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Critique de jvermeer


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« Comment faire de la couleur avec les mots ».
Ce livre édité par le musée des lettres et manuscrits est une invitation au voyage parmi ceux qui ont fait l'histoire de l'art. L'exposition de 2011 nous a offert la présentation d'une centaine des plus belles lettres de peintres choisies dans leur collection couvrant la période du 19e au milieu du 20e siècle. Proposé sur papier glacé, chaque document, fac-similé autographe, est transcrit en clair, accompagné d'un résumé biographique sur le peintre.

Ces peintres, « Refusés » pour certains à leur époque, sont aujourd'hui les grands maîtres reconnus dans le monde entier. Ils attirent des millions de visiteurs dans les musées : Manet, Ingres, Renoir, Gauguin, Cézanne, Bonnard, Matisse, Delacroix, Signac, Chagall, Dalí… Leurs courriers nous confient des anecdotes sur leurs vies personnelles et professionnelles que certains agrémentent parfois de dessins, comme Van Gogh qui avait l'habitude d'ajouter de nombreuses illustrations de ses tableaux, ce qui rendait ses lettres passionnantes.
La sensation d'un moment éphémère fait l'originalité de toutes ces lettres d'artistes qui dévoilent leurs sentiments : colères, amours, amitiés, théories sur l'art, inquiétudes, émotions, critiques.

L'abondante correspondance de Vincent van Gogh exprime un talent littéraire qui en fait un document humain sans équivalent. Sa lettre de remerciement envoyée en 1889 à Albert Aurier, fondateur de la revue du Mercure de France, qui vient de publier sur lui un article élogieux quelques mois avant sa mort, contient à elle seule toutes les émotions qui habitaient cet artiste qui ne vendait rien, était enfermé dans un hospice à Saint-Rémy-de-Provence, et ne croyais plus en lui : « dans votre article je retrouve mes toiles mais meilleures qu'elles ne le sont en réalité. » Il lui confie : « les émotions qui me prennent devant la nature vont chez moi jusqu'à l'évanouissement ».

Le journal et la correspondance d'Eugène Delacroix sont de véritables morceaux littéraires. Dans une lettre, il décrit à son ami Charles Soulier son voyage dans le pays du peintre flamand Rubens qu'il admire : « Dis-toi brave Crillon que tu ne connais pas Rubens et crois en mon amour pour ce furibond. Vous n'avez que des Rubens en toilette, dont l'âme est dans un fourreau. C'est par ici qu'il faut voir l'éclair et le tonnerre à la fois. »

Ancien condisciple d'Émile Zola, Paul Cézanne était un beau manieur de mots, confectionneur de rimes dans sa jeunesse. Cela se remarque dans cette lettre de 1862 : « le jeune Coste, bizarre bipède, à la face problématique, m'accompagne tous les matins au paysage, et me sature de mille avanies diverses, qu'il multiplie à chaque minute. le malheureux, joignant déjà à sa double vocation de rapin et de clerc de notaire, la manie de faire des vers, m'assomme de maints couplets de composition, qu'il récite ou chante avec une complaisance digne du khnout russe ou du carcan chinois. »

Lors du Salon de 1866, Édouard Manet ne cachait pas qu'il était furieux que l'on eût confondu, une nouvelle fois, son nom avec celui du jeune Monet : « C'est à croire à une mystification », disait-il. Claude Monet va rester fidèle toute sa vie à la mémoire de Manet. En 1889, de Giverny, Il écrit de nombreuses lettres pour collecter de l'argent afin de faire entrer « Olympia » au Louvre : « C'est là je crois le plus bel hommage que nous puissions rendre à la mémoire de ce bel artiste ». du Pouldu en Bretagne, Paul Gauguin n'est pas d'accord et écrit à son ami Émile Bernard : « Je trouve très drôle cet achat de l'Olympia maintenant que l'artiste est mort. »

La lettre à mes yeux la plus originale est celle de Gustave Courbet. Sa notoriété est importante et sa peinture réaliste choque les critiques. La lettre est adressée en 1864 à Victor Hugo qui vivait en exil à Guernesey. Elle est un modèle d'emphase pour le grand homme dont il voulait faire un portrait, qu'il ne fera d'ailleurs jamais : « J'irai devant votre retraite sympathique contempler le spectacle de la mer. Je l'avoue, Poète, j'aime le plancher des vaches et l'orchestre des troupeaux sans nombre qui habitent nos montagnes. La mer ! la mer ! avec ses charmes m'attriste ! Elle me fait dans sa joie, l'effet du tigre qui rit ; dans sa tristesse elle me rappelle les larmes du crocodile, et dans sa fureur qui gronde, le monstre en cage qui ne peut m'avaler. Oui, oui, j'irai, quoique ne sachant pas jusqu'à quel point je me montrerai à la hauteur de l'honneur que vous me ferez en posant devant moi. »


« Penchez-vous avec émotion sur ces documents uniques, déchiffrez l'écriture, décryptez les références aux toiles célèbres et pénétrez dans l'univers de ces maîtres. Laissez-vous porter par le charme de l'écriture manuscrite puisqu'un pan intime de ces peintres se retrouve dans chacun de ces documents. Ainsi dévoilées, transcrites et commentées, les lettres présentées dans cet ouvrage vous invitent à des moments exquis en compagnie des plus grands maîtres de la peinture. » - Estelle Gaudry, Commissaire de l'exposition

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