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Critique de Malaura


Qu'il est bon d'entendre le rire perlé de l'ange tintinnabuler au creux de nos poitrines et cascader en source fraîche dans le livre d'Henri Gougaud !
Que ce roman fait du bien ! Que de vie, de chaleur, d'humanité, dans ces lignes pleines d'appétit, de saveur, de couleurs!
Le fumet est capiteux, le verbe haut et égrillard, et la langue, voluptueuse, stimulante, fringante, roule en bouche et au palais comme un hydromel liquoreux. En voilà une écriture qui a du goût et du piquant !

Dans un Moyen-âge bigarré et jovial, un ange - par quelle hasardeuse volonté divine ? - tombe dans la chaumière de Pico, le menuisier du village, et il n'en faut pas davantage pour nous emporter dans une farandole existentielle, entre roman et conte.
Séduit par notre humanité dont il découvre l'aberrante propension à se créer des soucis au nom d'un hypothétique Dieu punisseur, l'imperceptible être éthéré, chuchotant aux oreilles des vivants, s'ingénie à leur faire prendre conscience des bonheurs de l'existence.
« La vie est partout où l'on va. Aimez-la, elle vous aimera. »
C'est ainsi que Pico, malheureux en ménage et victime de sempiternelles rognes conjugales, quitte son foyer en compagnie de Chaumet, son ami d'enfance.
Sous l'impulsion de l'ange, « tantôt prêcheur tantôt pitre de basse-cour », les deux compères prennent la route, bientôt rejoints par Judith et Lila, leurs nouvelles compagnes, et par d'autres personnages hauts-en-couleur, bons et généreux, rencontrés au gré de leurs pérégrinations.
Les expériences vécues au cours de leur périple sont de celles qui ouvrent le chemin de la connaissance de soi et de l'amour des autres. Vaincre ses peurs, aimer, jouir, être martyr, être saint, sage ou philosophe…En soufflant sur les braises de l'âme, l'ange malicieux va les inviter – et le lecteur avec eux - à quitter leurs broussailles d'épines pour vivre et mourir dans un éclat de rire.

Il y a quelque chose de profondément réjouissant dans la lecture de ce roman-conte à la bonhomie rabelaisienne, qui nous rappelle à chaque page combien la vie est faite de menus plaisirs qui font les grands bonheurs.
On lit « le rire de l'ange » comme on se roulerait dans le foin, les sens aiguisés par des odeurs de terre et de sous-bois, de thym, de vieilles pommes et d'eau-de-vie ; par des effluves de lits, de membres emmêlés, de corps unis dans des gigues endiablées; par des parfums d'enfantement, de naissances et de petit lait ; par des arômes de mort aussi, bien sûr, car tel est le cycle de la vie qui s'achève immanquablement dans des relents de terre remuée et dans la fragrance subtile des âmes vagabondes.
Un brin grivois sans être graveleux, les mots d'Henri Gougaud ont de la chair et du ventre. Charnus autant que charnels, ils sont comme ces fermières aux poitrines amples et généreuses qui étanchent les sanglots des chérubins capricieux. Ils abreuvent autant les sens que l'esprit et savent consoler et guider, nourrir et griser, pour vous laisser repus, le coeur bienheureux.

Né à Carcassonne en 1936, Henri Gougaud est l'un de nos derniers grands conteurs populaires.
De son passé de parolier qui écrivait pour Ferrat, Ferré et bien d'autres, il a conservé le sens de la rythmique et de l'écriture chantée ; le talent du barde allié à celui du passeur de traditions orales. Il est de ces hommes que l'on écouterait pendant des heures assis au coin du feu, et qu'on lit avec le plaisir de mâcher à l'envi de savoureux vocables qui se font fontaine de jouvence en s'unissant en exercice de style de haute volée.
Henri Gougaud a l'art de la métaphore joyeuse, de la réflexion gaie, de la morale espiègle, de l'analyse badine et guillerette. C'est un jongleur de mots.
Ses histoires sont simples mais ses phrases puissantes, magnifiques de sons, de verdeurs, d'élan, d'emportement du coeur.
Il les brode, les carde, les tisse avec l'amour du paysan pour la terre, avec la jouissance de l'épicurien pour les plaisirs de l'existence, avec l'enjouement du ménestrel pour les joies du spectacle.
C'est à la fois divertissant et profondément enthousiasmant dans ce qu'il nous invite à partager d'une philosophie de vie empreinte de simplicité et d'humanisme.
On se prend alors à avoir faim de vie, empli du désir de s'en couper des tranches comme dans un gros pain de campagne et l'on se dit que si l'on tendait suffisamment l'oreille du coeur, qui sait, peut-être un ange viendrait-il nous chanter la mélodie du bonheur ?…
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