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EAN : 9782829002618
Editions d'en bas (01/12/2001)
3.75/5   2 notes
Résumé :
« À l'étroit dans ma peau de femme » : ces quelques mots résument bien le sentiment de révolte qui traverse le récit de vie de Marie Gilliard-Malherbe.

Épouse d'un propriétaire terrien du Gros-de-Vaud, mère de dix enfants, dont l'écrivain Edmond Gilliard, Marie Gilliard-Malherbe attend la cinquantaine pour s'adonner à sa passion secrète de l'écriture. Consciente de l'importance du témoignage, elle veut faire connaître le quotidien d'une femme à l'aube... >Voir plus
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Quel temps charmant que ces années de Lausanne, il me paraît comme ce ciel du matin, bleu pâle, où flottent à peine quelques petits nuages. Une modeste petite histoire d’amour y trouve sa place, un doux pastel frotté par le temps, les couleurs, si claires autrefois, se ternissent, je retrouve le contour, l’expression manque ; de très petits faits, quelques impressions fugitives sont tout ce qui reste de ce qui faisait battre si fort un cœur de fillette. Un sourire, un peu d’étonnement ; comment, c’était moi, cette jeunesse qu’une robe neuve, un bout de ruban rendaient heureuse ? C’est moi qui d’un pas si léger montais le Valentin, trouvant le soleil si brillant, l’air si caressant, la vie si belle ? Tout était jeune, je vous assure, ce n’étais pas moi seulement, c’était la verdure, les fleurs, les rues, les maisons, les cloches, ces cloches que vous croyez vieilles de bien des siècles, elles étaient jeunes alors, aussi jeunes que moi, je vous en donne ma parole.
Parmi les relations que ma tante Malherbe avait faites pendant son séjour à Lausanne se trouvait une famille charmante ; le père, un professeur d’âge mûr, la mère, beaucoup plus jeune et encore jolie, les enfants nombreux, bien élevés et aimables. Ma cousine Hélène me conduisit chez eux ; la fille aînée se trouvait dans la même classe que moi à l’École supérieure, elle me plaisait et j’allais souvent souper le dimanche, chez ces braves gens. J’arrivais du village où je ne voyais personne, j’étais timide et gauche, n’osant lever les yeux, répondant à peine.
Je vis cependant fort bien que le fils aîné, un grand garçon aux cheveux bruns bouclés, aux yeux noirs, aux traits accentués, s’occupait volontiers de moi ; son regard me suivait et, sous mes cils baissés, je le sentais et j’en éprouvais du plaisir. Jamais un mot d’amour, nous nous amusions comme des enfants ; si l’on courait, il cherchait à m’atteindre plutôt que les autres, si l’on jouait aux boules, il se tenait à côté de moi et m’aidait à lancer la mienne. Dans les jeux d’esprit, comme on les nommait alors, il s’adressait souvent à moi, me disant ainsi, sous les yeux de ses parents, de petites choses douces, qui, le jour suivant, occupaient mes rêves et amenaient un sourire sur mes lèvres, une lumière dans mes yeux. Sa fenêtre donnait sur une rue où je passais tous les jours, ce n’étais pas encore la ville, mais les jardins de tous côtés ; il s’asseyait sur le rebord de cette fenêtre son livre à la main, de loin je le voyais et je passais sans lever la tête, sûre que ses yeux me suivaient.
Ma cousine Julie était la confidente de ces joies toutes naïves. Nous attendions le premier coup de la cloche de midi, nous courions au jardin, voir dans la plate-bande au soleil, les petites araignées qui devaient nous porter bonheur, puis, sous prétexte d’une commission, nous allions vite, vite, du côté de la ville ; il passait, venant de l’université, soulevait sa casquette blanche, nous remontions toutes joyeuses. Rien de plus frais, de plus enfantin. Sur cette trame légère, mon imagination brodait la plus charmante jonchée de fleurs que jamais âme de quinze ans ait vue en rêve, pauvre petit rêve qui s’en est allé comme un brouillard sous le vent.
M. Charles de la Harpe, le meilleur maître de français de la ville, me donnait des leçons, trois heures par semaine ; il se montra plein d’indulgence pour l’élève la plus paresseuse qui fût sous le soleil. Comment ai-je profité de ses leçons ? Je ne sais vraiment pas. Ma facilité à saisir les choses, ma mémoire qui les enregistrait, suppléaient au manque de travail ; il disait à ma tante : « Elle est intelligente, mais ne fait rien, c’est désespérant. » Cette vie agréable de leçons prises en jouant, de liberté sous les yeux bienveillant de mon oncle et de ma tante, de causeries intimes au coin du feu, de lectures le soir, m’a laissé le souvenir d’un épanouissement de tout mon être, comme celui d’une plante abritée et soignée qui s’ouvre sous les rayons d’un soleil de printemps.
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