Citations sur Jeu de dupes (20)
Brandon se sent vidé de l’intérieur. Il n’a plus de muscles, plus de sang, plus d’émotions, il est un chiffon jeté mollement sur une couette, une pelure d’humain sans énergie. (page 209)
Pas de rougeur soudaine, pas d’hésitation, pas de contradiction ; et toujours ce regard clair, sans nuance, sans ombre, sans culpabilité. Le regard qui ne ment pas. Le regard du menteur. (page 149)
Brandon voudrait dire la vérité, mais au moment de se dévoiler, il découvre la puissance engluante du mensonge. Une seule rectification impliquerait une cascade de révélations, la principale étant la durée du mensonge. Justement parce qu’il lui ment depuis des mois, il devient de plus en plus difficile de lui révéler la vérité. (page 145)
La vérité, c’est que Laetitia, comme toujours, a sacrifié ses propres besoins au profit de son fils. Le sacrifice n’est pas total, on n’est pas dans Les Misérables ; mais cette femme de quarante ans, encore belle, s’habille à l’économie et ne s’offre pratiquement rien, pour que lui, Brandon, puisse parader avec son cuir et son smartphone. (page 81)
Alors, elle souriait, vaguement fière de n’être pas comme les autres, suivi du même plaisir irrépressible et violent qui pousse l’enfant à détruire d’un seul coup de pied le fragile château de cubes construit par lui à force de patience et d’adresse. (page 219)
Il ne se reconnaît pas dans le corps bedonnant qui arpente l’estrade, les cheveux marron sale, le pantalon usé, la chemise fatiguée, la vilaine veste verdâtre – cet homme ne change donc jamais de vêtements ? (page 66)
Vu d’en haut, l’amphithéâtre est magnifique avec ses boiseries et ses dorures, ses peintures anciennes sur les murs et le plafond, son parfum de vieille bibliothèque. De plus près, c’est rustique, inconfortable, sans lumière du jour. Les bureaux qui descendent en gradin jusqu’à l’estrade, sont d’un seul tenant, très longs au milieu de la pièce, plus petits sur les côtés ; on s’y assoit sur de petits sièges pliants accrochés aux tables, durs, étroits, impraticables aux gros fessiers. Interdits de Sorbonne, les obèses. (page 62)
La matière même de la Sorbonne, ses pierres, ses statues, ses toiles peintes, son odeur de vieux bois et de poussière, s’insinue dans le corps et l’esprit comme un air de musique joué dans le lointain, à peine entendu, et qui fait surgir sans qu’on y prenne garde un flot d’émotions inattendues. (page 62)
Laetitia. Lae-ti-tia. Il prononçait mon nom en détachant les syllabes. Il disait que c’était un beau nom, avec son e dans l’a, comme dans la chanson de Gainsbourg. On aimait bien l’écouter ensemble. Sauf que moi, on ne met pas le e dans l’a, on écrit toutes les lettres. C’est Maman qui a décidé ça. Elle n’aime pas se compliquer la vie. Pas de e dans l’a, pas ce trémas, pas de chichis. (page 57)
On rêvait toutes du prince charmant, à cette époque, pour avoir une vie meilleure, parce que c’est pas drôle tous les jours, de bosser pour des clopinettes. (page 8)