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Citations sur Une chance folle (16)

Dans la salle de bains, debout devant le miroir, je me contorsionne pour voir l'étendue des cicatrices qui m'entourent comme un filet. Qui m'aimerait malgré elles ne m'aimerait pas vraiment, ce ne serait pas moi, pas complètement. Ce serait m'aimer à moitié, comme d'aimer seulement mes cheveux bruns ou mes yeux verts, ce serait m'aimer en petits morceaux. Et s'il y avait quelqu'un pour m'aimer à cause d'elle, pour s'y intéresser, ce serait un malade qui serait excité par sa propre pitié.
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Maintenant, je ne sais plus par où commencer, par où recommencer, puisque c’est toujours déjà dit mille fois, à en vomir tellement je me la suis passée en travers de la gorge, mâchée et remâchée, cette histoire, les joues pleines, à saliver pour l’amollir, à sentir qu’elle m’asséchait la bouche, les lèvres, tandis que mes yeux, sans effort, se mouillaient, la gorge soudain si dure, si serrée, que je ne pouvais plus articuler ni avaler. (…) Plus tard, je m’étais promis de l’écrire, comme si j’allais pouvoir l’agrafer sur le papier, papillon mort, enfin tenue, enfin durcie et sèche. Je l’aurais décrite, je l’aurais racontée, je l’aurais épuisée, j’aurais tout dit, si complètement, qu’il n’y aurait plus rien à ajouter, elle serait là, palpable, solide et morte. Hors de moi.
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Du moment qu'on est une fille, on doit s'y habituer, être appelée, être sifflée, être insultée, être suivie, être frôlée. [...] Ils ne savent dire que quelques mots, salut, t'es belle, tu viens, tu suces, tu veux baiser, j'ai envie de te tringler. C'était ça que j'attendais si impatiemment, c'était cette langue sordide qui me gicle dessus et que je n'arrive pas à laver, même au savon, même à l'eau chaude. À l'âge où je pensais être libérée de la peur des quolibets, j'apprends à marcher tête baissée. Ne pas s'arrêter, ne pas ralentir, aller tout droit, le corps en morceaux, dépecé par leurs regards, écorché par ces mots qui se vrillent en moi, avancer vite, sans répondre, sans sourire, sans regarder, faire la sourde et continuer comme si de rien n'était, comme si c'était normal cette ordure sous mes pieds.
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Si j’avais une marraine fée, ce n’est pas une robe de bal que je lui demanderais, mais de m’arracher cette peau d’âne qu’on m’a greffée.
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Dans la journée, nous ne parlions pas de ce qui se passait aux thermes où des massages. Mais après quelques séances, j'ai demandé à ma mère de ne plus entrer avec moi dans la salle de douche. Quand l'eau sous pression m'atteignait, elle faisait éclater les cloques qu'elle avait formées la veille en entrant sous ma peau, et je saignais, la chair à vif. J'arrivais à ne pas crier, mais les larmes coulaient malgré moi et je ne voulais pas que ma mère me voie pleurer. D'ailleurs, devant elle, il n'aurait pas suffi de retenir mes larmes, il aurait encore fallu parvenir à sourire de cette chance que j'avais de pouvoir être ainsi traitée.
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Ah, ça, elle avait souffert, ma mère, tout le monde me le disait, chaque fois qu'on m'interrogeait, dès les premiers mots, dès qu'on m'avait fait dire l'âge que j'avais quand c'était arrivé, sans faillir, on me disait, comme votre mère a dû souffrir. Ah oui, comme elle a dû souffrir, quand les plaies s'infectèrent, quand il fallut découper une à une les croûtes qui commençaient à suppurer, quand la fièvre a monté et que pendant quelques jours elle n'a plus pu me faire avaler m'a cuillère de compote, quand je tournais la tête, sans vouloir rien manger, et que je la fixais seulement sans bouger. Et comme elle avait souffert ensuite, chaque fois qu'on m'avait opérée, à chaque greffe, à chaque pièce découpée, déplacée, à chaque reprise sur mon corps en lambeaux, c'était elle qui se tourmentait, tandis que moi, bien sûr, J'avais eu de la chance, puisque du tout début je ne me souvenais pas, c'était encore une autre chance d'avoir été brûlée si tôt, à un âge dont on ne peut pas soi-même parler.
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Car bien avant que je puisse parler, bien avant que je puisse moi-même la questionner, et bien avant encore que ce soit moi qu’on interroge, il lui avait fallu dire ce qui s’était passé. Et dès le début, ce qu’elle racontait, ce n’était pas comment j’avais été brûlée, mais comment je m’étais brûlée.
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ne pas la cacher, ne pas la montrer, ne pas être réduite à elle, ne pas la nier, ne pas me définir par elle, ne pas me définir contre elle, ne pas prétendre qu’elle ne m’a pas marquée, ne pas prétendre qu’elle seule m’a déterminée.
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J’en ai parlé si souvent, à tant de gens et si mal, j’en ai parlé alors que chaque fois je me disais, non, pas cette fois-ci, pas avec lui, pas comme ça, mais chaque fois ça recommençait.
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Et quoique je fasse, quoiqu'on me dise ou qu'on me taise, je la voyais dans mon reflet, dans le regard des autres, et sur toutes les photos. P. 48
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