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Critique de mumuboc


"A Paris, dans la grande ville, être seule, c'est pas pareil qu'ailleurs. La foule, du monde au-dessus, en-dessous, sur les côtés. J'ai plus de repères, je les entends, je les vois et je les sens tous mais près de moi, accroché à moi, il n'y a personne. C'est du vide, une chute dans les branches, ne pas pouvoir les attraper. C'est un manque des autres quand ils sont partout. Ce n'est plus comme être seule à la campagne, là où il n'y a personne dans qui se regarder. (p95)"

Soizic, provinciale de 22 ans se cherche et comme sa relation avec ses grand-parents maternels qui l'ont élevée n'est pas au beau fixe (il faut avouer que les deux personnages sont assez "spéciaux") et que l'avenir qui s'offre à elle est loin de la séduire, elle décide de tenter sa chance à Paris, ville pour elle de tous les possibles. Après une tentative comme hôtesse, elle va devenir bouquiniste et découvrir que Paris a d'autres visages, parfois loin de ce qu'elle avait imaginer. Elle y retrouvera un amour aléatoire, Zonebbu, un cousin, Bokné, qui lui mettra le pied à l'étrier mais surtout elle va se chercher et pour se trouver il faut qu'elle mette les compteurs à zéro, qu'elle comprenne qui est sa mère, pourquoi elle s'est tenue à distance de sa vie depuis sa naissance et pourquoi pas la retrouver.

Il y a  hôtel où l'eau ruisselle, il y a les bouquinistes, comme Catherine, qu'elle va apprivoiser et qui lui fera découvrir les ficelles du métier, il y a des livres et des Tours Eiffel qui se vendent mieux que les livres parfois surtout si elles sont moches et puis il y a Soizic qui garde le cap, malgré l'alcool, malgré l'amour, les désillusions et l'argent qui lui fait défaut. 

Les chats éraflés c'est à la fois Soizic mais également toute une galerie de personnages qui sont égratignés par la vie : ils sont là, ils tiennent encore debout, vacillent, lèchent leurs blessures ou les cachent. Soizic, elle, n'a pas les codes, elle a été élevée sans point d'appui, sans repère et lorsqu'elle décide de prendre sa vie en mains, d'être indépendante et libre elle va comprendre que pour y arriver il faut qu'elle plonge au plus profond d'elle-même afin de découvrir qui elle est et ce qu'elle veut. Et si ce qu'elle cherche n'était pas autre chose...

"Il a raison, je l'envie un peu, je me dis qu'au final ça doit être agréable. Sangloter régulièrement. Moi je ne pleure plus. (p66)"

J'ai découvert Camille Goudeau lors de son passage à La Grande Librairie où sa douceur, sa réserve pour parler de son roman, inspiré (en partie) par sa propre vie de bouquiniste, avait retenue mon attention. Elle désacralise l'image de Paris, de la vie qu'on y trouve quand on est jeune, sans argent, sans expérience et que l'on veut y trouver sa place. Une ville de possibles mais également de solitude.

Un premier roman sous la forme de roman d'apprentissage : apprentissage de la vie, de l'indépendance, de la construction où chaque pierre posée n'est pas forcément bien cimentée, où chaque jour est un combat à la fois pour assurer le quotidien, lutter contre ses propres démons, ses propres réflexes. Soizic est volontaire, elle ne cède pas à la tentation du formatage de la capitale, de ses dangers mais elle en observe les codes, les clans.  Mais la solitude a ses revers et il y a un moment où il faut accepter ou saisir l'opportunité qui vous est offerte.

J'ai aimé la manière dont Camille Goudeau, sans complaisance, décrit la difficulté à se construire quand on ne peut compter que sur soi-même par la force des choses, par la force de la vie ou par une sorte d'orgueil. J'ai aimé la manière dont elle peint ses personnages, elle leur donne non seulement vie mais également consistance, présence avec une plume à la fois douce, sensible mais réaliste avec quelques égratignures sur la faune parisienne, ses réseaux, ses ambiances mais également ses grandes solitudes.

J'ai beaucoup aimé. Un premier roman prometteur.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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