La petite ouvrit un œil et observa un moment les deux cœurs blancs qui fluaient des volets. Dehors, un chien aboya, et elle entendit aussi des chocs de sabots sur les pierres de la route. Lentement, elle sortait de la torpeur du sommeil de la nuit tandis que le monde extérieur prenait pour elle une apparence de plus en plus tangible. Tout en gardant les yeux ouverts, elle s’enfonça pourtant plus encore sous les couvertures. Le drap de chanvre était rêche au contact de la peau, mais cela n’était pas une sensation désagréable et, comme tout un chacun à la maison, elle avait fini par s’y habituer.
Sa sœur aînée, à sa gauche dans le lit, soupira et se tourna de l’autre côté, face contre le mur. Julie était née en 1901, avait deux ans de plus qu’elle, Maria, qui, en ce matin d’octobre 1910, allait connaître, pour la première fois de sa vie, une rentrée des classes.
L’école ! Bien sûr, Julie lui en avait parlé, et jusque tard la veille au soir, alors qu’Auguste, leur petit frère qui couchait dans la même chambre qu’elles, dans le lit à côté, rouspétait que les « grandes » l’empêchaient de dormir. En vérité, c’était elle, Maria, qui n’avait pu trouver le sommeil, tellement cette seule idée d’aller à l’école la tourmentait.
Lors de la rencontre du 12 juin 2014 à la librairie Georges, pour la présentation du livre le chant des possibles, disponible sur www.lacheminante.fr