Comme si les idées écloses dans la fièvre pouvaient à température normale garder leur valeur d'idées.
« Pourquoi M. Gauleiter a-t-il offert en présent le petit chien Prinz à notre Führer ?
- Parce que c'était l'anniversaire du Führer et qu'il avait toujours souhaité avoir un petit chien de notre ville.
- Et pourquoi le petit chien Prinz se trouve-t-il si bien à Obersalzberg qu'il ne regrette plus du tout sa maman chienne ?
- Parce que le Führer aime les chiens et est bon pour les chiens.
Le souvenir aime le cache-cache des enfants. Il se planque. Il a un penchant pour les belles paroles et il enjolive, souvent sans nécessité. Il contredit la mémoire, qui fait la vétilleuse et se chamaille pour avoir raison.
Quand on le presse de questions, le souvenir ressemble à un oignon qui voudrait être pelé afin que soit dégagé ce qui, lettre après lettre, est là, lisible: rarement univoque, souvent dans une écriture à lire dans le miroir ou crypté d’une quelconque manière.
Sous le première peau, qui produit encore un crissement sec, se trouve la suivante, laquelle, à peine détachée, en libère une autre, humide, sous laquelle attendent et chuchotent la quatrième, la cinquième. Et chacune de celles qui viennent sur des mots trop longtemps évités, des signes tarabiscotés aussi, comme si quelque faiseur de mystères avait voulu depuis sa jeunesse, à l’époque où l’oignon ne faisait encore que germer, s’envelopper d’un chiffre.
Croyant jusqu’à la fin. Pas vraiment fanatique, mais le regard immuablement fixé par réflexe, sur le drapeau dont on disait qu’il était «plus que la mort», je restais au garde-à-vous et j’étais exercé à marcher au pas. Aucun doute ne venait blesser cette foi, rien de subversif, comme par exemple la distribution de tracts, ne peut me décharger. Aucune blague sur Goering ne me rendait suspect. Je voyais bien plutôt la patrie menacée, encerclée d’ennemis.
On chatouillerait Matern qu'il ne se lèverait pas de sa chaise. Il est assis, les mains entées sur les genoux, ne faisant qu'n avec le meule, comme s'il devait y rester neuf ans ; ainsi sa grand-mère, la vieille mère Matern, resta neuf ans collée à son fauteuil et ne faisait que ribouler des yeux.
Langfuhr était si grand et si petit que tout événement survenant ou pouvant survenir dans le monde survenait ou aurait pu survenir aussi à Langfhur.
Je ne peux pas me rappeler que le professeur nous ait donné un enseignement sérieux. Quelques sujets de réactions me reviennent : "Préparatifs de noce chez les Zoulou." Ou bien : "Le destin d'une boîte à conserves." Ou bien "Quand j'étais bonbon de sucre d'ore et devenais de plus en plus petit dans la bouche d'une petite fille." Ce qui importait au professeur, c'était d'alimenter notre imagination ; et comme parmi quarante élèves il en est deux en général qui possèdent de l'imagination, trente-huit élèves pouvaient somnoler tandis que deux élèves de troisième - un autre et moi - déroulions le destin d'une boîte à conserves, prêtions aux Zoulous des coutumes nuptiales étonnantes et suivions à la piste un bonbon de sucre d'orge en train de diminuer dans la bouche d'une fille.
Il est dangereux de suivre du regard les papillons ivres. Ils ont un plan sans importance.
Même quand tombait la neige, mais que le vent donnait ss huit mètres-seconde, le moulin moulait régulièrement dans la tourmente inégale. Rien au monde ne ressemble à un moulin fonctionnant par neige tombante ; même pas les pompiers quand, sous la pluie, ils doivent éteindre le château d'eau en flammes.
Quand des amitiés sont nouées pendant ou après des bagarres, il faut, ainsi que l'ont à tous enseigné les films à suspense, qu'elles soient mises à l'épreuve souvent et avec suspense. Bien des épreuves seront imposées à l'amitié Amsel-Matern dans ce livre - rien que pour ce motif, il traînera en longueur.