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Critique de karkarot


Alpinistes MALGRÉ Staline aurait-été un bon titre aussi, je trouve !
Les frères Abalakov -dont il est vrai qu'on ne les connait que grâce à une de leur invention en escalade sur glace pour économiser le matériel, ont en effet pratiqué la montagne grâce au petit Père des Peuples, le fameux Iossif Vissarionovitch Djougachvili ou plutôt à cause de l'URSS, en quête de gloire, de sommet, d'hommes sportifs, de militaires entraînés. Eux qui venaient de la Sibérie n'ont sans doute grimpé que grâce à la révolution d'Octobre. Mais celle-ci a aussi failli leur couter la vie, et tua leur famille.

C'est donc cette relation ambivalente avec un régime aujourd'hui déchu et largement remis en question (mais aussi regretté par toute une frange de l'opinion Russe) que décrit ce livre.
Cédric Gras n'hésite pas à dire qu'on pourrait y voir une histoire de l'URSS à travers le prisme des cimes.
En attendant, c'est déjà la vie de ces deux frères qui est passionnante et a intéressé l'auteur au point qu'il aille exhumer des archives et fouiller des dossiers poussiéreux pour raconter l'existence de ces deux personnalités bien différentes, stars de l'alpinisme russe méconnus en Occident !
L'enquête est difficile, surtout dans la période qui concerne les purges et la guerre: Vitali Abalakov a en effet été emprisonné et a frôlé le goulag entre 1936 et 1938. Evgueni, son frère, n'a en revanche pas été inquiété du tout. Pourquoi, comment, on ne peut plus le savoir, du mois pas dans ce qu'a trouvé Cédric Gras.
Reste la quantité de premières, de traversées, d'escalades, d'hivernales, de bustes de Staline ou Lénine amenés sur les sommets du Caucase ou du Pamir...
Sur lesquelles l'auteur ne s'appesantit pas trop, ce n'est pas ça qui l'a intéressé. Les deux frères sont des héros, de grands alpinistes, c'est une chose entendue, chacun dans son style, l'un avec brio et aisance, l'autre plus férocement, avec acharnement et travail, stakhanovisme.
L'un meurt jeune, dans des circonstances troubles "accident" au monoxyde, l'autre vit 80 ans et devient la référence ultime, vivant enfin la conquête des 8000 par son peuple, par procuration...
C'est plus un travail de recherche, d'exhumation, de réhabilitation et de décryptage de la société de l'époque que l'on lit qu'une véritable biographie d'alpiniste. En tous cas est-elle bien différente de ce que l'on peut lire ailleurs.
L'écriture est fluide, simple, sans grandiloquence, elle contrebalance parfaitement la phraséologie marxiste-léniniste-stalinienne qui ressort dans tous les extraits cités pour illustrer le monde dans lequel évoluait ces deux frères que j'ai pris un grand plaisir à découvrir, par delà la fameuse cordelette enserrée dans la glace que je connaissais comme un "abalakov".
Car Cédric Gras révèle au passage que Vitali, le grand frère, fût une sorte de Pierre Allain russe, un inventeur débrouillard et un ingénieur au service de son pays !
Le petit frère était lui un sculpteur reconnu du régime.

Une famille qu'il fallait ressortir des oubliettes administratives russes, c'est chose faite avec brio !
Merci et bravo.
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