Cette autobiographie de
Leymah Gbowee est séparée en trois parties : sa vie avant de devenir militante pour la paix, les actions de masse et les sit in des femmes pour la paix et sa carrière de militante depuis le départ de
Charles Taylor.
J'ai été plusieurs fois très émue par les propos de Leymah et par son courage dans les combats qu'elle a menés ou par le courage nécessaire pour se livrer tel qu'elle le fait. Elle regarde sans concession mais sans jugement la jeune femme qu'elle a été, qui a assisté à la destruction de son monde à 17 ans quand la guerre éclate et fait voler en éclat tous ses espoirs et ses certitudes, puis qui a sombré dans la dépression liée à un avenir incertain et une relation conjugale abusive. Toute la première partie du livre est d'ailleurs orientée vers la réparation de ses premières blessures avant d'avoir été capable d'aider les autres autour d'elle.
Son rapport à la foi est ainsi très intéressant. Elle décrit son éducation très religieuse et sa perte de confiance en Dieu au début de la guerre, qu'elle retrouvera petit à petit au fil de son parcours et qui pour elle se dépeint à travers l'aide qu'elle peut apporter aux autres. Une phrase m'a marquée : “je n'avais pas encore assez la foi et je n'ai pas pu aider cette jeune femme”. Je suis agnostique, en partie car je suis souvent dégoûtée par les horreurs qui peuvent arriver au nom de la religion, que ce soit dans l'histoire ou aujourd'hui et j'ai été émue que cette femme extraordinaire lie sa capacité à aider les autres à sa foi qui dans son cas grandit et soutient.
Son autobiographie est donc traversée par cette foi et aussi par une croyance en la magie de la parole qui sauve, permet de pardonner, de protéger, de prendre confiance en soi et de réaliser ce qu'on dit, les ateliers menés avec les femmes étant des ateliers où la parole permet de libérer le poids sur leurs épaules, de créer une communauté, de femmes de douleurs et de se réaliser en découvrant des aspects qu'on aime chez soi, de changer le point de vue sur soi.
Par la parole, on peut créer l'espoir, la résilience , la force et c'est une vraie histoire d'empowerment (même si je n'aime pas ce mot) qui permet de mettre en action ce qu'on possède en puissance.
J'ai été surprise qu'elle ne parle pas de la grève du sexe qu'ont mené les femmes au Libéria et qui est la première chose qu'on voit si on tape son nom sur internet. Elle en dit une phrase à un moment mais ne nous explique même pas ce qui s'est effectivement passé et si ça a été un véritable outil ou un rideau de fumée médiatique. Pour elle, l'action militante passe surtout par la formation des femmes à être capable de repérer les premiers signes de tension et à être capable de les désamorcer, par la création de réseaux de solidarité et aussi par la justice de réparation pour être capable de vivre ensemble après une guerre civile aussi meurtrière.
La dernière partie est moins émouvante car elle parle plus de ses réalisations mais plus intéressante car elle correspond à la partie de sa vie où elle s'est formée et où elle a appris à théoriser la résolution de conflit et la construction de la paix. J'ai été surprise de voir que les auteurs qu'elle cite comme les plus inspirants ne sont pas tous traduits en français (par exemple le kényan Hizkias Assefa).
Un livre très inspirant car malgré toutes les épreuves traversées, c'est une véritable déclaration d'espérance.