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Critique de latina


Laurent Gaudé a ouvert une faille en moi. Ses mots puissants qui touchent le coeur de l'âme, qui écoutent l'intime, qui révèlent la part cachée qui est en moi, qui est en chacun, ses mots vulnérables et tranchants m'ont mise à nu. Et je me reconnais humaine, très humaine, reliée à tous, qu'ils me soient contemporains ou qu'ils soient morts depuis longtemps.
Car tous, nous avons en commun ceci : arrive un moment où la vie s'engloutit, où la défaite s'étale. le corps s'incline, les passions passées s'éloignent.
Car tous, nous sentons intimement que, même au coeur de la victoire, une petite faille s'ouvre et nous susurre que celle-ci n'est jamais complète. Nous sommes toujours victorieux au détriment d'autres. La victoire pleine, réelle, éternelle, n'existe pas. Interrogez-vous comme je me suis interrogée, et vous verrez que Laurent Gaudé a raison.

Que ce soit les victoires lors des batailles – là où le sang imbibe la terre jusqu'à plus soif, là où l'humiliation des vaincus empêche de lever la tête en humain vainqueur fier de l'être -, que ce soit les victoires sur le Temps – lorsque les archéologues déterrent avec fracas les objets qui s'étaient cachés, nichés pour l'Eternité afin de reposer en paix -, que ce soit les victoires sur soi-même et sur la vie - mais ô combien précaires - , toutes ont en commun ceci : elles ne durent pas. Et donc la victoire n'existe pas.

Il nous faut accepter cela, et pourtant, c'est ce qu'on ressent obscurément depuis longtemps, non ?
Et pourtant, le fait de l'accepter ne nous rend pas plus malheureux. Paradoxalement, il nous rend plus heureux, plus détachés de l'effervescence souvent sans objet de la vie.

Laurent Gaudé est arrivé, dans cette histoire mêlant le passé et le présent, à trouver le sens commun à tous les hommes, en entrant dans le coeur d'hommes ayant participé aux convulsions de l'Histoire, à ces moments où elle hésite, où elle penche dangereusement d'un côté puis de l'autre, pour finir de toute façon par être vaincue elle aussi. D'Hailé Sélassié à Hannibal, de Grant et Lee pendant la Guerre de Sécession au saccage du musée de Mossoul par des obscurantistes, de la mort de Khadafi à celle de Ben Laden, l'Histoire se brasse, s'embrasse et se tue. Elle finit par se taire, aussi.
Car finalement, même si le poète dit « Ne laissez pas le monde vous voler les mots », on doit bien reconnaitre « qu'il n'a été question que de gestes. L'action, qui s'empare de tout, ne laisse plus de place à rien ».

Merci à Claire qui m'a offert ce livre puissant hanté par l'Homme, par son désir de victoire inséparable de sa part d'ombre, par son acceptation de la défaite qui le rend, enfin, humain.
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