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Critique de batlamb


« Comment ne pas raconter après coup ? Ainsi il faudrait penser que rien ne sera jamais exprimé pour de bon, restitué dans son devenir anonyme, que personne ne pourra jamais rendre le bredouillement de l'instant qui naît ; on se demande pourquoi, sortis du chaos, nous ne pourrons jamais être en contact avec lui : à peine avons-nous regardé que l'ordre naît sous notre regard… et la forme. »

Tel est le penchant de l'esprit humain : classifier et relier entre elles les sensations confuses, les données incomplètes du réel. A la manière des étoiles qui forment pour nous des constellations.

Afin d'étudier ce phénomène astral, Gombrowicz utilise non pas un télescope mais un microscope appliqué sur les étranges replis du cerveau. Il nous fait directement entrer dans la tête d'un narrateur qui suspend le réel au fil de ses obsessions, et établit ainsi des rapports abstraits qui remplacent les rapports charnels inassouvis.

Les choses deviennent des signes, des indices porteurs de sens. Elles en viennent parfois à acquérir un caractère sacré, et, telles une parodie de cathédrale, pointent leurs flèches vers des chambres et des lèvres féminines. Autant d'interdits à transgresser par des crimes plus ou moins subjectifs (Gombrowicz indique dans sa préface qu'il fait de ce récit un « roman policier » à sa façon très personnelle).

On pourrait aussi y voir un roman initiatique, qui ne raconterait pas seulement la maturation du héros, mais celle de la conscience humaine. « La conscience est la dernière et la plus tardive évolution de l'organique et par conséquent aussi ce qu'il y a en lui de plus inachevé et de moins solide. », disait Nietzsche.

Tout reste encore à bâtir pour notre héros livré à lui-même, un personnage dont le lecteur ne sait pas grand-chose, hormis la vague notion d'un pêché originel impliquant une fuite loin de sa famille. Son identité s'écrit dans une lutte permanente avec le réel et les phénomènes dont ce dernier le bombarde, et qu'il doit en permanence faire rentrer dans sa logique biscornue, comme un jeu de Tetris. C'est aussi épuisant pour lui que pour le lecteur, qui doit donc toujours en repasser par les mêmes motifs, tournés et retournés dans tous les sens, et finalement plaqués sur une réalité disloquée inéluctablement par sa rencontre avec une psyché en quête (enquête ?) de forme. Aussi exaspérant qu'enrichissant.
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