La couverture fait très glauque, avec la ficelle et la main aux ongles cassés qui s'accroche aux barreaux. Je m'attendais à quelque chose de vraiment sombre, voire de morbide. Mais je vous rassure, ce n'est pas si terrible que ça.
En résumé, l'histoire se passe de nos jours, dans notre monde, et les sorciers vivent cachés aux côtés des « béjaunes » (c'est nous). Nathan, lui, a un gros problème : il a eu la mauvaise idée de naître. Son père est un sorcier noir extrêmement puissant et sa mère, une sorcière blanche. L'histoire se passe dans une Angleterre où les sorciers blancs dominent les noirs, qui sont chassés, tués, torturés. Nathan, à moitié noir – donc à moitié mauvais, comme le souligne le titre –, est la victime de lois toutes plus injustes les unes que les autres, qui n'ont pour autre but que de limiter ses déplacements et ses contacts humains. La violence est son quotidien, il est la victime des petites frappes qui haïssent sa nature et seuls son frère et sa soeur lui accordent leur soutien.
Ainsi qu'Annalise.
Le livre démarre sur l'image de Nathan, enfermé dans une cage à ciel ouvert avec une inconnue pour geôlière. le mystère est entier : on ne sait ni comment ni pourquoi il est arrivé là, ni qui est cette sorcière et par quelle magie il est contraint de lui obéir. La narration est très spéciale, car l'auteur a choisi de faire en sorte que le protagoniste s'adresse directement au lecteur (ou à lui-même ?) : « Tu as mal au poignet alors tu le trempes dans l'eau du lac. » Cet enchainement de « tu » rend le discours plus prenant, on rentre plus facilement dans la tête du narrateur et les scènes d'action sont plus haletantes. J'ai adoré, d'autant plus que je n'avais jamais vu ça ailleurs. Mais en changeant de partie,
Sally Green revient à une narration à la première personne, plus classique. Ce n'est peut-être pas si dommage, car je me serais sûrement lassée. Et ce ne serait sûrement pas passé dans toutes les situations.
Au final, il n'y a que deux choses que je peux reprocher à ce livre : d'une part, les personnages secondaires sont trop manichéens (leur première attitude envers Nathan reste toujours la même : Annalise est gentille avec lui dès le début, ses frères sont odieux, Jessica est imbuvable, Arran est adorable… Et on n'essaye pas de les comprendre). Et d'autre part, l'action s'embourbe à partir de la deuxième moitié du livre. J'ai eu du mal à m'intéresser aux péripéties de Nathan, en quête de la sorcière noire, car on sait déjà qu'il va réussir. La première partie était plus intéressante car on découvrait le monde de l'auteure, le fonctionnement de l'univers des sorciers (si différent de celui d'Harry Potter !), leurs Dons, leurs règles. Et l'horreur de ce que vit le protagoniste. Mais ensuite on perd cet intérêt.
Mais ce roman a aussi de gros avantages. Premièrement, il aborde des sujets sensibles : le racisme, l'homosexualité… Les autres sorciers jugent Nathan sans le connaître et ne prennent en compte que sa moitié noire (et puis, des Blancs qui dominent des Noirs… Ça ne vous rappelle pas une certaine période historique ?).
Alors que, fondamentalement, la différence entre ces deux types de magie est vraiment mince : les pouvoirs des seconds sont rattachés à la nuit, et plus particulièrement à la lune (ainsi que d'autres spécificités que je ne dévoilerai pas ici).
Deuxièmement, contrairement aux personnages secondaires, le protagoniste est quelqu'un d'attachant et de profond. Sa double nature le rend tantôt doux, tantôt violent. Lorsqu'il se retrouve face à une situation difficile, il a tendance à répondre par la violence (ce qui donne envie de hurler car on sait que ça va dégénérer). Il ne maîtrise pas totalement ses pulsions car il comprend peu sa moitié noire et ça le rend humain (ironiquement).
Troisièmement, les règles qui régissent le monde sorcier sont originales, mais pas si compliquées.
Vous l'apprendrez très vite, mais les sorciers reçoivent un Don en atteignant leurs dix-sept ans au cours d'une cérémonie un peu… sanglante. Cette cérémonie est essentielle pour eux, car on dit qu'ils peuvent mourir s'ils ne l'effectuent pas en temps et en heure – ou qu'ils perdent définitivement leur magie, ce qui revient au même. La sorcellerie n'est donc pas innée, elle doit être transmise, même si une base est déjà présente chez tout adolescent.
J'ai passé un très bon moment en lisant ce livre et je l'ai fini rapidement. J'ai apprécié l'idée de base, le personnage principal est attachant, et même si les autres sont un peu fades et que l'action n'est pas toujours au rendez-vous, l'écriture est fluide et c'est agréable à lire. Je suis d'ores et déjà à peu près sûre que je vais chercher à avoir la suite !