J'ai découvert ce court roman attirée par son titre intriguant alors que j'achève - presque - ma lecture de la Comédie Humaine, et que
Balzac, l'auteur et l'homme, m'est de plus en plus familier.
Balzac lui-même peut sembler un prétexte dans le récit puisqu'il n'apparaît que dans un court chapitre, quelques paragraphes seulement. Il n'est donc qu'à peine un personnage. Non, ce qui compte, c'est bien sa canne.
Mais l'aspect fantastique - une canne qui rend invisible - permet d'évoquer l'oeuvre
De Balzac, qui introduit lui-même du fantastique dans son oeuvre, comme dans
Ursule Mirouët ou
la Peau de Chagrin. C'est aussi, en raccourci, un roman qui convoque la Comédie Humaine avec sa volonté de rassembler le monde avec tous ses types d'individus. On croise ainsi des grandes dames à l'Opéra qui minaudent, des duchesses vaniteuses qui organisent des salons littéraires, des banquiers soucieux de leurs affaires, des ministres bouffis d'orgueil, des mères admirables qui se sacrifient du fond de leur province pour envoyer de l'argent à leurs fils, des domestiques menteurs... Oui, comme dans la Comédie Humaine, on croise différentes strates de la société, différents monde.
Delphine de Girardin lit et admire
Balzac, et son récit est un moyen de lui rendre hommage, sans être un pastiche au sens propre, car elle a son écriture et son style personnel.
D'ailleurs, j'ai fait un rapprochement avec
Jane Austen dans le style de Delphine de Girardin, notamment dans le début qu'elle présente sous forme de maxime, de vérité générale à laquelle chacun doit adhérer : la beauté masculine est un obstacle, un fléau - comme lorsque que
Jane Austen commence
Orgueil et Préjugés ainsi : "c'est une vérité universellement reconnue qu'un célibataire d'une belle fortune [...]". Oui, du
Jane Austen aussi dans le regard amusé, spirituel, un peu moqueur porté sur ses contemporains, sur leurs ridicules comme le goût du paraître en mettant des talonnettes pour un homme petit ou en cachant ses vieux souliers, l'hypocrisie sociale aussi qui règne dans les salons où personne ne dit vraiment ce qu'il pense... Il pourrait y avoir du Mme Bennett dans la mère de Clarisse, provinciale, vaniteuse, souhaitant marier sa fille à tout prix... La comparaison avec
Jane Austen est donc un compliment !
Cependant, c'est la fin du livre que je n'ai pas aimée, à partir du moment où Tancrède aperçoit Clarisse. Je ne trouve pas romantique l'idée d'un homme de vingt-cinq ans qui se rend invisible pour passer la nuit dans la chambre d'une jeune fille de seize pour la regarder dormir et l'embrasser pendant son sommeil, se faisant passer pour un ange... Non, c'est pervers et malsain, pas romantique. Clarisse, qui pouvait sembler être un personnage féminin fort, souhaitant vivre de son talent, de sa poésie, se faire un nom en elle-même dans le monde, renonce à tout pour une vie conjugale provinciale.
Dommage, j'aimais bien les réflexions parsemées dans le récit de l'auteure sur le statut justement de la femme écrivain en ce début du XIXème siècle, la revendication qu'une femme puisse écrire, et ce avec talent.
Une agréable découverte !