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Critique de Alfaric


David Gemmell a toujours écrit la même histoire que ses millions de lecteurs connaissent désormais par coeur : Amour, Amitié, Honneur, Courage, Rédemption ! Il la tenait autant de son mentor dans la littérature Louis Lamour, grand amoureux du western devant l'éternel, que de son mentor dans la vie Bill Woodford, héros des batailles d'El Alamein, Anzio, Salerne et Monte Cassino, moule à partir duquel il a créé Druss, Waylander, John Shannow, Connavar, Jaim Grymauch et tant d'autres… Bill Woodford c'est le champion éternel du son multivers personnel : nous ne sommes pas en face d'un aristocrate aux nobles origines, messie machin annoncé par la prophétie bidule, mais en face d'un homme qui par son seul exemple guide ses semblables vers un avenir meilleur parce qu'il inspire ceux qui le côtoient à devenir meilleur pour bâtir un monde meilleur (c'est pour ça que ses romans filent la patate ! ^^)… Car il n'y rien à faire, David Gemmell aura beau officier dans n'importe quel registre, même quand il est dépressif, genre après les réélections de Reagan et Thatcher quand triomphe le Veau d'Or et les forces obscures de la crevardise, on sent le mec bien et les archétypes starwarsiens ! Il a de la tendresse pour ses personnages, pour leurs doutes, leurs défauts, leurs failles et leurs faiblesses. Les vrai héros c'est nous, les types lambda qui vont surmonter leurs craintes pour tenir un petit moment, qui se sont retrouvés là totalement par hasard et qui décident de ne pas partir, les lâches qui vont se découvrir des réserves insoupçonnées de courage (Cymoril copyright, elle se reconnaîtra ^^), d'où les zooms humanistes en pleine épopée epicness to the max qu'on aime bien !


Dans la 1ère partie du double diptyque du cycle "Rigante" les héros celtes finissaient par l'emporter sur les légions romaines, mais 800 ans plus tard plus les choses changent et plus elles restent les même puisque impérialisme, colonialisme, acculturation et déculturation forcées font leur retour dans les Highlands avec la domination des Varlishes qui ont été jusqu'à s'approprier la légende de Connavar et Bane (de la même manière qu'IRL les descendants des Angles et des Saxons ont récupéré la légende d'un certain Dux Bellorum brittonique). Nous sommes donc toujours dans un univers parallèle pas très différent du notre, par bien des aspects dans une uchronie car on reconnaît immédiatement les Îles britanniques du XVIIe siècle divisées entre Anglais, Gallois, Écossais et Irlandais mais aussi entre Cavaliers partisans du Roi et Têtes-Rondes partisans du Parlement…

Nous parcourons donc de nouveau les cols enneigés aux forêts aux senteurs résinées, les vallées embrumées, les landes et les bruyères recouvertes par la rosée, et nous glissons très joliment d'un personnage à l'autre d'une magnifique comédie humaine et au final il n'y a ni véritables bons ni véritables méchants, et tout est peint en subtiles nuances de gris…
Cette narration est un héritage de la littérature anglaise, qu'on retrouve par exemple fréquemment chez Agatha Christie, mais personnellement je n'avais pas lu depuis quelque chose d'aussi fluide et d'aussi sophistiqué depuis mes passages chez James Clavell. C'est donc à travers les regards des uns et des autres nous découvrons les deux personnages principaux que sont Jaim Grymauch, le champion rigante aimé de tous, mais plein de failles et de tourments car il y a encore l'obscurité en lui, et le Moïdart, le gouverneur varlish détesté de tous, mais plein de failles et de tourments car il y a encore de la lumière en lui… Alors oui on retrouve avec Kaeling Ring un adolescent tourmenté fils d'un héros décédé, qui malgré ses doutes va retrouver confiance en lui et en l'humanité grâce à Jaim Graymauch son père de substitution, et avec Gaise Macon un adolescent tourmenté qui vit dans l'ombre de son père à la fois aimé, admiré, craint et haï, qui malgré ses doutes va retrouver confiance en lui et en l'humanité grâce à Mulgrave son père de substitution…. Peur, Colère, Haine, Souffrance : tous ont été tentés ou vont être tentés de passer du Côté Obscur de la Force, donc ne soyez pas surpris de retrouver les archétypes starwarsiens (donc de la Quête du Héros aux mille et un visages), et reconnaître ici ou là les ombres tutélaires d'Obi-Wan Kenobi, de Luke Skywalker, de Palpatine et de Dark Vador (associer Highlanders et Jedis, mais quelle idée géniale !^^)…

Au final OMG David Gemmell réussit à lui tout seul tous les classiques du roman historique, car Sir Walter Scott leur père fondateur est en lui : "Waverley", "Guy Mannering", "Rob Roy", "Une légende de Montrose", "ivanhoé", "Les Aventures de Nigel", "Peveril du Pic", "Redgauntlet", "Woodstock", "Chroniques de la Canongate"… On rit, on pleurs, on tremble : nous au coeur du cape et épée et anglais et c'est le pied ! On retrouve donc le côté épique, le côté tragique, le côté romantique et la lutte des classes sauf que le XIXe et le XXe siècle sont passés par là, et que David Gemmell à qui on a raconté les heures sombres du nazisme et qui a connu les sombres heures du thatchérisme va plus loin en dénonçant le suprématisme rampant qui gangrènent nos sociétés qui se veulent démocratiques.
Si dans le 1er diptyque le fils avait pour destin de réussir là où son père avait échoué (cad pardonner pour pardonner aux autres), le 2e diptyque est plus complexe : Kaeling Ring et Gaise Macon sont liés sans le savoir par le sang et par le destin, et si le premier parvient à vaincre ses ténèbres intérieures grâce à son mentor Jaim Grymauch qui y était parvenu avant lui, le deuxième est bien mal armé pour échapper au Côté Obscur de la Force car les enseignement de son mentor ne supplante pas les souvenir de son père qui y a succombé avant lui… Au-delà des leitmotive de l'éternel recommencement certains répétitions sont dommageables, mais au final nous avons non pas 1 mais 4 avatar du Héros aux mille et un visages… Toutefois les uns et les autres se font voler la vedette par la belle comédie humaine de l'auteur humaniste qui confronte des gens normaux à des dilemmes moraux universel, le rapprochement des peuples initié dans le tome 3 vole en éclat avec le chaos et la désolation qui s'étend à tout le royaume dans le tome 4 : Rigantes et Varlishes doivent s'unir ou périr, car nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots… Car dans le remake des guerres civiles anglaises d'Oliver Cromwell et ses Puritaines intégristes, la part belle est faite au POV de Gaise Macon surnommé le Fantôme Gris au sein de l'armée royale en guerre contre les conventionnistes commandés par le héros Luden Macks… Tout y est : canons, piquiers, lanciers et mousquetaires ! C'est même regrettable que David Gemmell n'épouse pas plus franchement les grands classiques de la littérature militaire car il est particulièrement efficace en ce domaine (jusqu'à pousser le vice à reprendre de fort jolie manière dans le grand final le baroud d'honneur des blessés de la Bataille de Rorke's Drift ^^) : attaques, contre-attaques, bombardements préventifs et canonnades de la dernière change, charges de cavalerie sabres au clair, carrés de piquiers qui serrent des fesses, salves de mousquets et duels de snipers, mais aussi diplomatie, infirmerie, logistique, profiteurs de guerres et criminels de guerre !

Pour boucler sa saga "Rigante", David Gemmell reprend dans le dernier quart de son roman un peu trop facilement les formules qu'il avait déjà usitées dans les années 1980 : les paladins noirs (les Dezhem Bek / les Corbeaux Rapaces qui nourrissent leur magie de sang et de larme), le mago psycho (Winterbourne), le méchant millénaire (Cernunnos), auquel il faut ajouter élu, prophétie et épée magique… On retrouve donc tous les archétypes de la Fantasy détournés en clichés par le Big Commercial Fantasy, et c'est bien dommage car la clé de voûte du récit c'est un individu tourmenté qui entre un père biologique qu'il hait de toutes ses forces mais qui finit par l'accepter et un père adoptif qu'il aime de toutes ses forces mais qui finit par le rejeter, doit faire des choix cruciaux qui impliquent tant sa propre survie que celle de l'humanité toute entière… le dénouement est traité pas de course donc suspens hollywoodien et tragédie christique ne sont pas optimisés : l'auteur est fidèle à ses principes de ne pas verser dans le roman fleuve, mais c'est finalement contreproductif tellement il a de choses à dire ! L'auteur est arrivé au bout de son évolution : toutes ces erreurs n'ont pas été commises dans cycle historique "Troie", que malheureusement la Grande Faucheuse ne lui a pas laissé le temps d'achever…


La Malédiction de l'Ours est celle de l'auteur et de tous ses personnages, c'est la graine du mal plantée en chacun de nous… L'épilogue résume toute la philosophie de David Gemmell, située entre maximes du Mahatma Gandhi et pensées de Léon Tolstoï, humanisme stallonien et existentialisme moorcokcien : le guerrier amérindien Saoquanta pourrait laisser mourir de faim les colons varlishes, et d'un petit mal pourrait ainsi résulter un grand bien, la fin justifiant ainsi tous les moyens… Mais comment pourrait-il faire face au Grand Esprit avec un tel crime sur la conscience ? Malgré toutes les prédictions des devins il choisit de venir en aide à son prochain, car il n'existe pas de meilleur moyen de vaincre un ennemi que de s'en faire un ami… Il s'agit bien sûr de Squanto de la tribu des Wampanoags qui offrit aux premiers colons américains Thanksgiving, auquel répondit plus tard William Penn le fondateur de l'Etat de Pennsylvanie qui toute sa vie combattit l'exploitation des Amérindiens et l'esclavage des Africains… La chaîne d'amitié continua malgré les gros rageux suprématistes au pouvoir, puisque que William Penn est à travers sa statue de Philadelphie la figure tutélaire de tous les personnages de la saga "Rocky" qui bouleversa le monde entier en marquant à jamais la culture populaire de son empreinte… Non la boucle n'est pas bouclée, car c'est désormais à vous de continuer la chaîne d'amitié en devenant meilleur pour construire un monde meilleur !


Pour plus de précisions, rendez-vous aux critiques 1.0 :
https://www.babelio.com/livres/Gemmell-Rigante-Tome-3--Le-Coeur-de-Corbeau/31946/critiques/1311367
https://www.babelio.com/livres/Gemmell-Rigante-Tome-4--Le-Cavalier-de-lOrage/31945

Challenge Pavés 2016-2017 2/2
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