La petite fille ne le regardait plus
Et elle souriait à cet autre garçon.
Sans comprendre vraiment ce soudain abandon,
Il sut qu'il l'attendrait, mais qu'elle ne viendrait plus.
Mais il n'y pouvait rien. S'il n'avait pas compris,
C'est que jamais personne ne lui avait dit
Comment sourire aux gens ou comment leur parler,
Ni comment les comprendre ou comment les aimer.
À dix ans seulement, il avançait voûté, sous le poids d'un coeur vide bien trop lourd à porter.
Ce fut un coup de foudre, elle aima tout de lui:
Ses rides sur son front, ses yeux tristes et sans vie.
Elle fut envahie d'une étrange douceur,
Sentit ses joues rosir et ses genoux trembler,
Tandis que doucement des frissons de chaleur
Parcouraient sa peau claire, elle n'osait bouger.
« Elle ouvrit sa poitrine et en sortit son cœur
et tandis qu'il battait dans le creux de sa main,
Elle fut étonnée de n'avoir pas plus peur
Au moment de l'offrir pour toujours à quelqu'un. »
Ils commencèrent ainsi à coller un par un
Les morceaux de feuilles sur son coeur affaibli.
Elle sentit alors dans le creux de ses mains
Son petit coeur brisé revenir à la vie.
Il venait aujourd'hui pour lui rendre son coeur. Elle l'avait brisé en l'offrant trop de fois à ce garçon étrange qui n'en voulait pas et qui ne savait pas quelle était sa valeur.
Elle ouvrit sa poitrine et en sortit son cœur.
Et tandis qu'il battait dans le creux de sa main,
Elle fut étonnée de n'avoir pas plus peur
Au moment de l'offrir pour toujours à quelqu'un.
Elle savait qu'à seize heures, tous les vendredis,
Il passait par le parc, devant l'arbre aux baisers.
Elle attendit des heures à ne penser qu'à lui
Et à tous les bisous qu'ils pourraient échanger.
Mais quand il arriva, elle fut bien déçue
Et rien ne se passa comme elle avait prévu.
Il ne l'embrassa pas devant l'arbre aux baisers.
Il déchira son coeur avant de s'en aller.
Mais il n'y pouvait rien. S'il n'avait pas compris, c'est que jamais personne ne lui avait dit comment sourire aux gens ou comment leur parler, ni comment les comprendre ou comment les aimer.
Son père ne dit rien et se mit à pleurer
Et à pleurer encore, sans pouvoir s'arrêter.
Sa mère se laissa sombrer dans la folie
Cloitrée dans sa maison, délirant jour et nuit.
Et tout à leur chagrin, les parents oublièrent
qu'ils avaient un enfant, qu'ils étaient père et mère.
Dans le sombre jardin, laissé à l'abandon,
Ils pleuraient donc la mort de leur petit garçon