Nos attributs correspondaient aux attentes et aux goûts de l’autre. Ses gémissements multiples encourageaient les étapes à venir. Des ébats brefs et intenses.
Le pouvoir d’une communion charnelle était tel que nous ressortîmes détendus, sereins et décidés à profiter de cette première soirée raisonnablement chaude.
Le cœur ne se contrôle pas toujours. On a beau savoir qu’une voie sans issue se profile à l’horizon, il arrive que nous persistions bien malgré nous à croire qu’une ouverture reste accessible et envisageable. Une erreur de jugement et d’appréciation qui n’apporte que de la souffrance pour le garçon en attente que j’étais.
Nous avions remarqué notre différence à peu près au même âge. Mais comment y mettre des mots alors que l’ignorance prédominait ?
Il avait tout comme moi ressenti l’émergence d’un certain émoi pour une fille de sa classe, plus par mimétisme que par réelle envie. Nous évoluions dans cet univers de la famille à construire, d’une femme et des enfants, de l’homme qui rapporte majoritairement l’argent au foyer. Nous nous étions ainsi convaincus que telle était notre destinée.
Puis étaient venus les doutes, les regards qui se posaient sur un camarade de classe. L’attrait pour un corps masculin. Le désintéressement progressif du charme féminin. Le trouble naissant nous avait propulsés dans cette continuité, longue et impossible, des questionnements, des déchirures, des inquiétudes et surtout de cette conviction profonde que nous étions des déviants, des êtres interdits et que ces secrets devaient rester enfouis.
La personnalité et l'attitude me séduisaient davantage. Un corps n'était qu'une enveloppe. Seul le regard de l'autre saurait voir la beauté qui s'en dégageait. Les imperfections, quant à elle, provoquaient chez moi l'étincelle.
La couleur gris-vert de ses iris, la luminosité de son regard que le flash de l’appareil utilisé soulignait à la perfection. Un regard qui vous sonde, vous transperce, vous traverse et vous laisse totalement démuni. Comment un simple cliché tiré de la toile pouvait-il entraîner une réaction aussi intense chez moi ? Je ne comprenais pas mon attitude.
Célébrer un dieu qui guidait leur existence. Sans oublier une certaine obligation afin d’être accepté et respecté dans une communauté, dévotion nécessaire lorsqu’on aspirait, comme Craig Newman, à un poste de gouverneur.
Chacune de ses interventions avait pour conséquence de nombreuses heures de débats animés opposant ses admirateurs et défenseurs à ses plus affirmés détracteurs.
La séparation n’est jamais chose aisée. Mais en ce qui nous concernait, elle n’avait rien de dramatique, de blessant. Elle n’était que la suite logique qui mûrissait depuis toujours. Ce sentiment que j’avais bien ancré dans mon esprit, que nous n’étions qu’une jolie transition l’un pour l’autre, sans projection, et sans l’envie réelle d’une construction ensemble.
Je me baissai à son niveau, l’embrassai d’un baiser rapide sur ses lèvres gonflées par l’excitation que l’autre prétendant avait aiguisée. Il apposa sa main droite sur mon torse qui l’avait toujours rendu dingue. Un sourire gêné se dessina sur sa bouche entrouverte.
Notre métier était de creuser, de recouper, et de donner la plus pure et la plus exacte réalité. La tâche serait ardue. Pénible bien souvent. Mais tellement stimulante.