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Critique de nadejda


Vingt huit ans se sont écoulés entre le départ de Sarah vers le grand nord et celui de Lisa sa soeur, qui l'avait accompagnée à Roissy en compagnie de leur mère et l'avait vue s'engouffrer dans un tube transparent comme absorbée. 
Sarah, 22 ans, déjà en allée, tournée vers ce voyage qui l'attend, retient toute l'attention de la mère «déjà dans le manque». Lisa, elle, regarde ailleurs... «pour ne pas être obligée, par compensation, de déborder de sollicitude envers la mère soudain abandonnée. Elle ne veut pas endurer seule le poids de tant d'amour.»
Ce départ est un prélude à la douleur de la disparition qui va suivre. 
Car six semaines plus tard Lisa et ses parents attendront en vain le retour de Sarah. Elle ne reviendra pas de son voyage au Groenland effectué alors qu'elle n'a pas surmonter la perte de son amie Diane avec laquelle elle fusionnait à travers la musique.
«Et ce qu'elles entendent n'est pas de la musique, voyez leurs visages, c'est la résonance de leurs propres désirs, leurs chagrins, leurs peurs. (...) elles savent, comme elle (Martha Argerich), elles sentent, aux feux d'artifice allumés dans leurs ventres, que dans la musique elles sont à leur place ; en éprouvent la joie organique.» p 68

Même si on souhaite oublier, nier le corps pour se retirer de la vie, c'est impossible. Il se rappelle à nous dans les moments d'exaltation comme dans les pires douleurs, comme celle de la disparition d'un enfant, d'une soeur dont on ne sait si elle est encore vivante ou morte.
Ce doute, cette incertitude qui défait, cette attente qui mine, s'ajoute au vide laissé par l'absente. La mère se retranche dans sa douleur, le père vit avec et Lisa veut être aimée, exister, elle veut être regardée, elle s'envole à son tour vers l'Afrique, l'Asie.

Plus tard elle se rendra au Groenland sur les traces de Sarah sa soeur dont elle s'était pourtant promis de se démarquer.
«Un an plus tôt il n'est pas question de ce voyage. de toutes les destinations possibles le Groenland est celle que Lisa écarterait d'emblée. Mais elle y vient, pourtant, lentement, et presque à son insu.» p 33
Lisa à Uummannaq tente de reconstituer ce qu'aurait pu être Sarah dans ce milieu totalement différent, en train de peut-être s'effacer et disparaître lui-aussi. 

«Lisa fixe les flétans pas tout à fait morts dans les bacs de polystyrène, les joues intactes, les joues trouées, les ouïes béantes, obscènes et superbes comme une toile de Schiele.» p 149
Cette allusion à Egon Schiele m'a ramené à la lecture plus ancienne de «Qui touche à mon corps je le tue» texte plus viscéral, plus proche de l'oeuvre bouleversante de ce peintre.
Il y a une passion, une tension, une avidité, une soif de vie, une faim qui sourdent de l'écriture précise et énergique de Valentine Goby. Elle fait appel à tous les sens. Impossible de quitter ses livres une fois qu'ils sont entamés. Importance du corps, du ventre, de la peau qui sont exaltés dans des phrases parfois violentes où le sang circule. Valentine Goby aime ce qui brûle, fait brûler.
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