U4 : Koridwen

Je me faufile jusqu'à la pièce principale.
Je me plante devant la baie vitrée et admire la vue.
C'est une immensité grisâtre qui pourrait faire penser à l'océan.
La pluie qui ruisselle sur la vitre me rappelle ma Bretagne.
Paris est éteinte. Ce n'est plus la "Ville-Lumière".

"Chante-moi la série du six jusqu'à ce que je l'apprenne aujourd'hui", demande l'enfant.
Et le druide lui répond :
"Six petits enfants de cire, vivifiés par l'énergie de la lune, si tu l'ignores, je le sais. Six plantes médicinales dans le petit chaudron ; le petit nain mêle le breuvage, son doigt dans la bouche."
Tout correspond, sauf la taille de Max que je vois plutôt comme un géant. Que veux-tu encore nous dire, Mamm-gozh ? Peut-être que nous suivons le bon chemin, celui qui est tracé pour nous.

Ma grand-mère m'a toujours enseigné que la vie était précieuse, celle des hommes comme celle des animaux ou même des plantes. On ne peut s'autoriser à la supprimer qu'en cas de nécessité absolue. Elle disait que nous étions les cellules vivantes d'un grand organisme qu'on appelle la Terre, qu'on y jouait tous notre rôle. Je le ressens chaque matin quand je m'occupe des bêtes. Leur chaleur, leur odeur, leurs meuglements, tout semble à sa place.

 J'aurais déjà vécu ça une fois et je n'aurais pas su...pas pu...Des larmes envahissent mes yeux et inondent mes joues.

Aurais-je laissé ce Nico se faire lyncher si mon cousin n'était pas rentré dans la bataille ? Lui n'a pas réfléchi. Il est venu en aide à un inconnu sans penser aux conséquences. Est-ce cela le courage ?

A leurs yeux, je suis une héroïne et elles disent envier mon courage.
De quoi parlent-elles ? J'ai si souvent peur.

La vie est précieuse, celle des hommes comme celle des animaux ou même des plantes. On ne peut s'autoriser à la supprimer qu'en cas de nécessité absolue.

_ Demain, il sera sans doute trop tard.
_ Casse-toi, on te dit, hurle celui de gauche en portant sa main à la hauteur de son oreille.
Je comprends la menace. Il n'a pas l'air de plaisanter.
_ Mais mon cousin va peut-être mourir si on...
_ Eh bien il crèvera. Ce ne sera pas le premier. Par les temps qui courent, les cadavres, ce n'est pas ce qui manque.

Durant le reste de la journée, je suis tour à tour très excitée à l'idée de partir et très triste de tout quitter.
C'est chez moi ici, depuis toujours, c'est la maison de mes ancêtres.
Elle est imprégnée de leur passage. Les arbres ont été plantés par eux, les fossés creusés de leurs mains. C'est leur paysage et c'est le mien.

Je contemple tout ça puis je ferme les yeux. Je chuchote pour moi-même :
- Tu as raison, Mamm-gozh, ici, je suis à ma place.
Je fais le serment de revenir quand ma tâche sera accomplie.
Et je reviendrai plus forte.

C'est interdit et dangereux. ça devrait te plaire, conclut-il. (p.164)