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Citations sur Métamorphoses de l'amour (8)

[...]un couple d'amants se découvre au matin dans une gare inconnue: c'est Blois."J'ignorais tout de sa vie. Je ne connaissais pas la Loire."-Tu es déjà venue?"ai-je demandé à Anna. Elle a hésité à me répondre oui. Devinait-elle qu'elle me faisait un peu mal, et que j'aurais préféré qu'elle n'eut pas de passé?" Tel est en effet l'amour. Ce qui fait mal, c'est que le passé n'est en fait jamais passé. Il est toujours là. Il est cette part impénétrable que chacun porte en soi, et qu'il est impossible à personne de jamais partager. Qu'il y ait quelque chose d'elle qui ne puisse être à moi: c'est la souffrance des amants.
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Comme on aime une oeuvre musicale pour la vie tout autre qu'elle nous communique en nous la faisant imaginer, ainsi une autre personne nous bouleverse-t-elle en nous faisant pressentir un style d'humanité que nous n'aurions pas imaginé sans elle. Or, c'est son style qui caractérise une oeuvre musicale, et rien ne la caractérise autant que l'amplitude ou la brièveté de sa respiration, la douceur ou l'éclat de sa tonalité, l'organisation de ses tensions et leur résolution. S'en trouvent indiquées autant de manières sensibles de moduler l'attente et de se rapporter au monde. Ainsi en va-t-il de toute personne lorsque son phrasé, le rythme et la modulation de ses attitudes, nous font presque sentir quelque forme subtile de sensibilité ou quelque manière originale d'interpréter la vie.
Or, bien loin que nous aimions une oeuvre musicale parce que nous nous y reconnaîtrions, c'est par la singularité de son expressivité qu'elle nous émeut au contraire, en nous invitant à découvrir en elle un autre style d'humanité. Indépendamment de tout caractère formel, c'est cette pathétique expressivité qui nous bouleverse et que nous aimons en elle. Même quand il nous semble entendre en telle partition l'écho de notre tristesse ou de notre mélancolie, ce que nous aimons n'est pas tant de les y reconnaître que de leur découvrir un visage nouveau. C'est de toute semblable façon qu'on s'éprend d'une personne à cause de la musicalité que tout son style exprime. Son style peut n'être pas le nôtre. Du moins communique-t-il à tout ce qu'elle approche la marque de son tempérament et l'expression de sa sensibilité. Tout en est différent. Par le plus simple de ses gestes, elle affranchit le monde de sa banalité. A la manière dont certaines oeuvres communiquent à notre vie un surcroit d'énergie et d'intensité, la personne que nous aimons transfigure l'existence par la lumière, la couleur, le tempo que son style y apporte. Telle femme serait pour nous une aria de Mozart, tele autre aurait l'inventive allégresse d'une novelette de Schumann, telle soeur de Mélisande développerait dans l'existence la déconcertante et fragile spontanéité de ses arabesques, comme telle autre nous rappellerait l'exubérante vitalité de Prokofiev ou la tendresse acide des mélodies de Ravel. Les aimer, ce serait tellement s'en émouvoir et s'en émerveiller qu'on voulût répondre à leur attente, comme dans une sonate les inventions du piano suivent la ligne du violon, en préparent l'attaque, ou en accompagnent le chant. Reproduisant intérieurement le style, le rythme et la tonalité qui sont les leurs, nous deviendrions ainsi quelque chose d'elles-mêmes, apportant à leur voix le contre-chant de la nôtre, ou à la ligne de leur mélodie la couleur qui la soutient.
En ce sens, aimer quelqu'un, ce serait être tellement bouleversé par sa musicalité qu'on ne désirât rien tant que l'accompagner, tant on voudrait qu'il ne put être aussi parfaitement lui-même qu'en l'étant avec nous. L'amour serait donc le contraite du complexe de Pygmalion. Bien loin d'admirer dans la personne aimée ce double de nous-mêmes que nous en aurions fait, on s'émerveillerait qu'elle nous eût associé à la manière si poétique d'exister que nous appelons son style. Le merveilleux de ce que nous aurions été serait alors de l'avoir été pour elle.
... l'amour n'est en ce sens que l'ivresse saccageuse de sentir la faiblesse d'une autre chair céder sous la fureur dominatrice de la nôtre... ce qu'on aimerait alors dans l'amour comme en toute autre chasse, ce serait de sentir notre propre vie en annexer une autre, sans qu'il y ait si plaintive volonté qui ne doive plier sous la nôtre..
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C'est qu'il n' y a pas de raisons d'aimer. On n'aime pas à cause de ceci ou cela. C'est parce qu'on aime qu'on trouve une femme bouleversante, et non parce qu'elle est bouleversante que nous l'aimons.
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Notre amour ne transfigure pas la personne aimée, mais elle nous fait imaginer notre existence transfigurée par elle. En vivant auprès d'elle, il nous semble en effet que nous seront admis en un monde merveilleux où la prose se changerait en poésie.
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Il fallait qu'elle fût entre ses bras, sans plus de résistance, et que chacun sentît alors comme une ivresse la vie de l'autre vaciller dans la sienne.
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Si nous aimions pour des raisons, c'est une autre que nous aimerions. Ou plutôt nous n'aimerions jamais, car si nous aimions pour des raisons, nous attendrions toujours de trouver davantage et de meilleures raisons d'aimer.
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Il va de soi, par conséquent, que le sens que nous donnons à l'amour dépend de celui que nous donnons à la vie.
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C'est ce qui rend toutes les amours semblables, sans qu'aucun puisse jamais être pareil aux autres.
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