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Citations sur La disparition (15)

Le bruit sec d’une canette qu’on décapsule. J’ouvre les
yeux. Je ne veux pas dormir. Nous traversons une zone
de forêt brûlée. Sur le sol noirci se dressent des
squelettes d’arbres calcinés. Nashtash, sur la banquette
en face de moi, boit une grande goulée de cola. D’un
geste, elle m’invite à prendre une gorgée. Je fais non de
la tête, mais l’envie de parler revient. Quand je parle, les
serres lâchent prise. Un peu.
— Il y a beaucoup d’habitants, là-haut?
— Non, pas tellement, répond Nashtash, de sa voix
étale, en haussant légèrement les épaules. Avant, il y avait la
mine de fer, et beaucoup de travailleurs venus de loin. Main-
tenant,il y a encore quelques Blancs qui gèrent des commer-
ces et des pourvoiries. Nous autres, les Innus, on est restés.
— Moi, j’y vais à cause du carnet.
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Nous entrons dans un grand magasin, plein de
lumières et d’objets de convoitise. Dans mes chaussures,
soudain, j’ai les pieds qui frétillent, on dirait des poissons
rouges. Je détache ma main, m’élance vers les oursons de
peluche, les canards de plastique jaune vif, les poupées en
combinaison d’astronaute, les cubes de toutes les
couleurs.
Je me retourne et qu’est-ce que je vois?
Rien. Plus de maman.
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J’en sors un carnet rouge et noir à la couverture car-
tonnée, de ceux qu’on trouve dans les magasins à un dol-
lar. Abîmé, taché, avec une odeur de moisi. Je l’ouvre. Sur
la page de garde, écrits en lettres déteintes, effacées par
endroits, quelques mots. Une écriture tremblée.
J’arrête de respirer. Je vacille. Cela ne se peut pas. Je
connais cette écriture. Je la reconnaîtrais entre mille mil-
liards.
— Tu es bien pâle. Qu’est-ce que c’est? marmonne
tante Évelyne.
Mon nom. Avant mon nom, le mot fille, le mot ma,
le mot à.
Remettre à ma fille Viola
. Dessous, l’adresse.
Mes mains prises de panique. Je réussis à glisser l’objet
dans le sac à bulles.
— Rien. Ce n’est rien.
Je ne connais pas cette voix rauque qui sort de ma
gorge. Je ne sais plus de quelle manière on s’y prend pour
remonter les marches. Mais je les remonte. J’entre dans
ma chambre, me laisse tomber sur le lit, jambes fauchées.
Je regarde fixement le colis, je vois le nom de ce vil-
lage perdu estampillé dans le coin droit, à côté des tim-
bres, une série de reines identiques avec une couronne sur la tête. Comment c’est possible, ça? L’univers a viré fou, des points brillants et argentés virevoltent devant mes yeux. Respire, Viola, respire, ça va passer.
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Je plaque ma main sur la bouche. Ferme les
paupières serré. Les griffes me broient le ventre.
— Je connais cette histoire, murmure Nashtash. Ma
grand-mère me l’a racontée. De l’autre côté de la ligne de
partage des eaux, ils descendaient une rivière aux rapides
dangereux quand le canot a versé. Lui, on a retrouvé son
corps. Mais la femme est partie seule dans la toundra. Elle
avait laissé une note disant qu’elle tentait d’atteindre
notre village. On ne l’a jamais retrouvée.
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C’est le carnet de voyage de ma
mère. Elle et son amoureux étaient partis en expédition
de canot, il y a deux ans. Ils avaient voyagé dans ce train,
eux aussi, leur canot dans le fourgon à bagages, et des
boîtes de provisions, une tente, des sacs de couchage.
Ensuite, ils ont pris un hydravion, le canot attaché sur les
flotteurs. Le pilote a amerri sur un lac, les a laissés avec
leur matériel sur une plage de sable. Ensuite...
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Le train a quitté les abords de la ville portuaire. De
l’autre côté de la fenêtre, une rivière coule en sens
inverse. Elle s’en va au fleuve. Le train, lui, monte vers
le Labrador. Autour de moi, les autres passagers parlent
entre eux une langue chantante et bruissante. Ils parlent
innu.
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Toujours les serres griffues au milieu du plexus. Je
ne peux plus reculer.
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La nuit entière, pour ne pas dormir, la fille à l’anorak
bleu s’est imaginé des marmottes, des mouffettes et des
ratons laveurs écrasés sous les roues de l’autobus, leurs
tripes rougies au milieu de l’asphalte noir. Elle ne sait pas
que les oies blanches dorment dans les battures entre la
route et le fleuve, qu’elles ont entrepris leur migration de
la terre de Baffin jusqu’au golfe du Mexique.
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Après sept nuits, je fouille dans les affaires de tante
Évelyne, quatre cents dollars en billets de vingt, lui laisse
un mot «Inutile de me chercher», et je pars. Ce n’est pas
la première fois que je fugue. Depuis la disparition, c’est
devenu ma spécialité.
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Toute la semaine, depuis l’arrivée du carnet, je résiste.
Je fais la morte. Chaque matin, je me lève, m’habille,
descends, pars pour l’école. Je longe les rues du quar-
tier sans voir les érables flamboyer dans la lumière ra-
sante. J’ai l’air d’un automate, d’un zombie. Le soir, je
reviens à la maison de tante Évelyne. Je me couche. Fixe
le plafond de la chambre. Des fois, je m’endors vite, des
fois, c’est long. Le lendemain, le zombie se relève.
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