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EAN : 9782707343673
144 pages
Editions de Minuit (07/09/2017)
3.55/5   50 notes
Résumé :
Magda a été gravement brûlée lorsqu’elle avait quelques mois. Elle ne se souvient pas de l’accident, mais sa mère en a noté les circonstances dans un carnet. Toute son enfance, les opérations, les pansements, les cures thermales se succèdent. Sa mère se consacre à elle, on lui dit qu’elle est bien soignée. En somme, elle a une chance folle.
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Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
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J'ai commencé ce livre à 6 heures ce matin, pour le terminer deux heures plus tard, au bord des larmes. Non pas que le style d'Anne Godard soit larmoyant, loin de là même, j'y ai même senti une certaine distance par rapport au drame évoqué.

Tout commence par une brulure celle de l'eau bouillante tombée sur le corps d'une petite fille un peu trop curieuse.
Magda est hospitalisée, opérée, pansée, et réopérée avec chaque fois de nouvelles souffrances, mais elle est en vie. Elle a « Une chance folle » aime dire ses proches.

En grandissant la brulure est toujours là, comme faisant partie d'elle-même sous le regard des autres,
certains font semblant de ne pas voir la cicatrice, d'autres chuchotent à son passage, les plus cruels ricanent ou prennent l'air dégoutté.
Ses parents sont là bien sûr, avec la culpabilité de la mère qui n'a pas su éviter le drame ce que la fillette ressent comme une autre plaie, encore plus profonde.
Un fossé se creuse peu à peu entre l'adolescente et une famille maladroite dans sa façon d'aimer.

Ce livre est bouleversant car il pose le douloureux problème du regard des autres.
Comment se construire lorsque l'on est différent ?
Comment s'accepter ?
Comment dévoiler son corps lors du premier amour ?

Anne Godard traite ce douloureux sujet avec une grande pudeur qui parfois frise la froideur.
Les phrases sont longues, les mots font mal.
Il m'est difficile de conseiller une lecture aussi éprouvante, mais lire n'est-ce pas aussi parfois accepter de souffrir ?

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Magda a 9 mois. Sa mère rend visite à Tante Charlotte. Il y a Marc aussi, son frère aîné, enfin, de peu. Il est né la même année, les deux enfants n'ont que 11 mois d'écart. le père, fatigué, est resté à la maison pour faire une sieste. Marc s'amuse, il fait tomber de la table du salon une boîte du panier à couture de Tante Charlotte, les épingles se répandent sur le sol, la mère s'affaire à les ramasser avant que Marc ne se blesse. La petite Magda, elle, s'approche de la bouilloire qui, pour une raison indéterminée, va tomber du meuble où elle est posée, laissant l'eau bouillante se déverser sur le corps de la petite fille. de l'accident, Magda ne se souvient pas. Mais des conséquences, assurément !

Ce roman, il résonne en moi comme un cri, un terrible cri que l'écriture permet de pousser et dont l'écho prend différentes dimensions.

Il y a ce corps meurtri bien sûr, les brûlures que vous imaginez. Anne GODARD les exprime avec beaucoup de délicatesse mais aussi gravité. Elle rivalise d'ingéniosité pour trouver les images qui nous feront partager, le temps d'un livre, les souffrances physiques endurées.

Mais ce roman, c'est avant tout un profond cri du coeur. En prêtant sa plume à Magda, Anne GODARD va donner de la voix à celles et ceux qui sont réduit(e)s au silence. Magda l'a été, au sens propre, dans une maison dans laquelle même le cri du nourrisson s'est tu, l'écrivaine empreinte, elle, les chemins inexplorés du sens figuré. Avec une narration à la première personne du singulier, la force du propos est amplifiée.

L'auteure use du prétexte d'un accident domestique, l'occasion d'évoquer le fait que près de 200 000 enfants en meurent en France chaque année. Magda fait partie de ces enfants victimes d'un accident qui aurait pu être évité. Nous ne sommes pas loin du cri d'alerte aux parents, grands-parents, bref à tous ceux qui entourent les enfants dont ils doivent assurer la protection.

Anne GODARD va creuser le sillon de cette obligation. La petite fille en veut terriblement à sa mère de ne pas s'être occupée d'elle à l'instant précis où l'accident aurait pu être évité mais à l'instant précis aussi, où sa vie a basculé. C'est un cri de reproche adressé à sa mère que formule Magda tout au long de ce livre, un cri qui met la mère devant ses responsabilités et la renvoie à sa culpabilité. de cet accident les relations mère/fille seront inéluctablement entachées.

Ce roman, c'est aussi un profond cri à l'injustice. Alors même que la petite Magda souffre, qu'elle est hospitalisée sur de longues durées, la famille, les amis, les autres en général s'apitoient sur le sort de la mère. La narratrice éprouve un ressentiment incommensurable. Anne GODARD sème les premières graines d'une prise de conscience. Si le réflexe des adultes peut paraître assez naturel devant un enfant de 9 mois qui ne parle pas encore et ne peut mettre des mots sur ce qu'il ressent, il l'est beaucoup moins ensuite mais les habitudes sont prises. Magda crie haut et fort combien l'attention des autres a été dévoyée, la privant, elle, de ce qu'elle aurait pu lui apporter pour se construire.

Anne GODARD aborde, en toile de fond, le sujet de la différence et plus précisément celui du regard des autres sur la différence. En quoi une différence détermine-t-elle l'identité d'un individu ? C'est la question à laquelle l'auteure va apporter une certaine réponse.

Magda fait partie de ces enfants qui ont survécu à un accident mais qui en en porteront l'empreinte jusqu'à la fin de leurs jours. Il n'est pas écrit sur leur front que leur corps est meurtri et pourtant !

A moi, maintenant, de lancer un cri, et ce sera celui de la victoire ! Je ne connaissais pas encore la plume de Anne GODARD dont "Une chance folle" est le 2ème roman, son premier "L'inconsolable" date de 2006. Ne passez pas à côté de la plume de Anne GODARD, singulière, caustique à l'envi, elle nous livre un roman à découvrir absolument. L'histoire pourrait être plombante, elle en fait un véritable sujet de philosophie.
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"Le langage est une peau", disait Barthes dans Fragments d'un discours amoureux. Pour l'héroïne d'Anne Godard, c'est l'inverse : sa peau est un langage, qui parle malgré elle, à sa place, à sa famille, aux inconnus, à tant de gens qui lui ont si souvent demandé, une étincelle d'excitation dans les yeux et un frisson de dégoût le long de l'échine, "Qu'est-ce qui vous est arrivé ?".

C'est à cette question que Magda répond, factuellement, sans émotion. Et pour cause, puisqu'elle ne s'en souvient pas. Seule sa peau, mémoire vivante, porte les stigmates du dramatique événement qui a, il y a déjà si longtemps, bouleversé sa vie. En choisissant de faire dépendre Magda du récit de son accident consigné par sa mère, l'auteur fait un pari risqué : d'un côté, elle souligne, dès l'origine, à quel point la jeune fille est dépendante de sa mère, de sa subjectivité et de son emprise, y compris dans sa propre construction en tant qu'individu ; de l'autre, elle la contraint à raconter l'accident et ses conséquences d'un ton neutre, froid, détaché, peu propre à susciter l'empathie du lecteur, phénomène accentué par la brièveté de l'ouvrage (140 pages), trop court pour nous permettre de nous attacher réellement à l'héroïne.

C'est finalement ce côté un peu superficiel que l'on pourrait reprocher à ce roman : tout y est survolé, en particulier la deuxième moitié du livre, qui perd nettement en profondeur et en intensité par rapport à la première. Et si le personnage de la mère est particulièrement fouillé, avec une insistance très nette sur son côté malsain et toxique, semblant presque se délecter de la souffrance sans cesse renouvelée de sa fille, les autres personnages sont bien pâles : le père est fade, inexistant, réduit à un être évanescent peu concerné par les problèmes de sa fille, le frère est laissé de côté pendant une bonne partie de l'intrigue, pour réapparaître en fin d'ouvrage submergé par un mal-être inexpliqué, et Markus, le petit ami, malgré des débuts prometteurs, n'a aucune consistance et disparaît sans bruit de l'histoire.

Pourtant, ce livre ne manque pas de points forts, à commencer par la façon dont il traite un thème finalement assez commun en littérature : la relation mère/fille. En psychanalyse, on dit que la peau, frontière évidente avec l'extérieur, est aussi et surtout une frontière avec la mère, première source de contact pour le bébé. Ce n'est certes pas un hasard si Magda, brûlée et meurtrie dans sa chair, tente à la fois de se réapproprier ce corps si disgracieux et de se libérer de l'influence malsaine et étouffante de sa mère qui rejette sur sa fille la responsabilité de l'accident, tout en éprouvant un plaisir pervers à contrôler au maximum le corps de son enfant. Autre force de ce roman, son écriture prenante, avec ses longues phrases entrecoupées de nombreuses virgules, saturée d'accumulations, particulièrement à même de traduire la sensation d'asphyxie ressentie par l'héroïne, mais que certains pourront trouver peu originale, puisqu'on la retrouve dans bien des romans contemporains.

En somme, un ouvrage plutôt réussi, mais pas exempt de défauts, qui aurait gagné à être approfondi et plus équilibré, car il perd progressivement de sa force, pour se terminer sur une note finalement assez décevante, avec un dénouement plat et convenu.

Ouvrage reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique. Merci à Babelio et aux Éditions de Minuit.
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Au préalable, je remercie Les Editions de Minuit de m'avoir envoyé ce livre et j'exprime également ma gratitude à Babelio pour la tenue de cette masse critique toujours aussi sympathique et variée en termes de choix.
C'est en lisant le synopsis qui me paraissait intéressant que j'ai appris, il y a quelques mois, la parution pour septembre 2017, du second roman d'Anne Godard « Une chance folle ». Je m'étais alors promise de l'acheter ultérieurement.
Qu'elle n'a pas été ma joie en constatant qu'il faisait partie de la sélection des oeuvres mises en jeu pour ce concours. Je l'ai donc coché parmi d'autres en laissant faire le hasard.
Une dizaine de jours plus tard, il m'attendait dans la boite aux lettres…
Je dois dire, qu'à la sortie, je regrette ce choix qui s'avère être une déception.
Ce texte était tellement auréolé d'une bonne réputation par la blogosphère littéraire, que je m'attendais à mieux.
Mon avis étant subjectif et en aucun cas le seul à prendre en compte, je m'adresse à l'auteure en lui disant que je suis vraiment désolée d'avoir un tel jugement sur son travail mais je me dois d'être honnête envers celles ou ceux qui me suivent.
Magda n'a que neuf mois lorsqu'une bouilloire remplie d'eau à 90° se renverse accidentellement sur elle et transforme à jamais son cou et le haut de son corps en quelque chose d'infâme, de fripé, parcourue d'une douloureuse et laide cicatrice.
A cause de son jeune âge, elle ne se souvient de rien et doit supporter, outre la souffrance physique, le dépit, l'accablement de sa mère, témoin privilégiée de ces durs moments. Cette dernière n'hésitant pas à les porter comme des étendards.
Durant toute sa petite enfance puis son enfance, notre victime va vivre quasiment en vase clos avec sa génitrice qui « panse et pense à sa place » en lui répétant inlassablement qu'elle a « une chance folle » d'avoir survécu.
L'histoire prend naissance quand Magda, qui a coupé plus ou moins les liens fusionnels existants, décide de se narrer, de parler en son nom, de s'expliquer. Bref de conter sa propre version et surtout de songer, de réfléchir par elle-même.
Comment va-t-elle s'y prendre ? Arrivera-t-elle à se libérer psychologiquement de cette emprise étouffante ? Dans l'affirmatif ou dans l'infirmatif, qu'est-ce qu'il va en découler ? Ses souvenirs apparaitront-ils ? Révélations inattendues ou pas ? Plongez et vous saurez…
A travers le court récit de cent quarante-deux pages, l'écrivaine met en exergue la figure maternelle. Elle traite des blessures aussi bien physiques que morales de l'enfance. du tourment psychologique que peut exercer une personne d'autorité, qui de plus est un parent, sur une gosse innocente, brûlée dans sa chair, de surcroît, en recherche de repères, de stabilité, de référent.
On prend également véritablement conscience de l'isolement dans lequel se trouve un bambin aux premiers mois de sa vie, quand il n'a pas encore accès aux souvenirs, au langage. Plus tard, pour évoquer cette période, il devra forcement s'en remettre à ses parents et à leur interprétation.
Pour synthétiser, je dirai que Madame Godard nous parle de renaissance, de « seconde chance », du droit à exister et à se faire entendre.
Je la félicite pour avoir choisi un sujet dur, grave qui laissait présager de l'émotion, de la fulgurance.
Et bien que nenni ! si la trame principale est effectivement sérieuse, lourde, sachez que je n'ai pas adhéré du tout à l'intrigue.
Cet ouvrage est plombant, il manque de profondeur. Il est superficiel et je ne suis pas rentrée dedans.
Même si Magda, la narratrice, a connu l'horreur tant physiquement que moralement, je n'ai pas eu d'empathie pour elle. Je ne suis pas arrivée à m'attacher. Elle ne m'a pas émue et m'est apparue glaçante quelquefois.
J'ai trouvé la mère attentionnée bien entendu mais aussi trop focalisée sur l'image qu'elle renvoie. J'ai eu en horreur qu'elle ressasse inlassablement cette tragédie pour que son entourage la plaigne, elle, finalement.
Le père est un personnage terne, effacé, sans caractère et sens de l'initiative. Je pense que sa présence n'était pas indispensable.
J'ai été sensible à Marc uniquement. Son désarroi, son mal être est palpable au point de…
Sa douleur morale saute aux yeux.
Le style rédactionnel est exaspérant. Les phrases sont interminables car ponctuées sans cesse de virgules. On ne peut pas respirer ce qui en fait une lecture pénible et désagréable.
A entreprendre ? : Avis circonspect et mitigé. Je ne peux me prononcer. Je vous laisse seul juge.

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Quand elle avait quelques mois, Madga s'est renversé sur le bras et le haut du corps une bouilloire d'eau bouillante, elle a eu "une chance folle" car ç'aurait pu être bien pire comme le disent si souvent ses parents.
Elle a de nombreuses brûlures et cicatrices sur le torse qu'il faut soigner, elle subit de nombreuses greffes, des cures thermales. Sa mère est toujours près d'elle pour la soigner et l'assister. le temps passe et Magda grandit et se demande si elle trouvera un homme qui l'aimera avec ses brûlures et ses marques.

Autant le début est original, le personnage touchant, autant la suite, le passage de l'enfance à l'adolescence, la distance prise par rapport à une mère trop fusionnelle, ne m'a pas emballée. On a déjà vu et lu ça des milliers de fois.

Le style n'est pas non plus extraordinaire, les phrases sont trop longues.

Un avis très mitigé, mais à vous de vous faire le vôtre !
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critiques presse (3)
Culturebox
11 septembre 2017
Anne Godard signe, plus de 10 ans après "L'inconsolable", un second roman sombre et saisissant, qui explore le chemin que chacun doit emprunter pour vivre sa propre vie.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Culturebox
11 septembre 2017
Le second roman d'Anne Godard, "Une chance folle" (Minuit), explore les blessures de l'enfance et le chemin (long) que chacun doit accomplir pour "apprendre à parler en son nom propre".
Lire la critique sur le site : Culturebox
LeMonde
01 septembre 2017
Magda raconte son histoire, celle d’une enfant victime d’un grave accident domestique. « Une chance folle » est un roman cathartique et salutaire.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Maintenant, je ne sais plus par où commencer, par où recommencer, puisque c’est toujours déjà dit mille fois, à en vomir tellement je me la suis passée en travers de la gorge, mâchée et remâchée, cette histoire, les joues pleines, à saliver pour l’amollir, à sentir qu’elle m’asséchait la bouche, les lèvres, tandis que mes yeux, sans effort, se mouillaient, la gorge soudain si dure, si serrée, que je ne pouvais plus articuler ni avaler. (…) Plus tard, je m’étais promis de l’écrire, comme si j’allais pouvoir l’agrafer sur le papier, papillon mort, enfin tenue, enfin durcie et sèche. Je l’aurais décrite, je l’aurais racontée, je l’aurais épuisée, j’aurais tout dit, si complètement, qu’il n’y aurait plus rien à ajouter, elle serait là, palpable, solide et morte. Hors de moi.
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Dans la salle de bains, debout devant le miroir, je me contorsionne pour voir l'étendue des cicatrices qui m'entourent comme un filet. Qui m'aimerait malgré elles ne m'aimerait pas vraiment, ce ne serait pas moi, pas complètement. Ce serait m'aimer à moitié, comme d'aimer seulement mes cheveux bruns ou mes yeux verts, ce serait m'aimer en petits morceaux. Et s'il y avait quelqu'un pour m'aimer à cause d'elle, pour s'y intéresser, ce serait un malade qui serait excité par sa propre pitié.
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Du moment qu'on est une fille, on doit s'y habituer, être appelée, être sifflée, être insultée, être suivie, être frôlée. [...] Ils ne savent dire que quelques mots, salut, t'es belle, tu viens, tu suces, tu veux baiser, j'ai envie de te tringler. C'était ça que j'attendais si impatiemment, c'était cette langue sordide qui me gicle dessus et que je n'arrive pas à laver, même au savon, même à l'eau chaude. À l'âge où je pensais être libérée de la peur des quolibets, j'apprends à marcher tête baissée. Ne pas s'arrêter, ne pas ralentir, aller tout droit, le corps en morceaux, dépecé par leurs regards, écorché par ces mots qui se vrillent en moi, avancer vite, sans répondre, sans sourire, sans regarder, faire la sourde et continuer comme si de rien n'était, comme si c'était normal cette ordure sous mes pieds.
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Ah, ça, elle avait souffert, ma mère, tout le monde me le disait, chaque fois qu'on m'interrogeait, dès les premiers mots, dès qu'on m'avait fait dire l'âge que j'avais quand c'était arrivé, sans faillir, on me disait, comme votre mère a dû souffrir. Ah oui, comme elle a dû souffrir, quand les plaies s'infectèrent, quand il fallut découper une à une les croûtes qui commençaient à suppurer, quand la fièvre a monté et que pendant quelques jours elle n'a plus pu me faire avaler m'a cuillère de compote, quand je tournais la tête, sans vouloir rien manger, et que je la fixais seulement sans bouger. Et comme elle avait souffert ensuite, chaque fois qu'on m'avait opérée, à chaque greffe, à chaque pièce découpée, déplacée, à chaque reprise sur mon corps en lambeaux, c'était elle qui se tourmentait, tandis que moi, bien sûr, J'avais eu de la chance, puisque du tout début je ne me souvenais pas, c'était encore une autre chance d'avoir été brûlée si tôt, à un âge dont on ne peut pas soi-même parler.
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Dans la journée, nous ne parlions pas de ce qui se passait aux thermes où des massages. Mais après quelques séances, j'ai demandé à ma mère de ne plus entrer avec moi dans la salle de douche. Quand l'eau sous pression m'atteignait, elle faisait éclater les cloques qu'elle avait formées la veille en entrant sous ma peau, et je saignais, la chair à vif. J'arrivais à ne pas crier, mais les larmes coulaient malgré moi et je ne voulais pas que ma mère me voie pleurer. D'ailleurs, devant elle, il n'aurait pas suffi de retenir mes larmes, il aurait encore fallu parvenir à sourire de cette chance que j'avais de pouvoir être ainsi traitée.
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