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Critique de Melpomene125


Vie et Destin offre une peinture réaliste de la société russe et de la très rude bataille de Stalingrad. Cette lecture ardue nécessite du temps mais cet effort en vaut la peine car il aide à mieux comprendre le monde et, en particulier, la Russie.
Vie et Destin marque un tournant dans la pensée philosophique et politique de Vassili Grossman. Fervent communiste et partisan du régime soviétique dans Pour une juste cause, il analyse désormais la dérive totalitaire de Staline, qui n'a rien à envier à celle d'Hitler et du national-socialisme, et dont on trouvait déjà des bribes dans la pensée de Lénine. Cette prise de conscience le fait basculer dans le camp des opposants qui sont appelés "les ennemis du peuple ", il craint d'être arrêté, son manuscrit est saisi par le KGB, la police politique, et ne sera sauvé que grâce à l'action de quelques hommes de bonne volonté, désireux de sortir de cet enfer qu'est le totalitarisme. Vassili Grossman montre, d'une manière inacceptable pour les autorités, la convergence entre les systèmes nazi et soviétique (camp de concentration/goulag, police politique : Gestapo/KGB, nationalisme d'État, élimination des minorités et des opposants grâce à la terreur et la répression). Sa réflexion rejoint celle d'Hanna Arendt sur la banalité du mal qui se nourrit de la peur individuelle, légitime lorsque règne ce genre d'ambiance effrayante.
Le personnage de Strum, physicien nucléaire, est isolé car ses recherches sont accusées d'être de la physique juive, occidentale, qui contredit les travaux du maître à penser, Lénine. Puis, lorsque Staline l'appelle, il retrouve son poste et ses amis, ne risque plus d'être arrêté. Alors qu'il avait toujours été courageux, il accepte de signer une lettre qui nie les exactions commises envers des scientifiques et les arrestations arbitraires. Il a honte de sa faiblesse et est tourmenté. Pour Vassili Grossman, le régime soviétique, en détruisant la liberté, a fait régresser son pays et restauré une servitude identique à celle de la Russie des tsars et des serfs. Il s'interroge sur la nature pernicieuse des idéologies, surtout celles qui ont pour but le Bien de l'humanité et sont érigées en systèmes dogmatiques qui font sombrer l'Homme dans la barbarie. Que reste-t-il après un tel chaos, à part l'espoir incertain que la bonté humaine parviendra à vaincre, malgré tout, ces entreprises de déshumanisation ?
Ce roman m'a bouleversée. Il est, pour moi, un des chefs-d'oeuvre du XXe siècle. Il est à la fois un témoignage rare et poignant de la Shoah en Europe de l'Est et de l'univers totalitaire dans lequel des milliers de personnes, en U.R.S.S., ont été obligées de rester enfermées et de survivre. Certains passages m'ont durablement marquée : les descriptions horribles de ce que les historiens ont appelé « la Shoah par balles » et plusieurs dialogues, expressions des tourments philosophiques et politiques de l'auteur.
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