Laurent Gaudé place son lecteur au coeur de l'exil grâce à ses descriptions imagées, ses accélérations de rythme et la riche palette d'émotions qu'il lui fait traverser.

Le capitaine Piracci et Jamal cherchent chacun leur Eldorado : le prix du passage sera lourd. Rester humain malgré tout, ôter ses masques un à un, se laisser dépouiller à l'extrême dans l'espoir de mener une vie nouvelle, oser (re)commencer, tenir, vivre et mourir, mourir et vivre.

Un grand, un très beau roman de Laurent Gaudé, âpre et sensible.
Lien : http://desmotsetdesnotes.wor..
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