Hier, à 15 heures précises, je me suis chronométré et, à la seconde et au mètre près, voilà le résultat : mon record aux 100 m est pour le moment d’une minute vingt-sept secondes.
Après cette course d’une minute et demie, ou presque, j’ai dû me reposer cinq minutes sur un banc.
On a appris que sur 2 000 maisons de retraite, 8 00 devront fermer leurs portes avant 2020. Les vieillards dont l’indice de dépendance est faible devront se débrouiller seuls. Certains résidents se sont immédiatement mis à exagérer leur handicap afin de ne pas être forcés à déménager dans sept ans. « Rassurez-vous, chers amis, dans sept ans nous serons tous morts ou totalement dépendants ! », c’est ce que j’avais envie de leur dire.
J'écris dans mon agenda pour la dernière fois. L'idée est étrange. Mon journal est devenu partie integrante de ma vie,au même titre que le dîner .Parfois je l'attends avec impatience parfois je manque d'appétit, mais quoiqu'il en soit je n'y renonce pas facilement.
Je ne vais plus savoir que faire de mes journées, sans Eefge et sans mon journal.Je devrais peut-être écrire un roman.
Ç'aurait pu être une belle année ;en partie elle l'a été. Mais les derniers événements pèsent le plus lourd.j'ai rencontré une femme que j'aurais aimé connaître un demi-siècle plus tôt. J'ai du me contenter de huit mois de bonheur.Je devrais prendre exemple sur Grietje et être reconnaissant de chaque jour heureux qui m'a été accordé .J'essaie de toutes mes forces ,mais je n'y arrive pas toujours.
Une chose me préoccupe : et si Evert cassait sa pipe avant moi ?
Ce ne serait pas sympa de sa part, d’autant plus que les maux et tumeurs dont je souffre sont plus nombreux que les siens. On doit tout de même pouvoir compter sur son meilleur copain ! Je vais lui en toucher deux mots.
Les résidents perdent souvent leurs vieux amis restés à l’extérieur de ces murs, car ils cessent de se rendre visite ou d’entreprendre des sorties ensemble. Les personnes âgées se font une montagne du moindre déplacement. Si l’on veut enjoliver la réalité, on mettra en avant que c’est la peur des difficultés ou le manque d’énergie, moi, j’appelle ça de la paresse et du laisser-aller. Ne pas tomber dans l’isolement réclame beaucoup d’efforts, qui ne sont pas toujours récompensés à vrai dire.
M. Bakker nous a fait part de son opinion sur la catastrophe survenue aux Philippines : « Encore heureux qu’y sont pauvres, sinon y aurait plus de dégâts. »
Depuis quelque temps, Evert expédie son courrier dans des enveloppes de faire-part de décès. Il ne met pas de timbre, car personne n’oserait pénaliser le destinataire. De plus, il est sûr que le courrier sera distribué à temps.