Citations sur Les Couleurs du silence (37)
Elle était jeune. Elle avait toute la vie devant elle. Et puis… un homme l’a violée. Parce qu’il la désirait et qu’elle ne voulait rien lui donner. Mon amie… elle n’a plus jamais été la même après ça. Elle a toujours eu peur d’attirer de nouveau les désirs malsains sur elle. Alors elle est devenue comme ces femmes-caméléons qui se cachent pour qu’on les laisse tranquilles. Cette amie n’a jamais porté plainte. Elle disait comme vous que… que ça ne servirait à rien. Aujourd’hui encore elle s’en veut de cette lâcheté, parce qu’elle pense qu’il a pu recommencer.
On dit que le bonheur n'est pas palpable, qu'il faut une prise de conscience pour s'apercevoir qu'il est là. Un petit soubresaut en soi, une vague sensation, une étreinte délicate comme une aile de papillon. le sien, elle le touchait du bout des doigts. Son bonheur était Karl.
Lila appartenait à cette génération téléphone, mais elle avait vu trop de scènes de «solitude entourée», comme elle les nommait, pour y être accro. Ces groupes de jeunes qui se prenaient en photo et avaient l’air de passer une soirée formidable, alors que, dès la pose terminée, chacun replongeait dans son monde virtuel. Ces couples qui n’avaient plus rien à se dire et «conversaient» avec d’autres. Ces familles qui se réunissaient rarement, mais dont les parents devaient batailler pour que leur progéniture lâche leur joujou. Karl, lui, était différent. Comme tout le monde ou presque, il possédait un compte sur les réseaux sociaux, mais il n’y étalait pas sa vie privée. Il faisait passer la vie réelle avant celle qui n’existait pas vraiment.
Trop de fierté, trop de honte, et pas assez de prise de conscience. De maturité, peut-être. À présent, il était prêt. Pas pour lui, mais pour Lila. Si c’était pour Lila, ça signifiait sûrement qu’en fait, c’était pour lui. Pour satisfaire son monstre d’égoïsme.
On dit que le bonheur n’est pas palpable, qu’il faut une prise de conscience pour s’apercevoir qu’il est là. Un petit soubresaut en soi, une vague sensation, une étreinte délicate comme une aile de papillon. Le sien, elle le touchait du bout des doigts. Son bonheur était Karl. Tout simplement.
C’était un amour d’enfant, on sentait qu’il était bien élevé. Mais son équilibre restait fragile, en pleine construction. À force de voir ses espoirs de retrouver son père s’envoler, ne risquait-il pas de changer ?
Tu m’as ouvert les yeux. Je dois retrouver qui j’étais, comprendre certaines choses. Je vais suivre une thérapie, Lila. Je veux m’en sortir. Pour toi. Je suis prêt à tout pour ne pas te perdre. Je t’aime comme un fou, rappelle-toi. Mon amour, je suis Karl. Celui qui est capable d’entendre le chant des cigales rien qu’en regardant tes dessins de Provence. Celui à qui ton père a appris à jouer à la belote.
Il caressa sa joue du bout des doigts. Elle frémit à son contact. Il retira sa main, mais son sourire sembla l’inviter à continuer. Imprévisible Lila. Il fondit sur elle. Ses lèvres cherchèrent les siennes et il la pressa contre lui, les mains dans ses cheveux. Elle répondit à son baiser, leurs langues se mêlèrent avec ardeur.
Elle était si belle. Comment une fille comme elle pouvait-elle s’intéresser à un type comme lui ? Karl masqua le tremblement de ses mains en les enfouissant dans ses poches. Elle dut déceler ses mouvements du coin de l’œil, car elle tourna la tête dans sa direction. Il fut surpris de la voir lui sourire. Le soulagement lui arracha presque un soupir. Il prit sur lui pour ne rien montrer. Surtout ne pas la considérer comme acquise.
Cette solidarité qui unit les femmes, simplement parce que nous sommes nées femmes, avec tous les avantages et les inconvénients que ça implique, ça s’appelle la sororité. Alors au nom de ce mot compliqué et pas très joli, je me dois de vous aider. Et pas seulement parce que M. Le Goff me l’a demandé.