Citations sur Le mythe de la virilité (71)
Ne voit-on pas qu'en flattant l'électorat radical et xénophobe, on accroît d'autant l'influence de fondamentalistes musulmans dont on nourrit le discours de victimisation ?
Plus on agite le chiffon rouge, plus on attise à la fois l'intégrisme musulman qu'on prétend combattre et l'islamophobie sur laquelle on prospère.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il n'y a finalement pas une si grande différence entre les Femen, qui se dénudent pour faire entendre leur irréligion, et les musulmans qui se couvrent pour faire valoir leur droit à la religiosité.
Les deux ont compris que la visibilité de leur corps était un enjeu politique majeur et leur arme de combat la plus efficiente.
une femme entièrement nue sur le sable ne constitue-t-elle pas un trouble à l'ordre public potentiellement plus important qu'une femme trop couverte se baignant dans la mer ?
Quels sont en effet les individus qui, d'ordinaire portent un masque ?
Tous ceux qui incarnent le mal ( à l'exception, notable j'en conviens, de Zorro, Batman et autres super-héros...), la violence et la mort : les bourreaux, les kamikazes, les cambrioleurs et autres membres du Ku Klux Klan, les plus sympathiques d'entre eux étant certainement les adeptes du fétichisme sadomasochiste, qui ne font que parodier la cruauté des tortionnaires pour en jouir.
Ainsi, forcer les femmes à rejoindre la cohorte de ces êtres malfaisants, à s'assimiler à eux, ce n'est pas seulement leur ôter leur identité et les dépersonnaliser, c'est les ensevelir vivantes sous un linceul de honte et de mépris.
Le voile voudrait rendre les femmes invisibles, il ne fait que les hypervisibiliser en accroissant la curiosité et la concupiscence masculines.
" Impossible d'ignorer les regards insistants, accrocheurs, des hommes dans les pays musulmans, écrit la romancière iranienne Chahdortt Djavann dans Bas les voiles !
Le regard salace, le regard illicite, le regard aux aguets, le regard qui pénètre le voile.
Et les filles réprimandées, car, malgré leur voile, leur corps dissimulé, elles ont attiré les regards illicites."
On l'a peut-être oublié, les Chrétiennes ne sont autorisées à pénétrer tête nue dans les églises que depuis le concile Vatican Il (1964), où elles obtiennent le droit d'abandonner la voilette, la mantille ou le fichu.
Aujourd'hui encore, les femmes juives ultrareligieuses sont voilées ; certaines, notamment dans les communautés Haredim d'Israël, du Canada et des États-Unis, portent même la frumka, un long manteau noir ressemblant étrangement à la burqa saoudienne.
L'adoration de la Vierge semble vouloir révéler la haute estime dans laquelle on tient la femme, mais en réalité, " plus le modèle est parfait, plus il autorise la réjection du concret ".
La condamnation universelle de la femme au silence n'aura pas seulement pour effet de
l' asservir aux besoins procréatifs et domestiques de l'homme.
Elle est aussi la source d'une aliénation identitaire : la femme ne pouvant jamais s'autodéfinir, elle ne se pense, ne se voit, ne se comprend elle-même qu'à travers l'image qu'en fabriquent les hommes.
Elle est un objet de pensée, et un objet de désir, les deux d'ailleurs n'étant pas très éloignés l'un de l'autre, jamais un sujet.
Jusqu'à ce que la femme (ré)obtienne le droit de s'exprimer (à partir du XVIIè siècle, en occident, beaucoup plus tard partout ailleurs), elle n'aura conscience d'elle-même qu'à travers l'idée de femme construite par les religions, les lois, les normes et les traditions instaurées par les hommes.
Qu'est-ce qu'une femme ?
Ce n'est pas à elle de répondre, c'est à lui.
Que les cerveaux masculins et féminin présentent des spécificités (très difficiles à identifier et mesurer), soit, mais de là à en inférer la supériorité de l'un sur l'autre relève du pur parti pris viriliste.